Solitaires

58. L'Artiste

Les mains dans les poches, elle attend contre la barrière qui protège le trottoir de la route, sa chemise à carreaux sur le dos. Tooru la regarde un moment, et elle lui fait un signe de la tête. Il comprend le message. Elle est là pour Hajime. Ce qui parait logique, puisqu'elle est devant chez lui, et non devant la maison des Oikawa.

- Perdre ce genre d'amie... ça ne doit pas être évident, songe-t-il en descendant du trottoir après les avoir salués tous les deux.

Il remonte dessus juste après les avoir dépassés, et ne se retourne pas.

- Dire que si ça continue, il aura une copine avant moi...

De son côté, son ami s'approche d'elle, avec un sourire léger.

- Tu es vraiment venue.

Elle hausse les épaules.

- C'est pas long, comme trajet, lorsqu'on a le temps.

Il rit, et l'invite d'un geste à le suivre :

- C'est vrai. Tu as faim ?

- Je ne serais pas contre quelque chose, effectivement. J'ai hésité tellement longtemps à redescendre à la supérette de peur de te manquer que tu as fini par arriver.

Il passe le portail, amusé.

- Tu vas pouvoir manger tout ce que tu veux, mes parents ne sont pas encore rentrés. Et ça vaut mieux pour nous, honnêtement.

Compréhensive, Reiko acquiesce.

- Je pense aussi. Tu as une idée de quand ils rentreront ?

- Sûrement tard ? répond-il en retirant ses chaussures.

Elle l'imite, tandis qu'il ajoute :

- Je crois que mon père a un rendez-vous d'affaires, ce soir. Enfin, c'est certain. Et il emmène ma mère. Alors ça va s'éterniser.

- Tu « crois » ?

Il lève les yeux au ciel, et c'est la première fois qu'elle le voit faire :

- J'en suis certain, répond-il avec un sourire en coin. C'était une façon de parler.

L'adolescent a posé son sac par terre, ouvert les deux premiers boutons de sa chemise, et elle le comprend. Il fait terriblement chaud, dehors. Garder ses vêtements du lycée dans lesquels il a trainé toute la journée ne doit pas être une partie de plaisir. Même s'il a pu prendre une douche après le volley, et qu'il s'est changé, s'ils sont rentrés à pied...

- Tu veux manger quoi ?

- Ce que tu as à me proposer, dit-elle en haussant les épaules. Je serais plus partante pour du sucré, si tu as. Et si tu veux, pendant que je commence à me goinfrer, tu peux te changer. Voir prendre une seconde douche.

Elle s'attendait à ce qu'il refuse. Parce qu'il est très à cheval sur tout un ensemble de règles qu'elle suit elle-même, bien que ce ne soit qu'en présence d'invités. Il soupire pourtant, un paquet de biscuits dans la main :

- Vraiment ? Ça ne te dérangerait pas ?

Elle secoue la tête.

- Pas du tout.

Il pose le paquet de biscuits sur la table, et sort un verre.

- Tu veux boire quelque chose en particulier ? Jus de fruit... sirop ?

- De l'eau, merci beaucoup.

Reiko tire une chaise pour s'asseoir, et se retrouve avec un verre, un pichet, et une serviette en papier.