12. La Sensibilité

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Hajime sortait de chez lui quand il a croisé Reiko. Elle allait à l'épicerie, comptant dans la rue ce qu'elle pouvait se permettre de dépenser pour la famille Oikawa. Il n'a pas relevé. Ils se sont salués, et il l'a accompagnée.

Maintenant qu'il fait le trajet pour aller au lycée avec le bruyant cousin, il pense rapidement à quel point l'amie de Matsumoto est calme. Tellement, tellement, tellement plus calme. Et tellement moins criarde.

Même Matsumoto est trop vivante, à côté de la sérénité portée par son amie.

Pour le peu qu'il a pu parler avec elle, il ne s'est jamais senti obligé de répondre, ou de la supporter. Pour un sportif qui a des équipiers, et pour être ami avec Tooru Oikawa, Hajime est forcé de reconnaître que du calme pur et dur, soucieux, mais apaisant, est agréable.

Il soupire.

- Tu ne t'es pas levé trop tôt ? demande Tooru. Est-ce que tu as bien dormi, au moins ? Tu as l'air épuisé.

- C'est parce que tu me fatigue, répond-il dans un souffle.

Son ami fait mine d'être offusqué avant de dire plus sérieusement :

- Merci d'être resté avec Matsumoto hier. Et de l'avoir ramenée à la maison.

Il se souvient qu'ils avaient réveillé la jeune fille, avant que Reiko, qui semblait pourtant motivée à le faire, ne monte la côte qu'il y avait pour arriver à destination.

- Je n'ai pas fait grand-chose. J'ai seulement porté son sac, répond-il tout en sachant ce que Tooru voulait dire.

Il le sait. Le capitaine à la bonne humeur exécrable ne lui demande jamais grand-chose non plus. Mais quand il le fait, Hajime l'aide sans poser de questions. Et la veille, il n'avait pas eu besoin de demander. Il s'était naturellement proposé. Il ne pouvait pas décemment laisser son ami dans les problèmes comme ça. Et Matsumoto... Cette fille est sympa. Il en a décidé ainsi en un trajet avec elle pour aller au lycée, le premier jour. Être là pour l'aider était la moindre des choses, surtout dans les circonstances...

Il pince les lèvres, agacé.

Il n'avait pas pu lui répondre. Il n'avait pas pu dire à Reiko ce qu'il s'était passé. Il s'en était sentit coupable, sans savoir pourquoi. Mais les filles racontent rarement ce qu'il leur est arrivé, après une agression. C'est ce qu'il a lu sur internet, à l'hôpital.

Il s'énerve soudainement contre lui-même. Même lorsqu'il avait voulu lui chercher quelque chose à boire, il n'avait pas été utile. Il le sait, il l'a entendue l'appeler, pour qu'il revienne vers elle. Il avait été bête de penser qu'elle voudrait être toute seule dans un endroit qu'elle ne connait pas après avoir été amenée à l'hôpital dans ces conditions de stress. Il n'avait pas eu le temps de faire demi-tour pour la rejoindre que Reiko était arrivée. Il n'aurait pas dû la laisser, il le sait. Son plus gros défaut est de ne pas supporter d'être inutile. Il fallait qu'il bouge.

Il n'écoute plus vraiment Tooru parler. De toute façon, il a changé de sujet. D'ailleurs, le changement a dû être radical pour qu'il ne s'en préoccupe pas tant que ça.

Ils s'arrêtent tous les deux devant le lycée, de l'autre côté du passage piéton. Là où ils n'auraient plus qu'à traverser pour entrer, juste avant une petite supérette. Ce n'est pas tout à fait volontaire, ils se sont arrêtés devant la ruelle naturellement. Hajime fixe son regard sur le sol sale, et les cartons mouillés. L'autre adolescent semble regarder sans voir, et tremble de colère, avant de dire :

- Pourquoi on n'était pas là, déjà ?

Il répond d'une voix absente :

- On était au volley.

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