Hors des frontières françaises, Roy réalise à quel point le monde dans lequel il vivait n'était qu'illusions et mensonges. Blessé et avec pour seul allié, Seth, il choisit de se lancer dans une guerre sans fin contre son père en rejoignant un groupe...
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ROY
Devant le miroir de la salle de bain, mes doigts s'emmêlaient autour de ma cravate sombre, me rendant la tâche impossible. La frustration empira les choses mais quoi que je fasse, je n'arrivai pas à empêcher cet étau d'anxiété d'enserrer ma poitrine et de me priver de mes capacités. D'un geste sec mais rageur, je défis l'entièreté de ma cravate. C'était une catastrophe. J'étais incapable de faire le noeud tant mes mains tremblaient. Qu'est-ce qui m'arrivait ? Je connaissais mon plan, je connaissais ce genre de soirées, je savais ce que j'avais à faire. Pire que tout, je n'avais jamais été aussi comprimé par l'angoisse qu'aujourd'hui. Si je doutais déjà de nos chances de réussite alors que nous n'y étions pas encore, j'étais fichu. Je n'avais pas le droit à l'erreur.
- Laisse-moi faire.
Neils s'avança vers moi avec la lenteur d'un prédateur. Ses doigts agiles me prirent le bout de tissu des mains, me faisant reculer par la même occasion. Je remarquai à peine à quel point je m'étais concentré sur l'image que me renvoyait le miroir face à moi. J'avais les joues plus creusées que dans mon souvenir, des yeux fades entourés de marques de fatigue, vides. Mes cheveux me semblaient encore plus décolorés à la mauvaise lueur de l'éclairage et mon teint tirait vers le maladif. À qui est-ce que je pensais faire peur ainsi ? Mon père me rirait au nez. Je me prenais pour un grand, je jouai avec des vies, mais je n'étais qu'un gosse.
Je le serai toujours.
- Je peux le faire moi-même, lui dis-je, osant enfin poser les yeux sur elle.
Ses pommettes brillaient. Son visage avait repris les mêmes intonations qu'à l'Opale depuis qu'Aza et elle s'étaient affairées à rendre leur visage parfait. En revanche, ses iris brûlaient encore de désaccord.
- C'est normal de ne pas être capable de tout faire, Roy. Ne l'oublie pas.
J'évitai de répliquer, nous épargnant à tous les deux une prise de tête complètement inutile. J'avais du mal à accepter l'aide des autres parce que je n'avais compté que sur moi-même une grande partie de ma vie. Plutôt que de la contrarier davantage, j'observai ses mains expertes faire le noeud de ma cravate à une rapidité surprenante. Elle eut vite fini. Ses yeux croisèrent à nouveau les miens, un mélange de teintes verts sombres.
- Ça se passera bien.
Qui essayait-elle de convaincre ? Elle réajusta mon col de chemise puis s'appuya contre le lavabo. Je pris le temps de la regarder. Dans cette robe, elle ressemblait trop à celle qu'elle était à l'Opale, comme si elle n'avait jamais vraiment quitté la ville. Le noir de la longue robe, fendue sur toute la longueur de la cuisse, épousait diablement bien ses formes et collait trop bien, peut-être, à celle qu'elle était. Une femme d'affaires plus qu'une rebelle. Elle le serait toujours plus, en dépit de ce que j'espérai. Mais ce qu'elle allait faire ce soir, en utilisant ses talents de manipulatrice, me permettrait d'accéder à ma vengeance. Une partie de moi acceptait mal de l'envoyer au devant de la scène de cette manière comme si elle n'était qu'une distraction dont je me servais pour appâter les cibles.
