Red Blood Love (VF) [Complète]

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          Après la séance de groupe du matin, chacun s'est vu remettre un emploi du temps sur une semaine puis relâché pour le repas du midi. L'après-midi de ce premier jour est consacré aux premiers échanges individuels avec les différents professionnels du Centre pour évaluer le suivi des patients et leur expliquer plus en détail le déroulement des séances et le principe du centre. 

          Comme expliqué pendant la réunion d'introduction deux mois plus tôt, le Centre s'est spécialisé dans le traitement des maladies psychologiques de tout niveau par des moyens innovants impliquant, en plus d'un traitement allégé médicamenteux, des sciences moins connues ou parallèles, comme l'hypnose, la stimulation sensorielle ou l'ASMR. Chaque patient a été sélectionné drastiquement et testé pour convenir au programme. Ils ont signé, en toute connaissance, la charte du Centre leur permettant d'expérimenter divers combinaison de traitements et faire partie d'un groupe test. Si les traitements fonctionnent, le Centre ouvrira à plus de malades. Pour le moment, il n'y a qu'une cinquantaine de patients. Médéric et Gaël font donc parti du groupe A qui regroupe huit à dix personnes de pathologie différentes. Il y a bien sur possibilité de migrer d'un groupe à l'autre selon l'évolution de la thérapie. La première semaine, outre les rendez-vous individuels, le Centre propose des activités de groupes pour la cohésion. Dans un premier temps, quelques jeux de société pour développer la sociabilisations, puis des sports collectifs et des jeux de rôles. Á la fin de la première semaine, les traitements médicamenteux seront réexaminés et modifié progressivement pour entrer dans la charte du Centre. Les séances de stimulation (ASMR, hypnose...) seront mises en place la deuxième semaine. Les patients sont soumis à une présence stricte à chaque séance au centre. Chacun s'est engagé en cela. De nouvelles règles de vie, de nouvelles habitudes, un nouveau lieu, un nouvel environnement, de nouvelles connaissances pour repartir pour une nouvelle étape de vie. Une des règles imposées par les psychologues du Centre est de jeter et renouveler un objet par jour pour leur permettre de se débarrasser progressivement des souvenirs désagréables lié à leur maladie.

          Médéric soupire en s'affalant sur son lit défait. Ce premier jour au Centre a été plus fatiguant qu'il l'imaginait. Il est lessivé. Il prend une grande inspiration et se rassoit en regardant autour de lui. Qu'est ce qu'il allait jeter aujourd'hui ? Son appartement n'est pas bien grand. Une pièce principale, une mini-cuisine, une salle d'eau et sa chambre. Il ne pouvait se permettre, plus vu qu'il n'avait plus de revenu fixe depuis plus d'un an. Il avait la chance, ou non, selon les jours, que l'appartement au troisième étage donne directement sur le fleuve. La vue était belle mais l'odeur y était méphitique lorsque le vent était dans le mauvais sens et que la chaleur écrasante faisait pourrir rapidement ce qui se trouvait dans l'eau, sans parler de la présence des moustiques gourmands et l'humidité collante. Mais c'était son "chez lui". Il fait encore le tour de la chambre des yeux, puis se dirige dans le petit salon. Il se rend compte que ce dernier est tout aussi mal rangé que sa chambre. Un coup d'œil dans la cuisine lui montre la montagne de vaisselles dans l'évier et les emballages de nourriture qui débordent de la poubelle. Médéric prend son courage à deux mains et commence à ranger. Il sourit froidement. Cela ne lui était pas arrivé depuis des mois. Il repense à sa journée tout en exécutant mécaniquement ses gestes. Sa rencontre avec Gaël tourne dans sa tête. Leur rencontre n'aurait pas été plus bizarre mais étonnement elle a été parfaite à sa façon. Médéric arrête son geste en pleine course alors qu'il revoie les yeux du gamin dans son esprit. Deux billes de verre d'un brun translucide, puis le nez, la forme du visage, les fossettes sur ses joues et enfin cette magnifique bouche qui...Il secoue la tête et reprend son ménage. Il a la tête ailleurs. Son esprit reste sur le jeune homme : sa façon de bouger la tête quand on lui parle, sa façon d'observer en silence les autres de manière concentrée, ses mots hésitants quand on lui pose une question... Sans s'en rendre compte, la petite cuisine fait peau neuve. Lorsqu'il passe dans la pièce principale, il est toujours dans ses pensées mais ces dernières s'assombrissent progressivement, ralentissant son geste, lui sapant toute ses forces. Il se retrouve assit sur son vieux canapé, perdue dans ses idées noires. Médéric se demande si ce qu'il fait en vaut vraiment la peine ? Qu'est ce que cela lui apportera au final ? Il a l'impression que les conseils donnés sont creux et sans intérêt. Est-ce que cela vaut vraiment le coup de continuer ? Son téléphone le fait sursauter lorsqu'il vibre dans sa poche. Il le prend et regarde le message. Il lui faut un peu de temps pour accepter le fait que ce message ne vient pas d'un membre de sa famille, ni d'un de ses seuls amis restant mais bien du petit.

          Gaël est assis en tailleur par terre dans sa chambre. En face de lui se trouve un bloc note rempli de notes serrées, une chemise verte et une figurine. Il tient son téléphone entre ses doigts et ne peut empêcher ses mains de trembler devant l'audace qu'il a eu d'envoyer un message accompagnée d'une photo à Médéric.

"Je ne sais pas lequel choisir."

Son cœur bat la chamade dans l'attente de la réponse. Il lâche presque le téléphone quand la réponse arrive dans un "pop" sonore.

"Le plus inutile me semble être la figurine, mais je ne connais pas son histoire".

"Elle n'en a pas vraiment. C'est juste un cadeau de quelqu'un qui disait être mon ami."

"Plein de mauvais souvenirs alors. Et les autres ?"

" La chemise est celle que je portais mon premier jour à la fac et le bloc est l'un de mes cours de première année."

"Qu'est ce que tu étudies ?"

"J'ai quitté la fac... ce n'était pas pour moi. Je n'ai pas fini ma licence en langue"

La réponse met un peu plus de temps à arriver. Gaël se demande s'il a bien fait de tendre la perche et si Médéric la saisie, est ce qu'il se sent le courage de répondre ? Son cœur commence à battre de plus en plus vite. Il sent la crise arrivée. Il n'aurait pas dû. Il ne...

"J'ai été assistant professeur en astronomie."

C'est au tour de Gaël de fixer son téléphone. Médéric n'a pas pris sa perche et s'est livré à son tour. Le jeune homme se pince les lèvres. Il change de sujet. Il ne se rend pas compte que la crise s'éloigne.

" Et toi, tu comptes jeter quoi ce soir ?"

"Je ne sais pas. Je ne possède plus grand-chose."

Une photo arrive néanmoins dans la foulée. Il y a un mug avec une constellation mais à la poignée cassée, un bracelet en cuir usé et une paire de chaussures encore dans leur boite. Gaël prend le temps de regarder chaque objet. Comme pour lui, chacun doit avoir une histoire. Il se pince la lèvre inférieure entre son pouce et son indexe. Sur les trois objets, deux se rapportent à son travail. Le bracelet semble être un cadeau. Gaël regarde ses propres objets puis se lance.

"Je vais jeter la figurine, je n'ai plus besoin de me rappeler cette amitié qui n'en était pas une. Je ne sais même pas pourquoi je l'ai gardé. Si on doit repartir de neuf, je ne veux plus des souvenirs amers".

Il appuie sur "envoi" avec une vigueur excessive. Il est fier de lui. Il a pris une décision et si Médéric comprend, il...

"Tu as raison. Je n'en veux plus non plus. Je jette le bracelet."

Gaël sourit. Il va pour écrire de nouveau mais son téléphone se met à sonner. Il est si surpris qu'il le laisse tomber dans un petit cri. Il le récupère et est obliger de contrôler les tremblements de ses doigts pour répondre à l'appel.

— O...oui ?

— Cela sera plus facile comme ça pour parler. Ça ne te dérange pas, au moins ?

La voix de Médéric est agréable à son oreille et Gaël se détend. Il étend ses jambes devant lui et pose la tête en arrière sur son lit.

— C'est une bonne idée mais je ne sais pas trop quoi dire.

— Oh, on va bien trouver.