Stiles ne réfléchissait plus, son cerveau avait plié bagages pour laisser place à une rage viscérale, fulgurante et incontrôlable qui monta en lui et le posséda entièrement, une fureur qu'il dirigea entièrement sur Chuck, parce que tout était sa faute et qu'il devait payer pour ce qui venait de se produire. Un cri animal s'échappa de ses lèvres tandis qu'il empoignait ses deux poignards. Tous ses instincts de survie, sa peur et sa prudence avaient laissé place à un sentiment à peine humain, à peine supportable pour son enveloppe mortelle, et il chargea son ennemi, qui dans sa rage ne lui apparaissait plus comme un être supérieur contre qui il n'avait aucune chance de survivre, mais plutôt comme une simple proie qu'il n'aurait de cesse de traquer tant et aussi longtemps qu'il ne l'aurait pas mis en pièces.
-IGNEM ET MORTEM, hurla-t-il pour enflammer ses couteaux alors qu'il fonçait tête baissée sur Chuck qui n'avait pas bougé, toujours ébahi par le coup que venait de lui faire Dean.
Dieu évita ses couteaux à la dernière seconde, mais Stiles n'avait pas l'intention de s'arrêter là. Comme à toutes les fois où il éveillait le pouvoir qui sommeillait à l'intérieur de ses lames, il se sentait dominé par une force et une puissance qui n'étaient pas siennes, mais qui lui donnaient l'impression de faire partie intégrante de lui. Ses réflexes se dupliquèrent exponentiellement, tout comme son énergie, sa vitesse et sa vigueur, si bien qu'il pouvait prévoir les moindres attaques de son adversaire et visualiser avec une précision chirurgicale quelle riposte entraînerait le plus de dégâts. Chuck ne lui semblait plus si imbattable à présent, et le garçon pouvait distinctement voir à la sueur qui perlait à son front que son ennemi était aussi en train de changer la perception qu'il avait de lui. Si Stiles lui était jusqu'alors apparu comme un simple humain qui n'avait aucune chance de l'emporter contre lui malgré ce que pouvait bien en dire la prophétie, il lui apparaissait dorénavant comme un véritable opposant de taille, le seul qui parvenait à lui tenir tête. Le jeune Winchester sentit bien qu'il essayait de se débarrasser de lui en usant de ses pouvoirs divins, mais rien ne faisait effet, comme s'il était dorénavant immunisé contre les facultés de Dieu. Il continua à porter ses coups en faisant fi des éclairs qui s'écrasaient à ses pieds, des vents violents qui arrachaient tout ce qui l'entourait de terre ou encore des tours de magie de Chuck, qui n'était même plus capable d'utiliser ses pouvoirs télékinétiques contre lui.
-Mais qu'est-ce que tu es ? hurla le dieu, à la fois enragé et apeuré, au bout de plusieurs minutes de combat incessant dans lequel il ne parvenait pas à gagner l'avantage. C'est impossible ! Tu ne peux pas être humain ! Tu devrais déjà avoir été réduit en cendres !
-Il faut croire que tu as sous-estimé de quoi nous sommes capables, Chuck, gronda le concerné. Tu aurais dû éviter de me mettre en colère !
Les lames des couteaux se plantèrent avec une facilité déconcertante dans le ventre de Chuck, qui ouvrit la bouche pour laisser échapper une plainte silencieuse, les yeux exorbités par la surprise, la souffrance...mais aussi un effroi et une panique que l'adolescent ne le savait pas capable d'éprouver.
-Non...Non...Stiles, tu ne peux pas faire ça...Je suis ton Dieu, le Dieu de l'humanité entière ! Vous avez besoin de moi ! Sans moi pour veiller sur vous, vous courrez à votre perte !
L'espace d'un instant, Stiles ne comprit pas la raison pour laquelle Chuck paraissait si terrifié par les deux poignards enfoncés dans son abdomen. Après tout, ce n'était pas la première arme à percer son corps depuis le début de l'affrontement et il s'était remis relativement facilement des blessures causées par les six armes légendaires en leur possession, alors pourquoi ces deux simples petits couteaux enflammés pouvaient-ils provoquer tant d'agitation chez lui ? Ses questions ne tardèrent pas à trouver des réponses : les manches des couteaux commencèrent bientôt à dégager une étrange mais douce chaleur sous la prise de Stiles, une sensation similaire à celle qui emplissait encore ses veines et qui semblait vibrer au même rythme que le feu qui léchait les lames. La chaleur augmenta progressivement, en même temps que les flammes s'accroissaient et s'intensifiaient. Chuck laissa une sorte de couinement s'échapper de ses lèvres, qui se transforma bientôt en grognement, puis en hurlement d'agonie alors que les lames ardentes plantées dans son estomac lui incendiaient peu à peu les entrailles.
Puis arriva ce que Stiles n'aurait jamais pu suspecter : Dieu commença à se décomposer. Les fibres de son corps qui touchaient à la lame se transformèrent en une sorte de cendre lumineuse qui fut entièrement aspirée par la lame, qui s'illuminait un peu plus à mesure que Chuck se désagrégeait. Le garçon ne sut pas exactement quand les hurlements cessèrent, ni quand le fracas des combats qui se déroulaient derrière lui firent place au silence les plus total. Tout son univers ne se définissait plus que par ces couteaux qui lui donnaient maintenant l'impression qu'il tenait entre ces mains le pouvoir divin et absolu. Leur lumière était si vive qu'elle continuait de brûler ses rétines même lorsqu'il fermait les yeux, mais elle l'enveloppait en même temps avec une telle délicatesse qu'elle lui donnait l'impression d'être chez lui. Lorsque Dieu eut disparu pour de bon à l'intérieur des lames, il voulut lâcher les manches et mettre fin à cette apothéose, à ce sentiment grandiose et souverain dont il savait parfaitement qu'il deviendrait accro s'il y goûtait encore une seconde de plus, mais lorsqu'il ouvrit les mains, les couteaux restèrent collés à ses paumes, comme si, sous l'effet de la chaleur, ils s'étaient fondus dans sa chair.
Il aurait dû avoir mal, songea-t-il plus par curiosité que par panique. Pourtant, il ne ressentait rien de plus qu'une indescriptible béatitude. Des frissons fiévreux parcouraient son corps, qui tremblait maintenant avec une telle intensité qu'on l'aurait dit parcouru de spasmes, mais même cela ne suffit pas à le faire sortir de son extase.
« Le pouvoir de Dieu est désormais entre tes mains, humain, entendit-il une petite voix résonner dans le creux de sa tête. Celui qui possèdera ces couteaux obtiendra la puissance nécessaire pour créer et détruire des mondes, la faculté d'offrir la justice et l'équité, mais aussi celle de dominer et d'asservir. Fais-en bon usage, sans quoi le feu de leurs lames se retourna inévitablement contre toi et nous en trouverons un plus méritant. »
« Ça y est, je suis véritablement en train de devenir fou, pensa-t-il. Mes couteaux me parlent et ils ont la voix de Benedict Cumberbatch, ça ne peut pas être normal. »
Progressivement, les lames retrouvèrent une apparence presque normale, à l'exception des lames qui restèrent plus lumineuses et éclatantes qu'auparavant et des flammes, qui dégageaient une chaleur et une énergie plus intenses. Le feu qui parcourait jusqu'alors les veines de Stiles le quitta sans avertir et le garçon reprit conscience de son environnement lorsque ses jambes se dérobèrent sous son poids et qu'il s'écroula, complètement épuisé. Il prit enfin conscience du silence qui l'entourait et de son contraste fracassant avec la clameur des combats qui faisaient toujours rage avant la mort de son père.
Dean. Lentement, les souvenirs des événements qui avaient mené à sa perte de contrôle refirent surface et il se servit du peu d'énergie qu'il lui restait pour lever la tête et chercher la dépouille de son père des yeux. Il gardait toujours l'espoir qu'il avait peut-être tout imaginé, que son père se portait bien et qu'il ne tarderait pas à s'agenouiller à côté de lui et à poser une main sur son épaule pour le rassurer et lui annoncer que la guerre était terminée, qu'ils avaient remporté la victoire grâce à lui, que tout reviendrait dans l'ordre désormais et qu'ils pourraient enfin prendre leur retraite en bonne et due forme. Au fond de lui, néanmoins, il savait déjà que son espoir lui permettait seulement de nier la vérité encore un instant et qu'il passait déjà à travers la première étape du deuil.
La première chose qu'il vit lorsqu'il leva les yeux ne fut pas le corps ensanglanté de Dean, mais plutôt l'ensemble de l'armée que le SAS avait rassemblé attroupée autour de lui. Chacun des soldats le fixait sans rien dire, et l'espace d'une seconde, l'adolescent crut avec horreur que Chuck avait transformé tous ses proches, amis et alliés en statue avant de disparaître pour de bon. Ils formaient tous un grand cercle autour de lui et ne paraissaient pas vouloir s'approcher de lui, comme si le garçon recroquevillé au centre du cercle n'était rien de moins qu'une bombe à retardement. Il balaya les guerriers du regard à la recherche d'un visage familier, d'une personne sur qui il pourrait s'appuyer et enfin se reposer, mais toutes les figures qu'il voyait étaient celles d'étrangers qui posaient sur lui des regards à la fois adorateurs et apeurés.
