59. Le Ballet

3 0 0
                                    

Lorsque la porte d'entrée s'ouvre, ils sursautent tous les deux. Et pourtant, aucun d'eux n'a le réflexe de s'éloigner l'un de l'autre. Cela semble ajouter à l'irritation du père, qui s'approche de son fils, les sourcils froncés :

- Je peux savoir ce que tu n'as pas compris dans ta punition ?

- Je ne suis pas sorti, répond Hajime avec aplomb, faisant un pas en avant.

Reiko est derrière lui, et rencontrant le sourire rassurant de la mère de famille, elle se détend. Visiblement, c'est quelque chose qui doit se régler sans elles.

- Pourquoi tu cours au-devant des ennuis dès que tu en as l'occasion ?! T'en rates pas une ! Et quand tu sors en douce, en mettant tout sur le dos d'Oikawa-kun, tu traines aussi avec elle ? C'est quoi cette influence... ?!

Il ne termine pas sa phrase, et devant elle, elle sent son partenaire de danse se tendre. Pas de la façon dont elle le sent raidir ses muscles avant de la porter. De la façon dont il se comporte en match, les sens en alerte, prêt à faire bloc pour arrêter la prochaine balle. Elle imagine sans peine le regard noir qui doit s'accompagner de cette attitude. Et en bon volleyeur qu'il est, il a les mains grandes ouvertes. Crispées, mais ouvertes, prêtes à intervenir.

De son côté, dans sa chambre, Matsumoto a les doigts crispés sur les draps de son lit, la respiration chaotique. Elle a encore fait un cauchemar. Le cauchemar. Celui qui la hante encore même la journée, si elle n'y prête pas attention.

Avec un soupir, elle se passe une main sur le visage, et essaie de se concentrer sur ce qu'elle estime être l'essentiel. C'est-à-dire le concours de danse pour lequel elle a dépensé son énergie ces derniers mois, et qui a lieu dans quelques jours. Enfin.

Elle sort de son lit, encore fébrile, et quitte la chambre, resserrant le gilet qu'elle a attrapée au passage. Elle descend les marches, sur la pointe des pieds, et agrippée à la rambarde. Le temps de se servir une infusion, la jeune fille se retrouve à réfléchir au meilleur moyen qu'elle aurait de se calmer pour de bon.

Et puis les mouvements réguliers lui viennent en mémoire, et elle ferme les yeux. Pour s'immerger dedans. A sa grande surprise, ce ne sont pas des pas de danse. Ce ne sont pas ces entraînements-là, qu'elle décide de commencer, abandonnant sa tasse chaude sur le rebord du plan de travail, laissant son gilet sur le côté. Elle s'éloigne un peu, serre les poings, et les monte en garde.

Lorsque Tooru descend quelques minutes plus tard, inquiet de ne pas l'avoir entendue remonté, alors qu'il est certain qu'elle est descendue, il la retrouve dans la cuisine, transpirante, donnant des coups dans l'air, alternant les rythmes, les mouvements...

L'adolescent reste une seconde figé, surpris par la maîtrise assez régulière de cette discipline qu'il ne savait pas qu'elle pratiquait. Elle est encore maladroite, il peut la voir glisser un peu, il fait un pas pour la rattraper, mais elle se reprend toute seule, sans l'avoir encore remarqué. Lorsqu'elle le fait, elle sursaute, et se rattrape à la première chaise qu'elle trouve à sa droite.

La paume plaquée contre la poitrine, elle écarquille les yeux, et essaie de reprendre son souffle, altéré par la surprise et par l'effort.

- Qu'est ce que tu fais là ? chuchote-t-elle.

- J'allais te poser la même question, réplique-t-il en secouant la tête. J'attendais que tu retournes te coucher, mais...

Elle s'apprête à lui demander, dans un cri scandalisé s'il la surveille, avant de se reprendre. Son cousin s'inquiète pour elle. Matsumoto ne peut pas simplement le rembarrer au moindre conflit d'intérêt.

- Je me suis réveillée, et j'avais besoin de... me détendre, avant de me recoucher.

Il montre la tasse du menton :

SolitairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant