Médéric baille. La réunion d'introduction traine en longueur. La voix monocorde de directeur a un effet assoupissant sur lui sans parler de la chaleur dans le petit amphithéâtre de l'institut. Il a l'impression de revenir presque dix ans en arrière lorsqu'il était en première année pendant un cours magistral. Pour s'occuper, il fait un tour d'horizon. La salle est remplie, plus qu'il ne l'aurait pensé. Il doit y avoir une centaine de personnes, peut être un peu plus. Peu sont venus seul. Beaucoup, avec un membre de leur famille. A première vue, il y a toutes les classes sociales par contre, il y a plus de femmes que d'hommes. En regardant certaines personnes un moment, il se demande quelle a été leur vie ? Pourquoi en sont-elles arrivées là ? Qu'est ce qui s'était cassé en elles ? Il se concentre à nouveau sur l'explication du directeur. Est-ce que ce n'est pas vain de vouloir essayer de se réparer alors qu'il est encore trainé dans la boue ? Quelle sera sa vie si jamais il s'en sort ? Aura-t-il le courage de recommencer ? De se refaire des amis ? Des relations ? Interagir avec les gens ? Leur faire confiance ? Il soupire. Tout au fond de lui, pourtant, il y a une petite lueur. Cette petite lueur qui s'appelle l'espoir. Il ne retient pas un ricanement alors qu'il se rend compte qu'après deux ans, que malgré la situation autant matérielle que psychologique, la vie reprend le dessus. Il carre ses épaules, savourant la chaleur de cette lueur car il sait qu'elle ne durera pas. Quand le directeur les invites à remplir le dossier pour participer aux cessions, il s'y inscrit avant de perdre le peu de force que la lueur a fait revenir.
Gael a la main qui tremble quand il signe le dossier. Sa signature ressemble plus à un gribouillage d'enfant. Il tend néanmoins le dossier à la femme de l'accueil. Il a hâte de sortir, de quitter cet endroit rempli de trop de monde, rempli de trop d'odeurs écœurantes entre mélange de parfum et d'odeur purement corporelle. Il a eu le ventre noué et le cœur tambourinant pendant toute la réunion. Sa propre odeur de sueur rance, dû au stress, le révulse. Son ventre se noue sous une soudaine et fulgurante nausée. Il a juste le temps de lancer un regard à sa mère pour la prévenir et se précipiter dans les premières toilettes venues pour vomir le contenu de son estomac. Une fois les spasmes calmés, il prend le temps de se rincer la bouche et le visage. Dans les toilettes à la lumière crue, son visage lui fait peur. Il est cireux. Ses yeux semblent lui manger la moitié du visage et ses lèvres sont pâles. Ses mains se mettent à trembler. Il prend de grandes inspirations, reprenant le contrôle de son corps avec difficulté. Ses poings se serrent et frappent la faïence. Il cherche la douleur pour dériver son esprit. La rage l'envahie... elle est tellement soudaine qu'elle le tétanise sur place. Il en a marre. Marre d'être lui, marre de devoir se forcer pour ne pas perdre pied. Marre de se battre chaque jour contre ses démons intérieurs. Il sent la corde de sa raison s'effilocher un peu plus. Un jour, dans peu de temps, il ne restera qu'un brin qui claquera d'un coup et lui avec. Gael sourit à son reflet, cet autre qui lui ressemble mais lui fait peur. Un sourire digne d'une grimace de film d'horreur. La voix de sa mère est inquiète quand elle lui parvient de l'autre côté de la porte. Gael se pince les lèvres et fixe ses yeux dans le miroir, prenant la résolution d'essayer, une dernière fois, pour elle.
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Red Blood Love (VF) [Complète]
Romansa(version française - English version September) Médéric (Mew) et Gael (Gulf) ont vécu chacun un profond trauma qui a bouleversé leur vie, les laissant abimés et à vifs. Ils intègrent Le Centre. Innovateur dans le traitement et le soin des maladies...