Angoisse au parc

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          La chaleur est écrasante en ce milieu de dimanche après-midi. Gael et Daphnée sont assis au bord de la fontaine, cherchant la fraicheur dans l'eau qui s'envole des brumisateurs plantés tout autour d'eux. La jeune fille est assise, le visage tourné vers l'un, les yeux cachés sous une paire de lunettes de soleil. Elle porte une casquette et a fait passer sa queue de cheval dans l'espace arrière pour avoir moins chaud.

— Même l'eau est chaude... c'est nul !

Gael regarde sa cousine en souriant. Ils sont nés la même année à quelques mois d'écart. Il rentre son cou dans ses épaules.

— Désolé.

Elle le toise en abaissant légèrement ses lunettes.

— Ne commence pas à t'excuser de vivre. Ouais ok, l'air conditionné des grands magasins serait super mais tu ne serais pas avec moi. Je préfère avoir chaud un peu et profiter de ta présence que d'être seule à m'ennuyer à essayer le dernier baume à lèvre de mon magasin de beauté préféré ou de trainer dans l'exquise boutique vintage du centre-ville. Le parc c'est bien.

Elle s'étire et lui sourit avant de lui prendre les mains et les agiter entre eux.

— Ne tire pas la tronche, tu sais que je suis une râleuse. Mais que tu aies accepté de sortir c'est déjà tellement génial que je peux souffrir un peu de la chaleur.

Elle lui presse gentiment les mains mais les lâches rapidement avant s'essuyer les paumes sur son mini-short.

— Mauvaise idée. Je sue c'est terrible ! Viens, on va à l'ombre.

Ils marchent côte à côte sans se toucher mais sans s'éloigner non plus.

— Comment s'est passée la première semaine ? Je m'attendais à ce que tu m'appelle mais rien. Je suis un peu déçue.

— C'est très fatigant de retourner dans un endroit où il y a du monde et de devoir se forcer à parler. Même si au final notre groupe n'est pas nombreux, c'est très difficile.

— Hum, je comprends.

— On a des consignes strictes à suivre et...

— Si tes consignes impliquent de couper tout lien avec ta cousine préférée, je débarque et je détruis tout !

Gaël sourit. Daphnée lui faisait toujours cet effet avec son emphase démesurée. C'est la seule, en dehors de sa mère et occasionnellement de son père, dont il accepte la présence. Elle lui a servi de confidente à de nombreuses reprises, et sans qu'elle le sache, lui a permis de renforcer le lien de sa raison qui s'effiloche.

— Mais non. De toute façon je sais depuis tout gamin qu'il est impossible de se débarrasser de toi. Tu t'accroche comme une moule sur un rocher.

Daphnée lui saute à moitié dessus, lui agrippant le cou. Gael chancelle car elle est bien plus petite que lui.

— Pour cette méchanceté, tu me paie une glace. Allé, on y va !

Elle le traine par le bras vers la petite boutique à quelques centaines de mètres. Gael se laisse faire, heureux. Cela fait longtemps qu'il ne s'est pas senti aussi... libre. Daphnée n'arrête pas de parler de tout et de rien. Elle lui parle de ses cours de théâtre qu'elle a commencé et qui l'enchantent. De ses copines de facs, de ses amants...

—... parce qu'on baise une fois, ou deux, ou dix... mais au final, je m'ennuie. J'ai essayé les sportifs, les intellos, les discrets, les comiques... aucun ne me convient.

— Peut-être parce que vous finissez au lit avant de vraiment vous connaitre et vous apprécier.

— J'ai vingt-trois ans, je ne veux pas attendre ! A force d'essayer je trouverais le bon, j'en suis certaine ! Oh béni soit l'air conditionné !

— Amen !

La bouffée de fraicheur du petit café les fait frissonner après leur traverser de la fournaise extérieure. Il est assez rempli et le brouhaha est lancinant. Gael se crispe mais l'envie d'une boisson fraîche et d'une coupe de glace est plus forte. Ils se faufilent entre les gens et finissent par trouver une place en plein milieu de la salle qui se libère à l'instant de leur arrivée. Gael s'assoit avec sa cousine puis ils prennent le temps de regarder la carte. Un groupe d'adolescents bruyant entre pour commander des cornets à emporter. Ils parlent fort et, dans leur enthousiasme, bousculent plusieurs clients. Gael se pince les lèvres en sentant son souffle s'accélérer. Il n'allait pas faire une crise au milieu du café. Il se l'interdit. Sa main gauche trouve le point de pression à son poignet droit et il commence à appuyer régulièrement mais la crise ne semble pas vouloir se calmer. N'y tenant plus, dans un mouvement soudain, il se lève.

