Il était plus de trois heures du matin quand je quittais le bar, comme prévu légèrement bourrée. Je savais que mon père et mon frère allaient m'emmerder lorsqu'ils me verraient débarquer au QG. J'allais certainement m'en prendre pleine la gueule pour avoir disparu mais je m'en foutais royalement. J'étais bien. Je me sentais bien. Cela n'arrivait seulement quand j'avais minimum trois grammes d'alcool dans le corps. Être la fille de Sam Woods, dits Jeaper, n'avait rien d'extraordinaire, contrairement à ce que pensaient ces salopes qui se ramenaient au club. Par moments, je me demandais ce que je serais devenue si ma mère m'avait embarqué avec elle lorsqu'elle s'est séparée de mon père, si elle s'était battu pour ma garde. Serais-je devenue une gentille petite fille ? Serais-je allé à l'école ? Aurais-je eu une vie similaire à celle de Farah ? Aurais-je été aussi niaise qu'elle ?
Ces questions tourbillonnaient continuellement dans mon esprit depuis mes douze ans. Avec le temps, elles étaient devenues insupportables et je les avais noyer dans l'alcool. J'étais constamment entourée par les hommes de mon père qui se montraient surprotecteurs avec moi au début. Jusqu'à ce que je les envoie tous bouler. Mon style de vie m'avait fait grandir plus vite que les autres filles de mon âge. J'avais déjà beaucoup de vécu du haut de mes vingt ans. Je n'avais rien d'un petit ange. Je ne l'avais jamais été. J'avais su m'adapter très jeune à la vie que menait mon père. Je savais que je vivais dans un monde de loups féroces. Ce que je n'avais pas compris, à l'époque de mon adolescence, c'était que les loups, pour moi, n'étaient pas les hommes de mon père. Ce n'était pas eux les ennemies et cela m'avait valu de gros problèmes qui m'avaient changé radicalement. Je n'étais déjà pas une petite fille bien sous tous rapports mais après ce fameux événement, j'étais devenue féroce, dangereuse. En effet, lorsque j'avais quatorze ans, un club rival au nôtre avait profité d'une sortie en solo de ma part pour m'enlever. Mon père et les frères m'avaient retrouvé seize jours plus tard et avait décimé le club et ses occupants. Depuis je n'étais plus la même. Ses salopards m'avaient volé mon âme. Il ne restait plus rien de moi. Depuis, j'avais l'impression de n'être plus qu'une coquille vide. Je ne supportais plus que personne puisse avoir l'ascendant sur moi. Je ne parvenais plus à ressentir l'affection que mon frère et mon père me donnaient, à l'époque. Je me sentais seule, perdue dans les méandres de l'enfer. J'en étais devenue le plus diabolique résident.
Je regardais autour de moi et le parking était désert. Il faisait nuit noire. On pouvait entendre les chiens aboyer. Je me dirigeais vers ma moto quand je me rappelais avoir appelé Perse pour une partie de jambe en l'air, plus tôt dans la soirée. Tant pis, je n'étais en état. Je ne rêvais que de mon lit et y comater jusqu'à la semaine prochaine après m'être fait enguirlander pour les deux hommes de la famille. Quelle plair d'être la seule meuf dans ce foutu club !
Je m'apprêtais à enjamber ma moto quand une voix grave m'interpella dans mon dos.
- Où tu vas comme ça, ma jolie ?
Je pivotais en direction du connard qui m'empêchait de rentrer, dans le vain espoir de me sauter, de gré ou de force. Main sur mon flingue, dans mon dos, je me tournais complètement vers l'homme qui ne semblait pas aussi frais que moi.
- Qu'est-ce que tu veux ?
Il haussa nonchalamment les épaules et s'approcha toujours plus.
- Te ramener, poupée. Tu es bourrée.
- Pas plus que toi, abruti.
Ce type commençait réellement à me gonfler. J'étais fatiguée et je voulais rentrer. Pas m'amuser à ses dépens. Je relâchais mon arme et enjambais ma bécane. Il n'en valait pas la peine.
- Attends, m'arrêta-t-il à nouveau.
- Putain, mec je ne veux qu'une chose, aller me pieuter alors fous-moi la paix où ça va mal finir pour toi.
Ceci fut la phrase la plus longue que j'avais prononcée de toute la soirée et elle lui était adressée. Pourquoi ce monde était peuplé d'enfoiré ?
Je n'étais certes pas mieux mais au moins, je savais fermer ma gueule. Le mec leva un sourcil, narquois, en me regardant de haut en bas. Erreur !
- Qu'est-ce que tu veux me faire avec ce petit corps ? se marra-t-il.
Ça suffisait. J'en avais assez de ces hommes qui croyaient avoir le dessus sur moi. C'était plus fort que moi, j'avais besoin d'imposer le respect à ses enfoirés. Je m'approchais de lui, et de son sourire merdique, rapidement et sans attendre lui foutu un coup de poing dans la trachée. L'homme se courba, cherchant son air, j'en profitais pour lui mettre un coup de coude dans la colonne vertébrale. Il se cabra sans parvenir à crier. Mon poing atteint alors sa cible. Son nez, qui se déboîta. Après quelques coups de genoux dans l'estomac, l'homme tomba au sol. J'en profitais pour le rouer de coup de pieds dans la tête avant de lui cracher dessus.
- Plus jamais. Tu m'entends ! Plus jamais, tu me fais chier, connard, gueulais-je rageusement.
L'homme, à moitié conscient, gisait au sol alors que je me retournais pour monter sur ma moto et me barrer. Mon père n'apprécierait pas de se retrouver au commissariat afin de venir me chercher. Il fallait que je me barre. Mes mains et mon haut étaient recouverts de sang mais cela ne serait pas un problème. De toute manière, il allait finir par connaître la vérité. Ici, tout se savait. Surtout si cela concernait la fille de Jeaper. Cette confrontation avait eu, au moins, un aspect positif. Cela m'avait fait dessouler. J'avais les nerfs mais j'étais en pleine capacité de mes moyens. C'était ça de gagner pour affronter les deux boulets de ma vie.
Lorsque j'arrivais au club, quelques frères traînaient encore devant le bar du club, avec des filles aux bras. D'ailleurs, je pouvais apercevoir Hire baisait avec la très discrète Jessy, dans un coin sombre du jardin. Les mecs me saluèrent d'un bref signe de tête, excepté John, dits Older.
- Ton père et ton frère te cherchent, petite, m'informa-t-il.
- Je sais.
- Je vois que la soirée a été bonne, dit-il en regardant mes mains ensanglanter.
Je lui adressais un sourire en coin en levant mes mains devant son visage et léchais une goutte de sang.
- Excellente, me marrais-je.
Il pouffa comme une collégienne. Older était le type que je préférais dans ce foutu club. Sarcastique et possédant un humour aussi noir que le mien, il était le membre le plus âgé. Du haut de ses soixante-dix ans, il était le meilleur ami de mon grand-père décédé. Il était le seul que je tolérais plus de cinq minutes près de moi.
- Je vais affronter la bête.
- Joe t'attend aussi, m'informa-t-il.
- Qu'est-ce qu'il veut ? soupirais-je.
- Tu vas être sa femme. Il veut garder un œil sur toi.
- Qu'il aille se faire foutre !
- Je savais que tu allais dire ça, se marra-t-il en m'adressant un clin d'œil.
Je lui fis signe de deux doigts, au niveau du front et pénétrais dans la salle, pratiquement déserter de vie humaine. Seuls trois hommes se tenaient là, assis au bar, un verre de whisky à la main. Lorsqu'ils m'entendirent entrer, ils se tournèrent tous vers moi. Leurs yeux me lancèrent des flammes, lorsqu'ils comprirent que c'était moi. C'était partie pour les reproches et les cris. Rien à foutre. Ils n'avaient qu'à gueuler. Tant que cela ne durait pas trop longtemps... j'avais une nuit à faire, moi.
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River of complications
Roman d'amourUne rencontre qui n'aurait jamais dû avoir lieu entre une âme pure et une des descendance de la noirceur va créer un véritable bouleversement sur ces deux personnes. Jeune homme sérieux, ambitieux, Aaron est un idéaliste dans l'âme. Venant d'une fam...