Chapitre 8 : Ginny

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J'étais très énervé. Tant qu'il m'était difficile de rester assise sur ma bécane plutôt qu'entrer dans ce restaurant pour la traîner par les cheveux jusqu'à l'extérieur. Farah n'avait pas l'air de se rendre compte dans quel monde elle avait débarqué.

En effet, il y avait trente minutes de cela, j'avais reçu un appel de mon frère qui m'ordonnait d'aller trouver Farah, qui avait annoncé par message à Joe qu'elle ne serait disponible qu'après ses cours de l'après-midi. Étant le nouveau jouet favori de cet humble enfoiré, il n'avait pas supporter de ne pas savoir où elle était et avec qui. Trop bourré pour prendre le guidon, mon frère avait tempéré la situation en proposant de m'appeler. Ce besoin de contrôle sur les femmes devenait incontrôlable chez les hommes de la famille. Pathétique !

Me voilà, alors, devant ce dîner à observer cette idiote, attablé avec le type de la dernière fois, Aaron, je crois. Ils avaient l'air de deux conspirateurs. C'était louche. Farah regarda autour d'elle, soudainement et son regard tomba sur moi. Elle eut l'air de s'excuser et se leva. Les yeux braqués sur le mec, je ne fis pas attention à celle-ci sortant du restaurant pour me rejoindre. Le type avait cet air... un air si frais, si innocent, presque enfantin et pourtant, il me scrutait avec insistance, mêler à une certaine timidité, toujours assis à sa table, avant de détourner le regard. Ferais-je de l'effet au gamin ?

Farah s'arrêta près de moi et je reportais ma colère sur elle. Elle me regarda avec une certaine crainte avant de baisser le regard. Il y avait intérêt. Cette escapade avait gâché ma partie de jambe en l'air avec Perse. J'avais dû me rhabiller en vitesse pour la retrouver.

- Tu te lasses déjà de notre petit Joe ?

Elle écarquilla les yeux, dans une expression presque comique.

- Non, s'exclama-t-elle. Jamais de la vie !

- Qu'est-ce que tu faisais avec le gamin, alors ?

Elle eut l'air d'hésiter. Ses épaules s'affaissèrent et elle lança un regard discret au type, qui continuait à nous observer, moins discrètement que Farah.

- Il avait besoin de me voir. C'est mon ami, rien de plus.

- J'espère pour toi parce que, pour le moment, tu appartiens à Joe et autant de dire que s'il venait à savoir que tu as déjeuné avec ce type, ça se passera très mal pour lui.

- Il serait jaloux, tu crois ? s'extasia-t-elle, perdu dans son petit monde.

- Tu comprends ce que je suis en train de te dire, élevais-je le ton en claquant des doigts devant son visage dans un vain espoir de réveiller les quelques nérones qu'elle devait posséder. Si Joe apprend que tu n'es pas venu au club pour aller voir ce type, il va le tuer.

Ayant l'air de prendre, enfin, conscience de mes paroles, son sourire béat s'effaça.

- Il ne faut pas qu'il le sache. S'il te plaît, Ginny. Aaron est un homme bien. Il ne mériterait pas ça...

- Bien. Prie pour qu'il n'en sache rien alors. Quant à moi, je ne suis pas une balance.

- Merci, souffla-t-elle de soulagement.

- Bon. Qu'est-ce qu'il te voulait, le gamin ?

- Me poser quelques questions...

J'attendis qu'elle m'en dise plus. Elle comprit que je ne lâcherais pas le morceau. Si elle voulait que je cache des choses à ma famille, en son nom, il me faudrait un peu plus que cela.

- Sur toi...

Je levais un sourcil et dérivais mon regard sur lui.

- Qu'est-ce qu'il voulait savoir ?

Elle allait répondre mais je la stoppais dans son élan.

- Non, laisse tomber. Ce n'est pas auprès d'une fille aussi peu fiable que toi que je dois aller chercher mes réponses, piquais-je en mettant la béquille de ma bécane puis me dirigeant vers l'entrer de ce fameux restaurant.

- Attends, Ginny. Tu ne devr..

Sa voix ne fut plus qu'un murmure lointain lorsque les portes se refermèrent derrière moi. Je savais qu'elle allait me suivre mais je m'en foutais. Cela ne la concernait plus, elle, mais lui et moi. Il avait envie d'avoir des réponses à ses questions alors pourquoi ne pas venir les chercher à la source ?

La porte tinta à nouveau, après moi et l'homme me fixait, alors que j'approchais, avec crainte. Qu'avait-elle pu lui dire pour que naisse la peur dans son regard ? Dans tous les cas, j'aimais cela. Tellement que l'excitation, comme lors de mes parties de chasse à l'homme, me fit frémir de plaisir. Je tirais la chaise face à lui et m'installais, les avant-bras appuyés sur le rebord de la table. Je le fixais en retour sans prononcer une seule parole.

- Bonjour, fit-il par craquer au bout de quelques secondes.

- Pourquoi tu poses des questions sur moi ? Tu es flic ?

Farah, qui s'était trouvé une chaise, s'installa près de moi.

- No.. non. Je ne le suis pas, bégaya-t-il.

- Alors pourquoi ?

Ce fut au moment où ses joues se teintèrent de rouge que je compris que ma première hypothèse était bonne.

- Laisse tombe, gamin, soupirais-je.

- Qu..oi ?

- Je ne suis pas fréquentable. Je te préviens une fois. Une seule. Ne cherche plus à obtenir des infos sur moi. Oublie même jusqu'à mon existence, compris ?

Farah posa sa main sur mon bras dans un signe d'apaisement mais je la repoussais.

- Ginny... il n'est pas une menace...

- Je le sais ça. Ce n'est qu'un enfant.

Les sourcils de l'homme se froncèrent légèrement à mes mots.

- Je suis sûr que nous avons le même âge, s'effaroucha-t-il sans fourcher.

Je ricanais doucement malgré la colère constante qui grandissait en moi. Bizarrement, le fait que ce mec s'intéresse à moi, m'énerver. J'avais pour réputation d'être un foutu volcan imprévisible. La chose se confirmer encore à cet instant.

- Certainement oui, confirmais-je ne me levant de ma chaise, prête à partir.

- Alors pou..

Je me penchais au-dessus de la table et passer ma main sur sa nuque, que je maintenais fortement, pour le rapprocher de moi, par la force. Il y opposa une résistance avant de se laisser faire. Ses yeux, d'abord paniquer, parurent se figer dans les miens. Je pouvais y voir toute la dégoulinante fascination que je créais en lui. Étrangement, cela me plut. Un peu trop à mon goût.

- J'ai une vie que tu ne pourrais même pas imaginer, mon grand. Une vie qui ferait cauchemarder les petits garçons dans ton genre. Je suis persuadé que tu ne veux pas en savoir plus. Comprends-moi bien, si cela était le cas, tu mettrais les pieds dans un engrenage qui te broierait complètement pour n'y laisser que tes cendres.

Sachant que je m'étais bien fait comprendre, je m'écartais. Dans un mouvement inconscient, que je ne compris absolument pas, venant de moi, je fis glisser ma main, qui enserrais sa nuque, jusqu'à sa joue, dans une pseudo caresse, avant de me rendre compte de mon acte et de m'éloigner de lui brutalement, les mâchoires serrées à m'en faire mal. Que m'était-il passé par la tête, merde ?

Cet Aaron devait rester aussi loin de moi que possible. Farah avait raison. Il avait l'air d'un gars bien, sain. Il n'avait rien à faire dans un monde où on vous arrachait le peu de pureté que vous possédiez à la naissance pour faire de vous un monstre sans âme... 

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