River of complications

Chapitre 27 : Aaron

Je la regardais sortir, une nouvelle fois, de la chambre désemparée. Les jugements de mes parents étaient faussés. Ils ne la connaissaient pas. Ils ne connaissaient pas son histoire. Je soupçonnais qu'ils lui aient fait de la peine sans le vouloir. Je ne pouvais pas non plus le leur reprocher. J'aurais agi pareillement si je ne la connaissais pas. Je me serais senti obliger de la reprendre sur son comportement. Cela m'apprend l'humilité. Ne jamais juger personne sans connaître son passif. Elle ne savait pas se faire entendre autrement. Ses répliques cinglantes, ses ordres dictatoriaux, ses menaces incessantes, tout cela était la conséquence d'une vie passées auprès d'hommes mauvais. De plus, et d'après ce que j'avais pu découvrir, elle n'avait jamais eu aucun soutien. Elle était seule depuis si longtemps...

Je me tournais vers mes parents, qui fixaient, eux aussi, la porte avec un regard désapprobateur. Je soufflais car la situation était loin d'être aisé. Je me retrouvais à devoir prendre parti pour l'un ou l'autre et je n'aimais franchement pas cela. Ils étaient mes parents. Je les aimais mais ils s'arrêtaient à des faits, sans chercher plus loin. Ils ne faisaient pas l'effort de comprendre, d'apprendre. C'était avec leurs têtes qu'ils réfléchissaient à cet instant alors que pour voir la beauté de la jeune femme, il fallait la regarder avec son cœur. Cela leur permettrait de voir la souffrance dans ses yeux, la détresse dans sa voix, le cri dans ces gestes. Pour eux, ils avaient simplement une criminelle sous les yeux. Ginny était plus que ça. Elle m'avait, certes, fait part de certaines confidences dans la voiture, qui m'avait intérieurement révolté, tel que son adoration pour le meurtre mais je savais que cela n'était qu'une façade. Elle n'avait pas encore conscience qu'elle n'avait pas à jouer un jeu avec moi.

Les visages chiffonnés de mes parents pivotèrent dans ma direction alors que je cherchais mes mots pour leur demander plus de compréhension envers la jeune femme.

- Je ne l'aime pas, mon garçon. Elle est vulgaire et malpolie. Tu as vu comment elle s'en est prise à cette pauvre infirmière ? Comment peux-tu tolérer cela ?

- Ton père a raison, Aaron. Tu sais que je sacralise les relations véritables, et tu semble penser que c'est le cas avec cette jeune fille, mais elle est si...

- Irrespectueuse, fini mon père.

Je me relevais pour me mettre en position assise en soupirant. C'était si compliqué. Je les comprenais, bien évidemment. Comment en pourrait-il être autrement ? Mais je ne pouvais les suivre sur ce chemin.

- Vous ne savez rien d'elle. Vous la jugez pour ce qu'elle représente sans lui accorder une seule chance.

- Nous aurions pu mais elle vient de nous démontrer que l'image que nous nous faisions de son statut est réel, fils. Elle n'est pas ce qu'on espérait pour toi. Je suis plus prompt à ouvrir mon esprit que ta mère, tu le sais, mais là... Je suis désolé, mon garçon, mais elle n'aura jamais sa place dans notre famille.

J'allais rétorquer mais fus coupé par la porte qui s'ouvrit sur Jason, le médecin de garde, qui se trouvait être un ami de mes parents.

- Ah, bonjour Jason.

- Samantha, Bill. C'est un plaisir de vous revoir.

- Comment va ta femme ? demanda poliment ma mère.

- Très bien. D'ailleurs, elle organise un barbecue, dimanche prochain. Nous serions ravis de vous y voir.

- C'est avec plaisir. Je ramènerais mon fameux gâteau aux noix de pécan.

Le médecin inclina la tête en signe d'approbation et consulta mon dossier une fois fini toute cette encombrante politesse. Il n'y avait pas si longtemps cela me paraissait tout à fait acceptable mais à cet instant, voir cette comédie me mit mal à l'aise. À croire qu'ils avaient répété ce numéro avant d'entrer en scène. Je trouvais tout cela ridicule. Ginny déteignait-elle sur moi ?