44. L'Attitude

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Matsumoto se retourne et s'accroche à son partenaire tout en réfléchissant. S'excuser ? Et puis quoi, encore ! Elle, elle n'avait rien fait de mal. Et c'était Koko, qui s'était agacée en premier, de toute façon. Tout allait de travers entre elles depuis quelques temps. C'est parce qu'elle a eu de la chance qu'elle ne l'a pas croisée de la journée. Elle est cependant obligée de remarquer que l'angle du portail semblait vide sans elle. Que la tablée du midi lui avait paru tellement silencieuse...

L'adolescent la regarde, sans comprendre pourquoi elle le fixe, plongée dans ses pensées. Ils se sont arrêtés, et elle ne s'en n'est même pas rendue compte. Elle ne suivait plus le rythme depuis longtemps, de toute façon.

- Ça n'a pas l'air d'aller, lui dit-il. Tu veux me parler de quelque chose ?

Elle secoue la tête. Non, si elle lui parlait de Koko... peut-être prendrait-il sa défense comme Tooru la veille, ou comme Hajime le matin, quand il s'est mis à la chercher des yeux. Cette jalousie est malsaine, elle la déteste. Mais elle fait quand même partie d'elle-même, et elle refuse de laisser voir ça à Tadanori.

- Je suis fatiguée, c'est tout. Excuse-moi.

Il retire la main qu'il avait posée sur sa hanche pour danser, et lève l'autre, qui tient sa main à elle, pour en embrasser le bout des doigts avec un clin d'œil.

- T'inquiète. T'as l'air d'avoir passé une nuit à l'envers. Ça te tente de rentrer maintenant ? On prend notre temps, et on s'arrête prendre un truc à manger à l'épicerie d'en face ?

La proposition est bien intentionnée, elle le sait. La mention simple de l'épicerie la fait frissonner. Depuis le jour de son agression, elle a soigneusement effacé cette partie de son monde, évitant de regarder jusqu'à l'enseigne, d'en parler, d'y penser...

- Il y en a une pas loin de chez moi, je préfère, dit-elle en reculant un peu.

Il sourit, et hoche la tête :

- Parfait alors !

Ils se changent, et quand elle sort de la petite pièce de vestiaires, il l'attend, assit dans le couloir. Il range son téléphone avec un sourire, et lui fait signe de la tête :

- Tu es prête ?

- Tu m'as attendu longtemps ?

Tadanori secoue la tête.

- Non, ne t'en fais pas. J'ai déjà eu des partenaires bien plus longues. Tu es sûre que tu as terminé, d'ailleurs ? demande-t-il en regardant ses chaussures.

Elle les regarde à son tour avant de lui donner un coup de coude amusé :

- T'es bête ! Je me rappelle encore d'avoir mis mes chaussures !

- Tu as regardé quand même, répond-il en se massant le bras doucement, ravi de l'avoir fait sourire.

Matsumoto hausse les épaules, l'air de dire que ça ne vaut rien, comme excuse, et prend la tête dans le couloir. Sans trop s'en rendre compte, ils se retrouvent à faire la course, sauter dans les escaliers pour ne pas avoir à descendre toutes les marches, et à se prendre les coins de murs dans les mains par manque de maniabilité dans les angles droits. Ils arrivent au portail, à moitié essoufflés. Et grâce à la danse, leur cœur tient le coup, et à mesure qu'ils prennent de grandes inspirations, l'air leur revient.

- Bon, dit-il une fois qu'il peut parler, tu me le montre, cet endroit ?

Elle hoche la tête en s'essuyant le visage d'un revers de main.

Il fait lourd, maintenant que l'été est définitivement là. Et la sueur leur coule le long de la nuque, du dos, et des bras. Il fait chaud, assez pour que les orages ne tardent pas non-plus. Et pour cette raison, l'adolescente a fait de la place dans son sac de cours pour ce petit parapluie pliable, pour être sûre de ne pas se faire prendre au dépourvu.

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