-Papa...parvint-il à souffler entre ses dents alors qu'il laissait sa tête retomber mollement par terre. Papa...
Du coin de l'œil, il aperçut un groupe de personnes agenouillées en retrait du cercle dont il formait le noyau. Si les individus lui apparurent d'abord de manière floue, ses yeux fatigués finirent par distinguer le grand corps musculeux de son oncle au milieu de ces personnes, puis les longs cheveux noirs et l'armure étincelante de sa mère, et enfin les courtes boucles blondes de sa grand-mère ainsi que l'imperméable de Castiel. Tous ses proches ne portaient pas la moindre attention sur lui et gardaient plutôt les yeux rivés sur un corps qui se trouvait au milieu d'eux mais dont il ne pouvait pas voir distinctement le visage.
Dean. Dean. Dean, lui répétait sans cesse son esprit, mais encore une fois, il refusa de s'abandonner au désespoir tant qu'il n'aurait pas vu de ses propres yeux le cadavre de son père. Avec toute la force qu'il lui restait, il parvint à se remettre sur le ventre et, ses couteaux toujours serrés entre ses mains, il commença à ramper en direction du petit groupe.
-Papa...répéta-t-il dans l'intention de se faire entendre, mais son interpellation ne prit seulement la forme que d'un murmure. Papa ! Sam !
Cette fois, on parut enfin saisir ce que baragouinait le jeune Winchester. Sam, Mary et Claudia levèrent la tête vers lui et réalisèrent finalement sa présence. Stiles put voir les larmes souiller leurs joues et leurs traits tirés par une peine immense, mais encore une fois, il refusa de croire que leur chagrin était causé par la mort de son père. En le voyant se traîner faiblement jusqu'à eux, les sanglots de sa mère, de sa grand-mère et de son oncle redoublèrent d'intensité, mais ils semblèrent reprendre vie par la même occasion. Sam se releva difficilement de son poste pour aller retrouver son neveu. Il posa une main sous ses aisselles, une autre sous ses genoux, puis le souleva du sol pour le porter jusqu'au reste de sa famille. Le garçon, qui se sentait sur le point de sombrer dans l'inconscience, posa sa tête contre le torse musclé de son oncle et ferma les yeux. Comment pouvait-il se sentir si faible et si chétif alors qu'à peine quelques minutes auparavant ses veines lui avaient donné l'impression d'être parcourues d'un feu divin et que son corps avait vibré sous l'effet d'un sentiment d'immortalité et d'invincibilité qui lui promettaient la toute-puissance éternelle ?
-On a gagné ? parvint-il difficilement à articuler malgré sa bouche sèche et pâteuse. Est-ce que c'est terminé, Sam ?
-Oui, Stiles, c'est fini, souffla son oncle entre ses larmes en posant un regard tendre et aimant sur lui, le genre de regard avec lequel son père avait l'habitude de le couver. On a réussi grâce à toi. Je ne sais pas comment tu as fait, mais on a gagné, je crois bien que Dieu ne reviendra pas de sitôt.
-Et...Et Dean ?
Le corps de Sam fut parcouru de soubresauts et Stiles vit le chasseur serrer les lèvres jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un pli visible. Pendant de longue secondes, l'adolescent fut bercé par les sanglots de son oncle, qui n'était visiblement plus en état de répondre à ses questions. Lui aussi aurait probablement commencé à pleuré s'il en avait eu la force et si son cerveau n'avait pas donné l'impression d'avoir été remplacé par du coton. Il se concentra donc sur les respirations saccadées qui soulevaient le torse de Sam et il tenta d'en reproduire le rythme pour rester lucide et éveillé. Il ne pouvait pas s'endormir maintenant, pas tant qu'il n'aurait pas vu de ses propres yeux le corps de son père. Le garçon était tant focalisé sur ses propres inspirations et expiration qu'il en eut à peine conscience lorsque son oncle s'arrêta et qu'il le reposa sur le sol.
-Il...Il devait savoir ce qu'il faisait, Stiles, balbutia Sam, et le jeune Winchester mit du temps à comprendre qu'il répondait à la question qu'il lui avait posée un peu plus tôt. Il t'aimait plus que tout et il n'aurait jamais laissé Chuck...
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Au nom du Père
FanfikceDepuis maintenant près d'un an et demi, Stiles évolue en tant que Winchester auprès de sa nouvelle famille de chasseurs et profite du temps perdu avec Dean, son père biologique, avec qui il est devenu pour ainsi dire inséparable. Un présent plus qu'...