— Je... je vais aux toilettes. Commande pour moi.

Il court, plus qu'il ne se dirige vers les toilettes, histoire de s'isolé un peu. Deux urinoirs, quatre toilettes fermées et quelques lavabos fonctionnels. Rien de plus. L'odeur d'urine y est forte malgré la couche de javel. Celle-ci lui prend les tripes avec force. Il ferme les yeux pour échapper à la nausée. Ses mains s'agrippent à la faïence le temps que le malaise passe. Il ouvre ensuite les yeux, prenant de courtes inspirations et se mouille le visage. Il prend deux minutes pour s'autosuggestionné et se donner du courage. Juste au moment où il quitte les toilettes, la porte s'ouvre avec fracas et trois jeunes entrent en riant et parlant fort. Ils se rentrent dedans avec force. Gael se retrouve au sol. Les trois adolescents éclatent de rire. Gael commence à paniquer. L'un d'eux tend la main pour le relever.

— Ça va ?

Gael a un mouvement de recul. Son corps ne lui obéis plus et la crise arrive tel un ras de marrée. Il repousse la main dans un cri. La première réaction du jeune homme est l'étonnement avant de viré à l'agacement.

— Non mais tu n'es pas bien, mec. Ce n'est pas comme si je l'avais fais exprès. Tu es bourré ou camé ?

— Ne... ne m'approchez pas, ne me touchez pas !

Les deux autres éclatent de rire.

— Il est en plein trip, regarde !

Leurs voix l'agressent, leurs rires lui font mal, leurs regards le transpercent. Gael n'en peut plus. Il dérape en se mettant de bout mais y parvient. Il se précipite vers la sortie mais les garçons lui bloquent le passage.

— Laissez-moi passer.... Laissez-moi passer !

Gael essaie de forcer le passage mais est repousser par les jeunes hommes. Il vacille sur ses jambes. Si cela continue, il va tomber, se rouler en boule et ne plus bouger. Un quatrième homme arrive, attirant l'attention des trois adolescents, ce qui permet à Gael de se faufiler. Il traverse le café en courant, sans un regard pour sa cousine qui le regarde disparaitre, complètement ahurie.

Gael ne se rend même pas compte de la chaleur, ni du monde, ni même du paysage qui l'entoure. Il ne veut qu'une chose : disparaitre. Trouver un coin pour se cacher. Son souffle est trop rapide et son cœur tambourine. Une sueur aigre lui coule sur le front et dans le dos. Après quelques minutes qui lui paraissent des heures, il se retrouver, il ne sait pas comment, hors des sentiers. Il se laisse tomber, a l'abri derrière un buisson qui le rassure malgré les griffures sur ses mains. Il se recroqueville en boule et gémit doucement en se balançant. Il n'arrive pas à se calmer. Ses mains tremblent lorsqu'il attrape son portable dans la poche arrière de son jean. Il se rend compte que l'écran est fissuré à cause de sa chute dans les toilettes et il hoquète. Il s'essuie la sueur sur son front avec sa main qu'il frotte ensuite contre son tee-shirt trempé.

— Allez... allez...

Il arrive à déverrouiller l'écran d'accueil et appuie frénétiquement sur le répertoire d'appel. L'écran tactile, déjà malmené, ne prends pas la pression de ses doigts humides en compte. Finalement il y arrive. Le téléphone tremble dans ses doigts alors qu'il le porte à son oreille. Il se recroqueville encore plus, cachant son visage entre ses genoux.

— Médéric... viens me chercher... s'il te plait...je n'en peux plus... 

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Bonjour, comment allez-vous ? C'est tout pour cette semaine ! je vous donne rendez-vous lundi pour le chapitre 8. Le rythme de publication vous convient-il ? Bonne fin de semaine à tous !

Red Blood Love (VF) [Complète]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant