48. La Pointe

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Que Reiko l'ait pris au mot lui fait franchement plaisir. Parce que pour une fois, ils se retrouvent chez elle. « Pour une fois » parce qu'ils se sont revus cinq fois à la boite depuis qu'elle lui a fait découvrir, et que chaque fois, ils se sont séparés devant l'entrée. Et parce qu'elle lui a donné rendez-vous aujourd'hui pour lui montrer quelques pas. Elle lui ouvre avec des chaussures à talons aux pieds, et il admire les centimètres qu'elle a gagné, lui faisant faire presque la même taille que lui.

- Prêt à transpirer encore une fois ? lui demande-t-elle tandis qu'il retire ses chaussures.

Il revient de l'entrainement, et cette deuxième session d'exercice va lui être difficile, il le sait. Ça n'a pourtant rien changé. Il en a envie. Voir Reiko danser pourrait donner toutes les envies du monde à n'importe qui. Et la sienne, ça a été d'apprendre à danser, comme elle le fait, avec cette sensation de liberté qu'elle dégage. Il pose ses affaires dans un coin, et retire son pull.

- Ta grand-mère n'est pas là ? demande-t-il intrigué.

Elle secoue la tête, avec un sourire de satisfaction.

- Non, elle est partie à une soirée dansante. A laquelle elle voulait que je l'accompagne. J'ai déjà débarrassé l'espace, avant que tu arrives, on n'a plus qu'à s'échauffer.

Il se racle la gorge, en serrant le cordon de son bas de survêtement. Il lui tombe sur les hanches, habituellement, pile à la bonne taille, mais il ne veut pas prendre le risque de le perdre dans le feu de l'action.

- Et ça ne te dérange pas ?

- De ?

Le sourire qu'elle lui adresse lui donne un brusque vertige, et il secoue la tête :

- De ne pas l'accompagner ?

- Oh, j'irais une autre fois, je suis contente de t'avoir à la maison. En fait, j'adore recevoir des gens, mais je ne le fais pas souvent.

- Tu aimes recevoir des gens, ou tu aimes qu'ils viennent te demander eux-mêmes si tu peux les faire souffrir ? rit-il.

Elle se rapproche, les bras croisés.

- Je ne suis pas ce genre de personne.

Mais son sourire ne l'a pas encore quitté, et il devine qu'il s'agit d'un mélange des deux : elle est contente qu'il vienne chez elle pour qu'elle lui apprenne à danser. Et ça lui fait plaisir.

- Hum, hum. Je verrais si c'est vrai au fil de l'exercice, tu me diras. On commence ?

- Avec plaisir. Dis-moi si c'est trop pour toi, parce que j'ai pas l'habitude de danser avec des novices. Je vais peut-être te demander de faire des choses que ton corps... ne veut pas faire. Je suis souple par la pratique, mais je ne pense pas que tu le sois autant que moi.

Ils se mettent d'accord sur quelques termes spécifiques pour comprendre de quoi elle parle, et elle lui explique que leur contact est inévitable, s'il veut apprendre les danses de salon. En quelques mouvements d'essais, il s'avère que ce n'est pas du tout un problème, et ils commencent sérieusement à voir les mouvements.

- Tu as un rythme... ! C'est excellent ! dit-elle en coupant la musique pour lui proposer un bon verre d'eau.

Il ouvre la fenêtre en attendant, histoire d'aérer un peu, et elle revient avec de quoi les désaltérer.

- Merci ?

- C'est rien, dit-elle en secouant la tête. Ça va être plus facile pour toi d'apprendre dans ces conditions. Et puis, c'est pas désagréable, j'ai l'impression que tu peux suivre facilement. J'ai dansé avec des gens qui avaient du mal à reprendre sur les bons temps. Tu as l'oreille musicale.

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