39 - Hiratsuka : 16 novembre 2019

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Étrangement, toute sensation de fatigue avait subitement quitté Stiles dès que ses couteaux s'étaient enflammés et il avait retrouvé dans cette nouvelle vigueur la concentration nécessaire pour contrecarrer les coups d'Hidesato. Le même sentiment que celui qui l'avait envahi pendant son combat contre les merrows, lorsqu'il s'était servi des poignards pour la première fois, l'enivra à nouveau des pieds à la tête. Une douce chaleur parcourut ses veines, puis enveloppa graduellement ses membres comme le ferait un bouclier protecteur. Toutes les peurs du garçon s'envolèrent, et à partir de ce moment, rien n'importa plus pour Stiles que le combat auquel il prenait part.

Il se sentait invincible, et tout portait à croire qu'il l'était réellement. Il maniait ses couteaux comme si c'était une seconde nature chez lui, comme s'il l'avait fait tous les jours de sa vie, et ses offensives ainsi que ses défensives se faisaient avec une telle élégance, une telle souplesse, une telle rapidité et une telle minutie que l'on aurait pu croire que l'ensemble du combat n'était qu'une mortelle chorégraphie. Stiles ne savait pas exactement ce qu'il faisait, il laissait seulement les couteaux guider ses mouvements, contrebalancer sa rage, si bien que dès le début du combat, le jeune homme manœuvrait les poignards comme s'ils étaient une extension de lui-même, comme s'ils faisaient partie intégrante de lui.

Dès le départ, Hidesato n'avait aucune chance, et tout portait à croire que le Japonais le savait. Il rivalisait avec une fermeté et une résolution que Stiles ne croyait pas avoir vu avec autant de virulence lors de ses deux précédents combats, mais même s'il se savait en mauvaise posture, le samouraï ne perdait jamais son sourire. Tout semblait indiquer qu'il s'amusait. Stiles ne savait pas pourquoi, et cela lui importait peu. Il détenait enfin le pouvoir qu'il avait convoité depuis la possession du Nogitsune, l'impression qu'il possédait maintenant la force et le courage de créer et de détruire des mondes, mais sans l'ignoble goût du sang et l'incontrôlable penchant pour la violence. Avec ses couteaux entre les mains, il devenait celui qu'il avait toujours rêvé d'être.

Son opposant tenta de le faucher d'un coup horizontal, que Stiles évita une fois de plus, mais d'une manière qui lui était complètement inaccoutumée : il fit un impressionnant salto arrière digne d'un acrobate du Cirque du Soleil, retomba sur ses pieds, puis effectua une roulade au sol pour se retrouver derrière Hidesato, tout cela en l'espace d'une ou deux secondes, si bien que le vieil homme ne put rien préméditer pour l'arrêter. La seconde suivante, Stiles avait passé l'une de ses lames enflammées sous le menton du samouraï tandis que l'autre allait piquer ses côtes, ce qui signifiait que son adversaire ne pouvait plus oser le moindre mouvement sans se faire transpercer par l'un des poignards. De toute manière, quelle attaque aurait-il pu tenter contre le jeune homme qui tenait dorénavant sa vie entre ses mains ? Stiles avait été assez adroit pour attaquer son rival par derrière, ce qui le rendait hors de portée de son sabre.

-J'appelle ça un échec et mat, l'ami, souffla l'adolescent à l'oreille du disciple de Masamune. Et si tu posais ton épée, maintenant ?

Hidesato ne se le fit pas dire deux fois. Il laissa tomber son arme et Stiles la projeta d'un coup de pied de l'autre côté du dojo. Lorsqu'il eut la certitude que son opposant ne tenterait plus rien contre lui et que le combat était bel et bien terminé, il abaissa ses couteaux et les rangea dans ses fourreaux lorsque les flammes eurent totalement disparu. Son adversaire se tourna alors vers lui et s'inclina le plus bas qu'il put pour témoigner son respect.

-Je crois que nous avons trouvé notre champion, souffla-t-il en se relevant, les yeux toujours aussi brillants et un sourire béat accroché aux lèvres. Félicitations, mon garçon. Ce n'est pas n'importe qui qui peut se vanter d'avoir été choisi par le grand Masamune et recevoir l'immense honneur de manier l'une de ses armes.

Au nom du PèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant