26. L'apprentissage

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Angoissée par l'absence de réponse de Reiko, Matsumoto aura aussi peu dormi que possible, se réveillant au moindre coup de vent, et pensant entendre les vibrations de l'appareil quand il restait silencieux. Alors la tête qu'elle présente ce matin est on-ne-peut plus claire : la journée sera sûrement tout aussi désastreuse.

Et pourtant, l'adolescente les attend au même endroit que d'habitude, adossée au mur de l'enceinte, son téléphone à la main.

La danseuse songe amèrement que si elle est capable de jouer à un jeu ou de répondre à quelqu'un d'autre, elle aurait pu le faire avec elle aussi, avant de se raviser. Tooru et Hajime ont supporté sa mauvaise humeur trois jours de suite, et ils n'y étaient pour rien. Il va falloir qu'elle se calme un peu.

De son côté, Tooru tente de faire bonne figure. Après tout, maintenant que son genou est définitivement guérit pour le volley, et que l'hématome sur son visage s'est estompé, il peut presque faire comme si de rien n'était, et faire son sourire joyeux, si son meilleur ami ne lui lance pas des œillades contrariées toute la journée.

Sauf qu'il n'y peut rien. A présent que l'idée s'est logée dans sa tête, il n'y a pas moyen de s'en défaire. Et peu lui importe si Hajime en vient à le regarder de travers. Il ravale une goulée de dépit, et se redresse un peu, saluant Reiko avec un sourire trop grand pour être vrai :

- Comment tu vas ?

Elle lui répond par un sourire vague :

- Bien mieux qu'hier, et toi, comment tu vas ?

Être dans la même classe qu'elle lui a rapidement permis de se lier avec elle. Elle est honnête, volontaire, et travaille avec une efficacité certaine. Il ne sait pas s'ils sont de véritables amis sur lesquels ils peuvent compter l'un l'autre, mais une bonne entente, c'est déjà ça.

Cautionnerait-elle son entreprise ? Il n'a pas vraiment envie de lui demander. La réponse l'effraie. Et combien même elle serait d'accord, il doute qu'une jeune fille comme elle pourrait l'aider à faire quoi que ce soit. Elle a beau avoir une bonne carrure, elle ne semble pas aussi solide que lui, qui est grand sportif. D'un autre côté... ce n'est pas comme s'il allait pouvoir compter sur Hajime, sur ce coup-là. Ce serait l'idéal, mais ce n'est pas ce qui se passera, malheureusement pour lui.

Il la regarde longuement, et la discussion dérive rapidement sur d'autres eaux : Reiko salue les autres, et que Matsumoto fait rapidement remarquer qu'elle n'a pas répondu à son message de la veille.

- Je n'ai pas regardé mon téléphone, hier, lui répond-elle. Ça m'a échappé. Désolée.

- Tu n'es pas désolée, lui reproche mentalement la jeune fille.

Qu'elle ait mis son orgueil de côté pour lui envoyer des excuses, et que sa meilleure amie n'ait pas daigné y jeter un œil la vexe. Elles ne s'étaient jamais disputées comme ça avant, et naïvement, Matsumoto pensait qu'elles ne le feraient pas, ou alors, que leurs disputes ne ressembleraient pas à celles des autres filles de leur âge.

Elle se trompait, visiblement.

Reiko entre en classe, Matsumoto aussi, et les deux adolescents rejoignent le reste de leur équipe. Aujourd'hui, ils vont louper leur journée de cours pour faire cette activité pour laquelle ils ont travaillé ces derniers temps : le volley. Les heures d'efforts et l'inquiétude de chacun s'est envolée pour laisser transparaitre cette bonne humeur des camarades, qui plaisantent, se lancent des affaires, vérifient leur sac en riant, ou se bousculent sans répit jusqu'au coup de sifflet du coach.

- Bien ! J'espère que vous serez tous un peu plus calmes pour le trajet, merci de penser au chauffeur.

L'intensité du bruit diminue, mais le groupe reste toujours aussi chaotique, jusqu'à ce qu'un semblant d'ordre dans l'espace du bus calme les plus agités, en les éloignant des « centres d'énergie », comme dirait Kotori Oikawa.

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