Pointe, flex, pointe, pied posé. Retour à la première position. Pointe, flex, pointe, pied posé.
- Tu as déjà fait de la danse contemporaine ? demande son professeur émerveillée par la polyvalence de son élève.
Matsumoto sourit à peine, ravie qu'elle l'ait remarqué :
- Un peu. Une amie m'a appris quelques trucs.
Il est difficile pour un danseur classique de ne danser que du classique toute sa vie, par les temps qui courent. Avoir plusieurs cordes à son arc est essentiel. Qu'elle les ait déjà rassure l'enseignante, qui trouve déjà à sa nouvelle élève une quantité de potentiel folle. Mais il y a une question que la jeune fille redoute. Une à laquelle elle sait pourtant parfaitement répondre. Bien qu'elle déteste l'idée même qu'on lui demande :
- Et ton amie, elle fait de la danse en club ?
Il n'y a pas d'autres clubs de danse, dans ce lycée. Et ce n'est pas la première fois qu'un professionnel lui demande si son professeur de fortune prend des cours à l'extérieur. Ce qu'elle ne comprend pas, c'est que personne ne lui demande, à elle, et que personne n'a jamais vu Koko danser.
- Non. Elle ne danse pas beaucoup.
- Elle peut peut-être venir le faire ici. Les frais sont tout à fait abordables, propose la femme en s'appuyant à la rambarde.
Madame Mikiko est une intervenante extérieure. C'est assez rare, la plupart des professeurs sont ceux qui travaillent dans l'école, mais ça peut arriver. Et comme prévu, Matsumoto doit répondre le plus sobrement possible :
- Peut-être... mais elle n'est pas intéressée par les clubs. Elle ne s'inscrira pas, même si je lui demande.
La professeure laisse tomber l'idée facilement, mais l'adolescente déteste l'air suspicieux qui s'ancre dans le regard sombre de la femme aux cheveux grisonnants. Être amie avec Koko n'est pas facile. Il faudrait, dans un monde parfait, qu'elle n'ait pas l'orgueil d'aimer qu'on la complimente sur ce qu'elle sait faire, mais aussi qu'elle n'ait pas cette honnêteté de dire où elle a appris ce qu'elle sait faire. Ou encore... que Koko ne lui ait jamais appris quoi que ce soit.
En venir à ce niveau de jalousie la dérange sincèrement. Parce qu'il fut un temps où leur relation n'était pas un champs de ruines pareil. Et un temps où son amie ne l'évitait pas au cours des mauvais jours.
Les mains dans les poches, Reiko ne se rend pas particulièrement au travail, ce soir. Elle doit juste voir Aki. Ce qui revient à aller au même endroit, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons. Ce qui la rassure un peu. On n'a pas idée, quand on est un Japonais sain d'esprit, d'aller aussi souvent dans un lieu de débauche pareil : il n'y a pas que le cabaret, dans cette rue, il y a aussi d'autres clubs, boites de nuit, bars... aux services assez variés pour contenter n'importe quelle clientèle.
Elle pousse la porte du coude, les mains toujours dans sa veste.
C'est un peu étrange de venir ici avec ses vêtements du week-end, et de se dire qu'elle n'y restera pas longtemps. Elle veut en revanche en parler au jeune homme de vive voix plutôt qu'au téléphone, et si ses souvenirs sont bons, il va bientôt être l'heure de la fin des cours.
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Solitaires
FanfictionUne tension dans le regard, un quelque chose qui fait se demander comment ce groupe d'ados se fait confiance, mais qui ne les intrigue pas eux. Pas tant qu'ils ne se détournent pas les uns des autres. Et pourtant, soudain, plus personne ne regarde...