Au nom du Père

50 - Port Arthur : 20 novembre 2019

Dean se redressa d'un seul coup sur sa chaise, complètement abasourdi par ce qu'il venait d'entendre. Avait-il rêvé ou ce vieux Texan à l'autre bout du fil venait-il tout juste de leur apprendre que sa famille et lui étaient les nouveaux dirigeants du SAS ? Le regard ahuri que Caleb posa sur lui ne manqua pas de lui faire comprendre qu'il avait bien entendu les propos de l'agent, ce qui suffit à faire perdre le peu de sang-froid qu'il restait encore à l'aîné Winchester après avoir presque perdu son fils et son frère en l'espace de 24 heures. Il vola le micro de la radio des mains du jeune archiviste et s'employa à percer le fond de ce mystère avant qu'on ajoute un poids de plus sur les épaules de sa famille.

            -Ici Dean Winchester. Je ne suis pas certain d'avoir bien cerné vos derniers mots, monsieur l'agent, à moins que vous soyez en train de vous foutre de notre gueule. Tom ne peut pas avoir été assez idiot pour agir aussi stupidement, il y a forcément une erreur quelque part. Ma famille ne peut pas mener votre organisme, monsieur. On peine déjà à garder la tête hors de l'eau avec cette guerre de merde, alors à moins que vous teniez absolument à vous faire exterminer de la surface de la Terre, je vous conseille de trouver quelqu'un qui soit réellement qualifié pour faire ce travail.

            -Et vous ne l'êtes pas, peut-être ? pouffa le Texan, qui semblait prendre un certain plaisir à voir Dean se démener pour garder son calme. Sans vouloir vous manquer de respect, m'sieur Winchester, je vois personne de plus capable que vous pour mener notre organisation et vaincre l'ennemi. Aucun de nos agents n'a autant d'expérience que les membres de votre famille sur le terrain, vous êtes les seuls à connaître réellement qui nous affrontons, et j'ai eu ouï-dire que vous étiez des stratèges et des combattants sans pareils lorsqu'il est question de menaces apocalyptiques. Votre seul nom a suffit à redonner espoir à nos troupes, alors imaginez ce qu'ils accompliront si vous acceptez de les diriger ! J'ai bien connu Tom, et je peux vous assurer que ce gars ne faisait jamais rien pour rien. S'il a voulu vous donner cette tribune, je vous conseillerais de prendre votre place sous les projecteurs et d'accepter le rôle qu'on vous offre, parce que ça pourrait bien vous permettre de gagner cette guerre. Vous pourrez pas y arriver seuls cette fois, il va vous falloir une armée prête à combattre à vos côtés si vous voulez contrer les effets des lavages de cerveaux que Dieu a déjà commencé à infliger à la population partout à travers le monde.

            -Y a déjà bien assez de gens qui sont morts ou qui ont failli y laisser leur peau pour que ma famille et moi puissions vivre, alors vous pourrez bien m'exhorter autant que vous voudrez, l'ami, mais je changerai pas d'idée.

            -Alors tous ces gens qui sont déjà morts pour vous, ils seront morts pour rien, c'est ce que vous êtes en train de me dire, maugréa l'agent. Vous êtes un drôle de héros, p'tit gars : vous êtes prêt à donner votre vie pour une cause, mais vous êtes trop butté pour prendre les moyens nécessaires pour réussir votre entreprise.

            Dean porta la main à sa tête en soupirant d'exaspération. Un mal de crâne carabiné lui martelait les tempes depuis leur arrivée à l'hôpital, sans doute causé par la privation de sommeil et la chute d'adrénaline après la suite d'événements impossibles qui s'étaient enchaînés au courant des deux derniers jours, ce qui nuisait désagréablement à sa réflexion. La dernière chose qu'il souhaitait, c'était de mettre davantage de vies en jeu dans cette guerre et de devoir supporter encore plus de morts que celles qui alourdissaient déjà sa conscience. Mais d'un autre côté, les arguments du Texan valaient la peine d'être examinés, même si ce n'était pas de la manière dont l'agent à l'autre bout du combiné le préconisait. En effet, s'il obtenait suffisamment de pouvoir pour gérer une organisation gouvernementale top secrète, cela lui octroierait peut-être la capacité de protéger ceux qui lui étaient chers et d'empêcher le destin de son fils de se réaliser.