Au nom du Père

52 - Washington : 14 décembre 2019

Mary ne pouvait s'empêcher de sourire en observant ses fils et son petit-fils discuter et blaguer avec insouciance tandis que la limousine qui les conduisait vers la Maison-Blanche se frayait un passage entre les voitures. Depuis son retour dans le monde des vivants, elle ne cessait de se répéter, encore et encore, à quel point elle n'aurait pas pu être plus fière d'être la mère et la grand-mère d'hommes tels que ceux qui occupaient l'habitacle du véhicule avec elle. Il lui était même plus d'une fois arrivé de remettre la réalité en question, de se dire que ses trois garçons étaient trop beaux pour être vrais, mais les jours et les semaines avaient passé sans que l'illusion prenne fin, et elle avait fini par s'abandonner complètement et profiter de la vie tant qu'elle s'offrait encore à elle.

Lorsqu'il lui arrivait de s'imaginer à quoi le futur de ses enfants ressemblerait alors que Sam et Dean n'étaient que des bambins, elle s'était bien amusée à projeter son Dean si sensible et bienveillant en médecin et Sam, toujours si tranquille et souriant, en enseignant. Bien sûr, elle n'avait jamais souhaité que leur destin prenne cette tournure après sa mort, elle qui avait tout fait pour qu'ils ne s'engagent jamais dans la voie de la chasse, mais les voir si grands, si forts et si porteurs d'espoir pour le monde entier l'avait forcée à revoir le jugement qu'elle portait jusqu'alors envers les chasseurs. Présentement, l'humanité avait besoin de Dean, de Sam et de Stiles pour survivre et il aurait été purement égoïste de sa part de désirer les éloigner de leur devoir seulement parce qu'elle n'approuvait pas leur profession.

À les voir ainsi, tous les trois affublés de luxueux complets faits sur mesure, elle comprenait qu'ils étaient nés pour se trouver dans cette limousine à cet instant précis, nés pour travailler main dans la main avec le Président en personne, nés pour sauver l'humanité de l'extinction. Autrement dit, nés pour être les dieux que chacun attendait qu'ils soient. Sa descendance allait sans contredit passer à l'histoire comme étant les plus grands héros que l'humanité n'aura jamais connus s'ils parvenaient à arrêter Dieu, des pages complètes leur seraient attribué dans les livres d'histoire et l'ensemble des futures générations chanteraient leurs louanges jusqu'à la fin des temps. Juste le fait d'y penser donnait des frissons d'émotion à Mary, ce que ne manqua pas de remarquer Dean, qui siégeait à sa droite.

-Tu as froid ? s'enquit-il, inquiet, en faisant mine de retirer son veston pour le passer sur ses épaules.

-Non, non, tout va bien, répliqua-t-elle en arrêtant le mouvement de son fils avant qu'il ait enlevé son manteau. Je ne faisais que penser à tout ce qu'on a vécu jusqu'à présent, à tout ce qui est encore à vivre...à comment je vous aime et je suis fière de vous, quoiqu'il arrive.

Sam et Stiles, qui étaient assis en face d'elle, tendirent la main pour aller serrer celle de sa mère, et Dean passa un bras autour de ses épaules pour la ramener contre lui. Même si Mary regrettait encore plus que tout de ne pas avoir pu voir grandir ses enfants, il n'en restait pas moins qu'elle était honorée de pouvoir vivre cette aventure et être en état et en âge de combattre auprès de sa progéniture. Leur relation mère/fils n'avait rien d'habituel, c'était évident, mais une chimie pure et sublime s'était instaurée entre eux, comme le serait un drap blanc, immaculé, qui n'a encore jamais été taché par les ravages de l'existence. À ce moment, Mary n'aurait échangé leur relation pour rien au monde.

-On t'aime aussi, maman, sourit Sam, les yeux embués par les larmes. C'est le plus grand cadeau qui m'ait jamais été donné d'avoir eu la chance de te connaître enfin.

Dean et Stiles hochèrent la tête pour assentir à l'affirmation de Sam, et une nouvelle vague d'amour flotta dans l'habitacle. Mary aurait voulu ajouter quelque chose, trouver les mots justes pour illustrer ce qu'elle ressentait réellement envers ces trois grands hommes qui se tenaient auprès d'elle, mais la limousine s'arrêta brusquement devant les barrières de sécurité de la Maison Blanche. Ils étaient arrivés à destination.