Je l'observais en train de préparer les kebabs, de prendre les commandes, je l'observai rire, parler, s'énerver, tout simplement vivre, un grand sourire aux lèvres.
Ma sensation de solitude s'estompait petit à petit à chacun de ses regards posés sur moi, de ses paroles et de ses gestes à mon égard. Malgré un certain malaise qui se ressentait parfois, peu habituer à ce nouveau lien fraternel, je me disais qu'au fur et à mesure cette gêne partirait j'en étais sûr.
Alae et Pierre s'en était allé, et ce premier avait quand même osé un petit regard furtif vers moi avant de partir, malgré que Ramzi restait proche de moi, comme pour dissuader chaque garçon du grec de tenter une toute autre approche hors du cadre professionnel envers moi. Je ne pouvais pas m'empêcher de culpabilisé, c'était un garçon si bon, si gentil et si touché par la vie que je m'en voulais de le tromper, de lui mentir. On se connaissait à peine, et pourtant j'avais cette sensation de le trahir.
Momo affichait un grand sourire tout le long de mon service, cette ambiance peu habituelle lui convenait pleinement. J'avais du mal à imaginer que quelques temps plus tôt Ramzi multipliait provocations et provocations envers moi, qu'il avait serrer ses mains autour de mon cou, m'insultant et insultant même celui que j'aimais, que j'avais fais preuve de violence envers lui avec mes mots et mes gestes alors qu'en temps normal je ne disais rien.. C'était fou la manière dont les choses pouvaient prendre une tournure tellement différente en fonction du temps..
L'heure de ma fin de service était arrivé, il commençait à faire sombre dehors à cause des nuages remplis de pluie qui cachaient le soleil et qui ne tarderaient pas à exploser.
- Rentre bien Sher, à demain ! Et restez comme ça vous deux, c'est beaucoup mieux !
On regardait tous les deux Momo en souriant, gênés. On attendait tous les deux que quelqu'un commence à parler et il se décida enfin à prendre la parole :
- Fais belek à Toi en rentrant.. Aufaite j'ai pas ton num, donne le moi au cas où t'as vu
Il était tout gêné, ça semblait tellement irréel venant de Ramzi, lui pourtant d'habitude si sûr de lui, arrogant sur les bords, il était gêné. Je lui ai souris, le lui donna et prit aussi le sien, en observant qu'il avait enregistré mon numéro au nom de « Oukhty » (ma sœur). Mon sourire devint encore plus grand, il le remarqua, ria et me poussa hors du grec en disant « vas y barre toi ! ». J'avais percé à jour le Ramzi sentimental qu'il cachait tant et que je me plaisais à découvrir.
Je remarquais qu'une voiture noire à vitres teintées était garée à quelques mètres du grec, et que ses phares s'étaient directement allumés une fois que j'en fus sorti, je n'avais pas fait quelques mètres que la voiture démarra et s'en alla. Je ne voulais pas être parano, peut être que ça n'était qu'une coïncidence, et si ça n'en était pas une c'était sûrement Fahd qui n'avait rien trouvé de mieux à faire que de me surveiller.
Quelques gouttes de pluies commençaient à tomber alors que je rentrais dans la cité.
Je regardais inconsciemment en bas du bloc de Jihane par habitude à chaque fois que j'y passais pour voir si elle était là, et mon cœur s'emballa quand je la vis, assise à côté de Younes. J'hésitais à sourire, à baisser les yeux ou à continuer de les regarder mais ils réagirent plus vite que moi, me poignardant avec leur regard et crachant à terre pour ensuite détourner la tête. Jihane m'avait déjà mis au courant de sa répulsion envers moi, mais pour Younes sa réaction m'avait semblé un peu exagérer si c'était uniquement parce que je n'avais pas répondu à ses appels la veille au soir.
« Laisse tomber Shérazade, n'y réfléchis pas et avance » c'était ce que je me répétais mais je n'arrivais pas à contrôler cette sensation, je sentais mon cœur se serrer et ma gorge se noué, ma bonne humeur n'avait été que de courte durée comme d'habitude.