"Mon esprit est un puzzle incomplet"

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          — ... et donc la consigne du jour est la suivante. La moitié du groupe a tiré au sort un papier sur lequel l'autre moitié du groupe a écrit en quelques mots ce qui le caractérise. Il vous faut donc échanger entre vous pour trouver votre binôme de la semaine. Au bout de cette première semaine, certain binômes seront définitifs, tandis que d'autre non. Ce n'est pas une course, ni une obligation.

Une femme lève la main

— Quel est l'intérêt d'avoir un binôme ?

La psychologue répond en souriant.

— Chacun d'entre vous est en détresse, vous avez besoin de quelqu'un qui se soucis de vous pour vous soutenir et inversement.

Une autre femme continue.

— Qui se souci de moi ? Qui voudrait se soucier de moi ? Je ne me souci pas de moi pour commencer alors...

La psychologue reprend.

— Justement. C'est le premier pas. Il faut s'aimer soi-même pour pouvoir aimer les autres, mais c'est parfois c'est trop compliqué. Par contre, donner son affection est facile. Si vous trouvez votre binôme, vous serez encouragé à développer des liens forts, comme avec un ami intime, ou un frère ou une sœur. Cette personne sera là pendant vos moments difficiles et pendant vos moments de joie. Cela vous aidera à briser votre mur et vous reconstruire de façon plus saine et solide. Nous en reparlerons en rendez-vous individuel. Je vais allumer la musique et vous laissez faire connaissance. Nous finirons avec une collation. C'est notre premier jour après tout.

Elle sourit à la ronde et s'écarte pour aller allumer la chaine stéréo et s'installer tranquillement à l'une des cinq tables rondes de la salle. Ses yeux intelligents, regardent et étudient chaque interactions et elle note de temps en temps une remarque sur un carnet.

          Médéric regarde le petit bout de papier. L'écriture est petite et penchée sur la gauche mais les lettres sont toutes biens dessinées et un peu pointues. Il n'est pas graphologue mais par intuition, il pense que la personne est introvertie, intelligente et cachant une impatience certaine. Il lève les yeux sur la vingtaine de personne de son groupe. Plus de la moitié sont des femmes entre vingt et quarante ans. L'autre partie est masculine et plus jeune. Il doit faire partie des plus âgés du haut de ses trente ans. Il relit les quelques mots « mon esprit est un puzzle incomplet ». Était-ce un homme ou une femme qui l'a écrit ? Ces mots pouvaient être interprétés de plusieurs façons. Ses yeux scannent la salle, s'arrêtant ici ou là. Une jeune femme s'avance vers lui en souriant timidement. Elle repousse ses longs cheveux en arrières dans un geste nerveux. Ses yeux de biches se lèvent difficilement vers lui, croisent son regard et se détournent. Médéric sait que son physique est... ou plutôt était avantageux : sa haute stature le fait dépasser la majorité des hommes de la salle, ses cheveux et ses yeux sombres avaient fait des ravages il y a quelques temps ainsi que ses grandes mains aux longs doigts effilés qui promettaient des caresses audacieuses. Mais ce temps était révolu. Il incline la tête vers la jeune fille qui lui tend un papier. Il secoue la tête, lui montrant que lui aussi était en quête de son binôme. Elle hausse les épaules de façon désynchronisée et reprend sa recherche, interpellant cette fois une femme. Médéric fait encore un tour de salle. Il sent le regard de la psychologue entre ses omoplates, ce qui le décide à bouger. Ses rouages de son cerveau se mettent en marche.

— Puzzle, puzzle incomplet...

Puis il sourit. C'était tellement évident ! Il traverse la salle à grand pas. Il s'arrête devant un jeune homme qui semble dépasser la vingtaine de quelques années. Médéric tend sa main et touche de son doigt, le pull du jeune homme sur le cœur. En effet, il y a un imprimé cœur où il manque une pièce en forme de puzzle.

