Chapitre 35

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Thor, Loki et moi sommes à nouveau dans les appartements colorés et vivants du Grand Maître, pour participer à une énième de ses soirées affriolantes. Celle-ci est un peu différente de celles auxquelles nous avons participé jusqu'à présent, cependant. Tout est bien plus sombre que d'habitude, autour de nous. Je distingue à peine le visage des personnes présentes dans la pièce, c'est à peine si je vois celui de Thor à côté de moi. Ça ne m'arrange pas vraiment : depuis que j'ai été libérée cet après-midi, Loki est introuvable et je n'arrive pas à lui mettre la main dessus. Je comptais sur cette soirée pour le coincer, mais avec cette lumière et ce monde, je risque d'avoir du mal à le faire.

— Maya, tout va bien ?

Je me tourne vers Thor, et le manque de lumière m'évite d'avoir à sourire pour le rassurer.

— Oui, réponds-je simplement, ça va. Il faut juste que je trouve quelqu'un.

— Attends ! Tu...

Je ne l'entends déjà plus. La musique est très forte autour de moi, je me croirais presque à l'une de ces soirées étudiantes que je faisais dans l'autre réalité. Avec le temps, cette phrase ne me parait même plus choquante.

Je continue d'avancer à travers les invités, cherchant toujours Loki du regard. Finalement après quelques instants je finis par le trouver : il est de l'autre côté de la pièce, appuyé contre un mur, dans un coin sombre. Il a les bras croisés sur le torse, et sa tête est tournée vers moi. Très bien : je l'ai vu, il m'a vue, il ne peut plus fuir. J'avance vers lui d'un pas décidé et quand j'arrive devant lui, dans ce coin sombre où personne ne nous voit ni nous entend, je m'approche encore jusqu'à parler à son oreille.

— Tu vas me dire ce que tu as fait, maintenant ?

— Je n'ai rien fait, continue-t-il de se défendre.

— Pour le Dieu de la Malice, tu es très mauvais menteur.

Ça suffit à Loki pour perdre son calme. Il me tire par le bras à travers la salle, jusqu'à nous emmener dans un des nombreux couloirs du grand bâtiment. Ici, il ouvre les portes d'un coup sec une à une jusqu'à trouver une pièce vide, et il me pousse à l'intérieur sans ménagement. Ensuite, il m'y rejoint et claque la porte derrière lui. Dis-donc, il est vraiment énervé.

— Ce n'est pas à moi de me justifier, Maya, dit-il ne regard dur. C'est à toi. Pourquoi tu as fait ça, hein ? Sacrifier ta liberté pour celle de mon frère ?

— Je ne l'ai pas fait que pour ton frère.

Je m'ose à lever la tête vers Loki, et voit qu'il me regarde les yeux perdus et les sourcils froncés. Mais il sait très bien ce que je veux dire.

— Je ne comprends pas, reprend-il cependant, comment on peut accepter de se sacrifier pour sauver quelqu'un d'autre.

— Ça, lui dis-je en levant les yeux au ciel, c'est parce qu'on est très différents tous les deux. Je crois, Loki, qu'il y a des gens bons dans ce monde, des gens qui peuvent rendre le monde meilleur et je veux en faire partie. C'est tout.

— Et bien c'est complètement idiot.

— Ce n'est pas ce que tu disais quand j'ai donné à manger à cette gamine dans la rue.

— Parce que tu ne craignais pas pour ta vie en volant quelques fruits sur un étal !

Loki se retourne et va s'adosser contre le mur, à quelques mètres. Il est énervé, peut-être, mais je le suis aussi désormais. J'avance donc vers lui, le visage plein de colère.

— Ce n'est pas parce que tu ne comprends pas ce que je fais que c'est idiot !

— Mais ça l'est, Maya !!

— PAS DU TOUT !

Je m'arrête, reprends ma respiration après avoir crié plus fort que lui. Loki me regarde dans les yeux et même s'il est étonné de ma répartie, il ne se démonte pas.

— Je n'aurais jamais fait ça !! reprend-il en criant plus fort. Jamais !!

— C'est parce que tu es un sale égoïste !

Aïe. À peine cette phrase sort elle de ma bouche que je comprends que je l'ai blessé. Mais ça n'a pas d'importance, parce que je dis uniquement la vérité. Et il le sait très bien.

— Tu es égoïste Loki, reprends-je sans crier cette fois, et égocentrique, et rien ne compte plus pour toi que tes propres intérêts. Ça a toujours été comme ça, depuis des années. Tu le sais autant que moi.

Je plante ensuite mon regard droit dans le sien, les sourcils froncés de colère. Loki aussi est énervé. Alors que je n'étais plus qu'à quelques mètres de lui, il fait les quelques pas qui nous séparent et attrape mes épaules avec force.

— JE SAIS QUE JE SUIS ÉGOÏSTE MAYA ! Je le sais ! Si tu n'es plus dans cette stupide cellule c'est justement parce que j'ai pensé à moi, et rien qu'à moi !

Cette fois-ci, c'est moi qui ne suis pas sûre de comprendre. Je penche la tête en fronçant les sourcils, et me demande où il veut en venir exactement. Alors, Loki lâche mes épaules, tout en restant cependant aussi près de moi que je peux sentir son souffle.

— Tu sais comment j'ai convaincu le Grand Maître de te laisser partir ? Je lui ai envoyé trente hommes, Maya, TRENTE ! Trente nouveaux guerriers qui iront droit vers leur tombe à peine entreront ils dans l'arène des Grands Jeux.

— Mais pourquoi tu...

— PARCE QUE JE NE POUVAIS PAS TE LAISSER LÀ-BAS !

— POURQUOI, LOKI ?!

Nos visages ne sont qu'à quelques centimètres, non, quelques millimètres l'un de l'autre. Son regard me fait peur, mais il est aussi affreusement excitant. Je ne comprends pas pourquoi je me sens comme ça, et je ne devrais pas. Il vient de m'avouer qu'il a envoyé trente personnes à la mort contre une seule vie. La mienne.

— Parce que je... parce que...

Son souffle se mélange au mien, et je crois lire dans son regard quelque chose de nouveau. Qu'est-ce qu'il essaie de me dire ?

Finalement, je crois comprendre. Mais... non, ça n'a pas de sens.

— Ne me dis pas que... Non, Loki. Ne me dis pas que c'est ce que tu essaies de dire.

— Si, Maya, soupire-t-il. C'est exactement ce que j'essaie de te dire.

Mischief's RealityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant