Chapitre 16 : Ginny

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Ce mec était... était... si... emmerdant et collant. Pourquoi s'obstinait-il ? N'avais-je pas été assez claire la dernière fois ?

Ses yeux ne me quittant pas de la soirée m'avaient perturbée, énerver...et si je devais être honnête envers moi-même, et exclusivement moi-même, électrisée. Ce type, qui était tout le contraire de ce que je connaissais des hommes, m'avait fait ressentir, presque, un besoin d'aller à la découverte de son corps. Cela n'était pas possible. Il devait rester loin de moi. Je n'étais pas bonne pour lui et la lueur d'attachement qui transperçait son regard. Je pris le dernier virage qui menait au QG un peu près serrer et je sentis les bras de Farah me compresser les côtes. Le mec n'en mènerait pas large si je cédais à ses avances. Il regretterait de m'avoir approché un jour. Ne serait-ce pas égoïste de ma part de céder à mes pulsions sexuelles, quitte à le mettre en danger ?

Je savais que si mon frère ou mon père apprenaient qu'un étudiant me tournait autour, ils s'en iront le retrouver pour lui causer à leur façon. Autant dire qu'il n'en ressortirait pas indemne. Il me suffisait de le maintenir éloigné de moi. Sa présence foutrait plus la pagaille qu'autre chose, pour lui comme pour moi. Le peu de liberté, et mon travail au sein de l'organisation, était en péril à cause de lui. La confiance qui m'était accordée était due à l'ignorance de ceux-ci sur certaines de mes activités secrètes. S'ils pensaient que je fricotais avec un mec, qui plus est civile, je serais bonne pour l'enfermement autour des hauts murs du QG. Je serais surveillé comme un putain de prisonnier. Je refusais cela. Il était hors de question de tout foutre en l'air pour un désir fugace. Trop imprévisible. Avec les gars du club, j'étais plus sûre que cela resterait secret. Eux, comme moi, avions tout intérêt que cela ne se sache pas. Cet Aaron, cependant, ne se contenterait pas d'une bonne partie de jambe en l'air. C'était évident. il avait ce regard... le même que ma mère affichait, quand il regardait mon père avant de s'enfuir, sur les photos que j'avais pu voir. La tendresse dégoulinait de ceux-ci. Néanmoins, je me demandais ce que cela faisait d'être traité avec respect et bienveillance, je devais l'avouer. Je n'avais connu que la douleur, la violence et le rejet. Mon père n'avait jamais été tendre envers mon frère et moi. S'il estimait que nous méritions une bonne raclée, il ne s'en privait pas. Combien de fois je m'étais retrouvé dans la chambre du vieux afin qu'il guérisse mes plaies après un passage à tabac ? Il n'y allait jamais de mainmortes. C'était la tendresse façon Jeaper. J'aimais mon père autant que je le haïssais. Il était de ces pères abusifs, porter sur l'alcool et les drogues. Il ne nous avait, cependant, jamais abandonné, au contraire de notre mère. Il faisait en sorte que nous manquions de rien, céder à toutes nos envies tant que nous respections ses règles. Un jour, j'avais croisé une fille de mon âge, alors que je n'avais que neuf ans, lors d'une sortie en ville. Je m'étais éloigné de lui afin d'aller à sa rencontre pour jouer. La mère de la petite avait choppé sa fille par la main et s'était enfui dans la direction opposée à la mienne. J'avais alors baissé les épaules, déçu, puis retourner afin de rejoindre ma famille, que j'aimais tant à l'époque. C'est là que j'avais percuté les jambes de mon père. Lorsque j'ai relevé le regard sur lui, il me regardait avec colère. Je savais à cet instant précis que j'allais déguster. Tout simplement parce que je m'étais éloigné du groupe. Il m'avait ramené et dans le bar, il m'avait roué de coups, devant tous ces hommes qui n'avaient oser intervenir, puis il m'avait enfermé dans une de leurs cellules. J'y suis rester une semaine. Cet enfoiré savait se montrer dur. Malheureusement pour lui, et pour moi, deux semaines après être sortie de mon cachot, j'avais récidivé. Ce jour-là, les Royal's Spin m'avait choppé et je suis resté leur captive durant trois longs mois. Les raclées de mon père m'avaient manquée car ce que j'avais vécu entre leurs mains avait tué le peu d'innocence qui me restait. Ils m'avaient tout pris. Absolument tout...

Après ma libération, je n'étais plus la même. J'avais dû me battre pour survivre. J'avais dû subir beaucoup trop pour une petite fille. Ils m'avaient tué de l'intérieur. Je n'étais plus que rage et dégoût. Je haïssais les hommes. Je haïssais la soumission. Je haïssais la douleur. Je me haïssais. Depuis, je vivais au jour le jour, me laissant porter sur mes instincts, faisant bien attention de ne pas énervé ce connard de Jeaper, à défaut de pouvoir m'en libéré pour le moment. J'attendais avec impatience que ces hommes me ramènent sa dépouille. Je me ferais un plaisir de lui cracher à la gueule. Il était le diable en personne et personne ne pouvait nier que j'étais la digne fille à son père.

Je me garais, enfin, devant le bar et Farah descendit rapidement pour aller sauter dans les bras de Joe. Celui-ci attendait devant la bâtisse notre arrivée. Je l'avais prévenu que nous rentrions plus tôt. Il me scruta, l'air sévère, alors que je me dirigeais lentement vers eux.

- Alors ? se contenta-t-il de demander.

- RAS.

Je repris ma marche pour aller me prendre une bière mais il me stoppa dans mon élan.

- Tu es sûre ? Ne me cache rien, Ginny, où je risque de m'énerver.

Je ricanais sournoisement en le forçant à me lâcher le bras. Je jetais un coup d'œil à la petite, qui s'était recroquevillée sur son flanc, les yeux baissés, puis revint à lui.

- Je ne suis pas une balance mais pour le coup, je peux t'assurer qu'il ne s'est rien passé, m'énervais-je ne supportant pas qu'il remette ma parole en doute.

- Bien. Ton père veut te voir. Tu as du boulot.

Bien plus excitant que cette conversation, je leur tournais le dos. Les portes de l'enceinte du bar de la débauche, je repérais facilement mon père, assis à sa table habituelle. Celle du fond de la salle. Il me vit et me fit signe d'approcher.

- Tu dois aller rendre une petite visite à Carl.

Son air de gros dur éméché ne prenait pas avec moi. Jeaper était vieillissant. Ses réflexes, beaucoup moins rapide, donc plus prévisibles. Il ne me terrifiait plus. Cependant, il restait mon père. Mon seul parent. Malgré tut ce qu'il m'avait fait endurer, je lui devais le respect.

- Très bien. Je vais dans ton bureau. Tu es trop bourré pour me rencarder sur le dossier.

Il me fit signe de la main de me barrer puis se pencha sur la table. Un rail de coke l'y attendait. Je me détournais de lui, ayant une sainte horreur des drogues. Ces choses-là, c'était vraiment de la merde. J'avais vu beaucoup des miens tombaient sous leur influence. Incapables de s'en privait, ils étaient morts d'overdoses, le manque les avaient poussés au suicide, ou alors les effets de celles-ci les avait menés à des situations périlleuses, tel que braquer son flingue sur un sénateur. Tous des abrutis de drogués en somme. Un seul homme avait mon respect le plus total dans cette communauté et c'était le vieux, dit Older. Ce type est aussi vieux que le monde et nous enterrera tous. Il s'était sorti de galère bien plus grave que celles vécu par nous tous, y compris la drogue. Il avait réussi cet exploit seul, en s'enfermant à double tour dans une cellule du QG, lorsqu'il avait quarante-deux ans, pour l'amour de sa vie. Il s'était contenté de prendre de l'eau, de la bière, de la nourriture sèche, pour deux mois. Il avait interdit à quiconque de l'en faire sortir même s'il suppliait. Il était parvenu à ses fins. Aujourd'hui, il était clean depuis vingt-six ans. Il avait bien dû lutter une deuxième fois pour ne pas replonger à la mort de sa femme mais il avait su se montrer fort. À mon sens, il devrait diriger ce club. Il valait mille fois mieux que Jeaper ou Howl mais je n'avais pas mon mot à dire...

J'entrais dans le bureau de mon père et constatais qu'il allait falloir que je fasse un peu de rangement. Ce qu'il pouvait être bordélique. J'espérais qu'Howl s'y prendrait mieux avec sa paperasse. Je me dirigeais vers la gauche de la pièce, vers l'armoire fermée contenant tous les dossiers se ramenant aux affaires du club. Je passais ma main entre ma poitrine pour ressortir le pendentif de mon décolleté et ouvris les pans de mon bijou. La clé ne serait jamais plus en sécurité ailleurs. Aucun homme de notre monde ne pourrait croire qu'une femme, aussi importante soit-elle, aurait autant de pouvoir entre ses seins. J'ouvris l'armoire et parti à la recherche de ce fameux Carl. J'avais besoin de m'amuser et ce boulot tombait à pique. Un mauvais payeur. Cela promettait d'être divertissant. Du moins, je l'espérais. Il le fallait. Il fallait que j'arrive à me sortir de la tête ses yeux verts et cette odeur parfaitement virile de mes narines. Pour lui...comme pour moi... 

River of complicationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant