7. Le Rythme

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Hajime court depuis plus d'une heure, presque. Il s'arrête, complètement essoufflé, un violent point de côté lui vrillant les côtes, et Tooru, s'arrête à côté de lui :

- Déjà fatigué ? demande-t-il en riant.

L'autre se redresse en maudissant son ami intérieurement. Il était là depuis plus longtemps que son capitaine, c'est certain. Mais comment diable peut-il parler tout en courant sur six tours de parc ?! Cette idée le déprime trop pour qu'il décide d'y accorder une attention particulière : Tooru a toujours été très bavard. Peut-être doit-il son souffle exceptionnel à son débit de parole monstrueux.

- Tu ne peux pas te taire deux minutes ? souffle-t-il avant de reprendre une inspiration. Par pitié, l'interrompt-il alors qu'il allait rouvrir la bouche.

Tooru lève les deux mains pour signifier qu'il ne dira plus rien, et mime un zippe posé sur sa bouche, d'un air chineur qui ennuierait sérieusement n'importe qui d'autre que lui. Hajime parvient à détourner les yeux de ses pitreries.

Il fronce lentement les sourcils, regardant plutôt le monde se réveiller autour d'eux. Se réveiller parce que deux fois par semaines, ils se rendent dans ce parc. Ou plus proche de la mer, pour la voir courir sur le sable, pendant qu'ils font résonner leurs foulées dans le bitume.

Il ne saurait dire lequel des deux il préfère. Mais ce qu'il peut dire, c'est qu'il avait besoin de courir en silence ce matin. S'asseyant sur ce besoin, il sort sa paire d'écouteurs de sa poche, pour demander à son ami, les désignant :

- Je peux ?

Tooru acquiesce avec un sourire en coin, sortant les siens.

Courir avec de la musique leur est profitable à tous les deux. Et s'ils s'en passent parfois, il doit reconnaître que ça les aide à s'évader, en dépit de la scolarité de l'exercice, et des nécessités sportives qui se cachent derrière.

Ils reprennent là où ils s'en étaient arrêtés, et si Hajime ralentit significativement le rythme, lorsque le capitaine prend une pause, à bout de souffle, il peut le regarde le dépasser sans s'arrêter, la foulée effrayamment régulière. Il laisse, foulée après foulée, son trop plein d'énergie qui l'avait agacé le matin, ajoutant quelques tours de plus à son compteur, le regard vide, et les pensées vagues.

Quand il s'arrête, son cœur bat assez fort pour lui donner l'impression qu'il va bientôt le regarder se faire la malle, mais n'a pas l'impression d'avoir dépensé plus d'énergie qu'il n'en n'avait à donner.

Il retire ses écouteurs noirs de ses oreilles, met son téléphone en pause, et rejoint Tooru, qui l'attend, la bouche remplie de quelque chose qu'il a dû engloutir en le voyant arriver, pour ne pas avoir à partager.

Son ami ne prend jamais de quoi manger. Tooru le sait. Il ne prend d'ailleurs jamais le risque de lui montrer que lui a de quoi faire. Ce serait un coup à se faire voler la moitié de sa précieuse denrée. Les sourcils intrigués de Hajime ne le font même pas culpabiliser, et il demande, nonchalant :

- On rentre ?

- Tu t'es étiré ? demande-t-il en guise de réponse.

Les cheveux en bataille collés au front par sa sueur, il lui rend une grimace de dépit.

- Non, j'ai oublié.

Accroupit, Hajime refait déjà son lacet pour commencer. Il n'est pas rare que Tooru zappe cette partie. Mais s'il pouvait éviter de se plaindre de ses courbatures ensuite des heures durant tout au long de la journée, peut-être son ami le laisserait-il tranquille sur le sujet.

- J'ai même pas envie d'aller en cours, aujourd'hui, se plaint-il en s'asseyant dans l'herbe. Pourquoi l'école est obligatoire, déjà ?

- Tes notes ne sont pas aussi mauvaises que tu me le fais croire. Sinon, j'en aurais déjà entendu parler. Alors ne te plains pas.

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