          Gael est sur les nerfs depuis que la séance à commencer. Il s'est mis légèrement à l'écart des autres pour ressentir le moins possible leur présence et leurs odeurs. Il est tendu comme un élastique. Le bruit l'insupporte. Dès qu'il sent quelqu'un s'approcher il ferme les yeux pour éviter de le voir. Son cœur bat rapidement. Quand la psychologue lui a demandé d'écrire quelque chose sur le bout de papier, il a paniqué. Se décrire ? Cela lui a pris plusieurs minutes pour organiser ses idées. Il a pris le temps de regarder l'autre groupe, puis son groupe. Tous ceux qui devaient écrire avaient l'air complètement perdu. Encore un coup d'œil à l'autre groupe, plus acéré cette fois, pour jauger le potentiel de son futur binôme. Femme ou homme ? Son regard s'est arrêté en premier lieu sur une femme qui pouvait avoir l'âge de sa mère. Pourrait-il se dévoiler complètement à celle-ci ? Non. Un homme alors ? Il y en avait peu. Quelle importance au fond. Gael ne voulait se lier avec personne. Il réfléchit un moment avant de noter son message. Il espère que son binôme comprendra le double sens de celui-ci. Espérer ? Le peut-il encore ? Sa main se crispe sur sa cuisse. « Une dernière fois, Gael... une dernière chance. » Il murmure cette phrase comme une prière. Lorsqu'il ouvre les yeux, il voit un homme se diriger vers lui d'un pas ferme. Gael avale sa salive. Il est beau... Dieu que cet homme est impressionnant. Lorsque l'homme lui touche le cœur, il a l'impression que ce dernier se serre et se dilate en même temps. Leurs yeux s'accrochent un court instant. Gael fait un pas en arrière, comme si la présence de l'homme lui brulait la peau mais se retrouve acculer contre le mur. Sa respiration se coupe alors qu'il sent monter la crise d'angoisse. Médéric fait un pas en arrière. Il voit bien que le jeune homme n'est pas bien mais ne comprend pas de suite pourquoi. Il cherche des yeux de l'aide mais la psychologue est occupée avec quelqu'un d'autre. Gaël secoue la tête et se laisse glisser sur le sol en tailleur.

— C...ça va...passer...crise...d'ang...goisse...

Médéric s'accroupi en fasse de lui et lui saisit les mains par réflexe. Il cherche ses yeux.

— Regarde-moi. Regarde-moi. Fais comme moi. Inspire.... Encore. Bloque. Relâche lentement.

Les mains de Gal se serrent convulsivement dans celles de Médéric. Il tente de se polariser sur l'homme en face de lui. Sur ses yeux sombres, sur sa bouche qui émet des sons qu'il n'arrive pas à analyser. L'homme lui sourit malgré ses yeux inquiets. Gael le voit prendre une grande inspiration. Il l'imite. L'homme l'encourage une nouvelle fois. Il sent les longs doigts se déplacer sur sa main droite et appuyer fortement dans le prolongement de son auriculaire au niveau de son poignet. Une pression régulière qui oblige son esprit à se concentrer ailleurs que sur les battements déraisonnés de son cœur, son souffle erratique et le fait qu'il est entouré d'une vingtaine d'inconnus. Enfin, ses sens lui reviennent et la première chose qu'il remarque, est l'odeur de l'homme en face de lui : menthe, citron, santal, jasmin...pour les plus prédominantes. Il prend une longue inspiration qui le secoue entièrement, puis il cligne des yeux. L'homme lui sourit plus largement tandis qu'il sent ses pouces lui caresser presque tendrement le creux de ses poignets.

— De retour parmi nous ?

Même sa voix est agréable. Gaël hoche la tête.

— Pour l'instant, oui. Merci.

— Je m'appelle Médéric.

— Gaël.

Lorsque leurs yeux se croisent à nouveau, il y a comme un choc électrique entre eux. Les sourcils de Médéric se lèvent dans un arc de cercle parfait tandis que ceux de Gaël se froncent. Médéric relâche les mains de Gaël et les posent sur ses genoux.

— Je...

— Tu ne...

Ils se regardent et pouffent un rire. Leur attention est attirée vers la psychologue qui frappe dans ses mains plusieurs fois.

— Je pense que tout lemonde à trouver son binôme de la semaine. Il est temps de prendre une collationet de faire plus ample connaissance

Red Blood Love (VF) [Complète]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant