Matsumoto est dans le parc bien avant l'heure du rendez-vous. Et par une question de bon sens, Reiko l'avait deviné. Elles sont donc toutes les deux en avance de près d'une heure, dans le même parc, en se cherchant des yeux, pour se faire la surprise. Et c'est Reiko qui la trouve en premier.
Elle n'ose pas vraiment y penser, mais un « Typique. » lui vient à l'esprit : elle la retrouve accoudée au kiosque, là où pendant des années, bien avant les années qu'elles respirent, les gens se rassemblaient pour danser. Après tout, Matsumoto est une danseuse, et les danseurs sont irrémédiablement attirés par la danse. Aussi vieille soit-elle.
- Tu attends un prince charmant ? Ou un cavalier ? demande-t-elle, les mains dans les poches.
Le visage de la lycéenne brune s'orne d'un sourire de bonheur, tandis que celui de son amie semble calme, et doux. D'aussi loin qu'elle se souvienne, Koko a toujours été aussi sereine. Et les quelques fois où elle l'a vue plus renfrognée, elle ne faisait que la voir passer, de loin. Elle la serre dans ses bras, et Reiko enroule les siens autour de sa taille, plus timide dans son étreinte.
- Je suis tellement contente de te voir ! Tu passes la journée là, seulement ?
Elle hoche la tête.
- Oui, je dois partir pour six heures, le temps de rentrer. Je suis venue à vélo.
L'autre sursaute :
- A vélo ?! Mais tu as passé combien de temps sur la route ! On a mis une heure et quart en voiture et toi, tu es venue à vélo ? Tu es folle ?
- Moins de deux heures. Je vais bien. Je suis passée par chez ma Grand-Mère. Je te signale que j'habite en périphérie de la ville, moi. Je n'ai pas tout à traverser pour venir ici, répond-elle en haussant les épaules. Et puis de toute façon, je gère mon temps, d'accord ? Comment va Eimi ?
La jeune fille note à peine le changement de sujet, et répond enthousiaste, alors qu'elles se mettent à marcher :
- Bien, elle s'est déjà faite de nouveaux amis.
- Et toi ?
L'adolescente grince des dents, et lui demande son sourire le plus ironique :
- Et toi ?
- Je m'en sors bien. Mais tu sais bien que je n'ai pas d'autre amis que toi. Je n'ai pas prévu de faire un investissement social inutile. Je ferais des efforts l'année prochaine, ou celle d'après. A toi.
Matsumoto soupire.
- Tu sais... les autres me font un peu peur. Comme je suis la cousine de Tooru, la plupart des filles qui viennent me parler me demandent son numéro de téléphone. Je n'arrive pas à faire le tri.
- Et les filles de la danse ?
Elles marchent jusqu'au petit lac du parc, les mains dans les poches, se méfiant parfois du temps pluvieux, et des oiseaux invasifs.
- Je ne peux pas dire que je m'entends bien avec elles. Je ne les connais que depuis trois jours. Mais je pense que ça peut aller.
- Tant mieux. Tu n'as pas besoin d'être proche de tes camarades de classe. C'est plus pratique, mais si tu préfères les filles de la danse, fais-toi plaisir. Tu es du genre extraverti, en règle générale, ne reste pas toute seule, ça va te faire déprimer.
Reiko sort de son sac à dos un sachet de papier, dans lequel de petites pâtisseries encore tièdes attendent de se faire dévorer. Les yeux de Matsumoto brillent de surprise, et elle s'écrie en prenant l'un des mochis verts :
- Tu es passée par chez ta Grand-Mère !
- Bien sûr que oui, je ne pouvais pas arriver les mains vides.
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Solitaires
FanfictionUne tension dans le regard, un quelque chose qui fait se demander comment ce groupe d'ados se fait confiance, mais qui ne les intrigue pas eux. Pas tant qu'ils ne se détournent pas les uns des autres. Et pourtant, soudain, plus personne ne regarde...