2 - Cimetière de Greenville : 2 novembre 2019

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La nuit était tombée depuis longtemps sur le cimetière de Greenville, et pourtant Dean continuait de converser avec la pierre tombale de sa mère sans se soucier du fait qu'elle ne soit pas en mesure de lui répondre. Le chasseur lui-même ne parvenait pas à se l'avouer, mais ce monologue agissait comme une forme de thérapie sur lui. Peu lui importait, désormais, si sa mère ne pouvait pas dialoguer avec lui, ni même si elle ne l'entendait pas réellement de là où elle se trouvait : ça lui faisait tout de même un bien fou de réciter ses plus récentes aventures et de traiter de ce qu'il avait pu vivre au courant de la dernière année et demie.

            -...Et donc, c'est comme ça que Stiles est arrivé dans ma vie. Tu te rends compte, maman ? T'es grand-mère, maintenant ! En fait, ça fait maintenant un peu plus de vingt ans que tu l'es, mais on s'attardera pas sur les détails. Tu devrais voir le gamin, il est formidable. Tu t'entendrais bien avec lui, c'est certain. En fait, je vois pas comment qui que ce soit pourrait ne pas l'apprécier. Je dirais qu'il est composé de toutes mes qualités et de celles de sa mère, mais sans nos plus grands défauts. C'est un vrai petit génie de la stratégie, un excellent chasseur et il a tout simplement fait chavirer ma vie avec son humour et sa bienveillance. Moi qui croyais que jamais je n'aurais pu être plus protecteur envers quelqu'un d'autre que Sammy, tu devrais me voir le couver comme une maman poule, le pauvre. Mais j'y peux rien, tu vois, c'est seulement que...ce gamin est ce qu'il y a de plus beau dans ma vie et je sais très bien que j'arriverai pas à passer au travers si je devais le perdre. Cette vie, je ne la lui ai jamais souhaitée, et comme c'est à cause de moi et de mon sang s'il s'est retrouvé mêlé à cet univers, je ne me le pardonnerais jamais s'il devait lui arriver le moindre malheur. Je l'aime tellement, maman, ce gamin, que je pourrais en devenir fou. Tu peux y croire, toi ? Il m'arrive de rester éveillé la nuit tellement je crains qu'une chasse puisse un jour mal tourner et qu'il puisse être blessé par mégarde. J'aimerais tellement que tu sois là, tu sais, ne serait-ce que pour me conseiller, me rassurer, m'avouer que c'est normal de s'inquiéter constamment pour son enfant. Je voudrais seulement que tu vois tout le chemin qu'on a fait grâce à toi, tout ce que t'as pu accomplir à travers nous.

            Dean se tut bientôt, comme s'il s'attendait à ce que sa mère sorte miraculeusement de nulle part pour le consoler et apaiser ses tourments, mais seul le poids du silence lui répondit. De là où il se trouvait, en plein cœur du cimetière, il n'entendait même pas le bruit des voitures ou l'incessant vacarme urbain. Il était parfaitement seul avec lui-même...ou du moins, c'était ce qu'il croyait jusqu'à ce qu'une voix retentisse derrière lui.

            -Ah, les mères...Peut importe ce qu'on peut en dire, elles gardent toujours une place spéciale dans notre cœur, n'est-ce pas ?

            En l'espace d'une seconde, Dean s'était relevé et pointait le canon de son pistolet sur le mystérieux nouveau venu qu'il n'avait même pas entendu approcher. Avait-il pu s'égarer dans ses pensées au point d'en oublier tous ses instincts de chasseur ? L'aîné Winchester comprit néanmoins rapidement que ce n'était pas lui qui était en faut lorsqu'il reconnut le petit homme barbu aux cheveux bouclés qui l'observait passivement, les mains mollement glissées dans les poches de son jean. L'aîné Winchester baissa son pistolet dès qu'il réalisa à qui il avait affaire, sachant pertinemment qu'il ne lui serait d'aucune utilité contre son opposant.

            -Chuck ?

            Dieu en personne se tenait devant lui, un mince sourire au coin des lèvres. Dean resta silencieux de longues secondes, attendant impatiemment que son interlocuteur lui dévoile la raison de sa présence, mais comme Chuck semblait vouloir rester muet et continuer de le fixer comme s'il était un simple gibier sur lequel il avait la mainmise, le chasseur réendossa son masque de pierre et prit les devants de la discussion.

Au nom du PèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant