59 - Bunker : 26 décembre 2019

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Le premier sens qui parvint à Stiles fut celui de l'odorat. Il ne pouvait pas mettre le doigt sur ce qu'il sentait, mais il sut avant même d'ouvrir les yeux qu'il se trouvait dans un endroit familier, sécuritaire et chaleureux. L'odeur putride des cadavres qui avait infesté le champ de bataille près de l'église Sainte-Présentine de Frontenac avait laissé place à celle des pancakes aux bleuets et du bacon. Puis, il réalisa qu'il n'était plus couché dans la boue et le sang, mais sur un matelas confortable, abrié par de lourdes couvertures qui sentaient bon le savon à lessive. Il tendit l'oreille, mais ne perçut rien d'autre qu'un agréable silence que seules des voix lointaines venaient déranger, mais elles étaient si éloignées qu'il aurait pu les confondre avec le murmure d'un vent d'été ou avec le propre fil de sa pensée. Puis, lorsqu'il fut à peu près certain d'avoir reconnu l'endroit, il se décida enfin à ouvrir les yeux.

Il se trouvait dans sa chambre du Bunker, avec ses murs beiges, ses meubles antiques et la pétarade d'affiches de films et de groupes de musique qu'il avait ajoutées pour personnaliser l'endroit. Il ne l'avait pas occupée depuis maintenant presque deux mois, et pourtant rien n'avait changé, comme si le temps s'était suspendu après leur départ en mission. La seule chose qui différait, c'était la présence de cet homme, assis sur une chaise à côté du lit, qui lisait l'un de ses romans de science-fiction et qui ne semblait pas avoir encore remarqué qu'il était réveillé. Cet homme, Stiles l'aurait reconnu même s'il avait gardé les yeux fermés, gracieuseté du lien qui les unissait et de son odeur au repos, qui se voulait un mélange de savon à lessive bon marché et d'huile à moteur. Dean.

Pendant un long moment, le garçon resta silencieux pour éviter de trahir son état de conscience à son père. Il profita de la sensation de chaleur et de sécurité qui l'enveloppait à se savoir chez lui, dans sa chambre, en présence de la personne qui comptait le plus à ses yeux. Il ne chercha même pas à remplir le vide qui précédait son réveil, à savoir pourquoi il n'avait aucun souvenir de son retour au Bunker. Il voulait seulement profiter de l'instant présent.

Mais, bien sûr, il fallut que Dean finisse par lever les yeux sur lui et par remarquer qu'il était réveillé et qu'il le regardait, un sourire au coin des lèvres. Le silence fut alors immédiatement rompu par le livre de science-fiction qui tomba au sol sous l'effet de la surprise. Dean parut sur le point de crier de joie, mais il se reprit au bon moment et se contenta de soupirer de soulagement, ses yeux brillants de soulagement, d'amour et de réconfort.

-T'es vraiment doué pour me faire paniquer, gamin, tu le sais, ça ? dit-il en lui serrant paternellement l'épaule. Il va falloir que tu arrêtes de mettre ta vie en danger comme ça, sans réfléchir, parce qu'autrement je risque d'en devenir cardiaque. Tu voudrais pas me voir mourir avant l'heure, non ?

Des flashs de son père gisant dans une mare de sang, un couteau planté dans le cou, survinrent soudain dans l'esprit de Stiles et il sentit sa gorge et son estomac se nouer. Ces images lui parvenaient comme si elles faisaient partie d'une autre vie que la sienne, mais une fois qu'elles furent apparues, l'adolescent n'arriva plus à les oublier. Ces flashs étaient bien réels, il le savait intrinsèquement, mais il lui manquait encore beaucoup trop de morceaux pour compléter le casse-tête de ses souvenirs, ce qui lui laissait une tonne de questionnements, mais bien peu de moyens pour y répondre. Comment Dean pouvait-il se tenir devant lui s'il se rappelait l'avoir vu mourir ? À moins que...lui aussi soit tombé au combat.

-Est-ce que je suis mort ? demanda-t-il à brûle-pourpoint en se redressant subitement, ce qui fut loin d'apaiser les inquiétudes de Dean.

-Quoi ? Pourquoi tu me demandes ça ?

-Tu...Tu étais mort, je m'en souviens...et là tu te tiens devant moi comme s'il ne s'était rien passé...La seule réponse logique serait que...Enfin, tu vois, que je suis mort et qu'on se trouve dans mon Paradis.

Au nom du PèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant