19. L'Orchestre

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Le groupe des trois adolescents arrive tranquillement au lycée ce matin-là, quand Hajime se fige en premier. Matsumoto suit le mouvement en accrochant son regard sur la silhouette adossée au mur, et finalement, Tooru m'exclame, interloqué :

- Ce ne serait pas Koko-chan ?

Sa cousine les dépasse, à la fois contrariée de la voir arriver sans prévenir, mais aussi... soulagée.

Reiko l'attend. Elle. Devant son lycée, leur uniforme clair sur le dos, une main fourrée dans une poche, et l'autre tapant rapidement sur l'écran de son téléphone ce qu'elle identifie facilement comme un message. Il n'y a qu'un message qui lui prendrait autant de temps à taper, pour une vitesse pareille. Elle regarde longuement son air concentré, et à quel point elle ressort dans cet espace. C'est surprenant. Koko ne ressort jamais du décor. A croire qu'elle ne s'est pas encore infiltrée dans celui-là.

- Koko ? demande-t-elle en arrivant près d'elle.

Le visage de son amie s'éclaire, et elle tourne la tête vers elle, laissant soudainement tomber l'idée de terminer ce qu'elle était en train de faire. Elle range son appareil, et lui accorde toute son attention, tentant pourtant de garder ses bras le long du corps.

De ce qu'elle sait sur son amie, elle pourrait être tout à fait ravie de la voir là, tout comme pourrait lui en vouloir. Matsumoto n'aime pas déranger. Cette règle fait office de loi universelle dans la plupart de ses choix. Et tant qu'elle ne sait pas ce qu'elle pense, Reiko ne peut pas afficher le ravissement qu'elle ressent.

La lycéenne n'a plus de bleus sur le visage. C'est quelque chose qui la rassure.

- Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-elle d'une voix blanche.

- J'ai demandé un transfert.

- Pour quoi ?

- Parce que tu avais plus besoin de moi ici, que chez moi. Ce sera plus simple que de me ruiner en forfait téléphonique, tu ne crois pas ?

- Tu vas habiter où ?

- Chez ma Grand-Mère. Mes parents pensaient depuis quelques temps à prendre une infirmière pour l'aider.

- Je ne savais pas.

- Je ne le savais pas non plus, répond-elle amèrement. Elle a toujours l'air d'aller bien quand je vais la voir, c'est assez frustrant, en fait.

Matsumoto ne répond pas, totalement absorbée par les expressions de son visage. Reiko n'est pas une personne naturellement expressive. Elle garde cette mono-émotion, qu'elle transmet autour d'elle, et la varie de temps à autres. Mais ces derniers temps, c'est comme si une poupée s'était animée. Et pourtant, les traits de Reiko se tirent, comme pour s'empêcher de montrer plus.

- Alors... tu es venue ? Tout simplement ?

- Tu ne veux pas de moi ? répond-elle.

Elle sait que poser la question sous cette forme est égoïste. Parce que quoi qu'elle pense, Matsumoto ne lui dira pas non. Sans lui dire vraiment pour quoi elle est gênée par sa présence. Elle a pourtant besoin de l'entendre. D'entendre que sa meilleure amie et peut-être seule réelle amie veut bien d'elle.

- Tu sais bien que si, répond-elle dans un souffle, comme consciente de l'enjeu tacite posé par Reiko. Mais es-tu réellement là pour ces raisons ?

- Non, dit-elle honnêtement. Je ne pourrais pas l'être seulement pour ces raisons.

- Je me débrouilles, tu sais ?

- On peut faire mieux que se débrouiller quand on est toutes les deux, tu ne crois pas ?

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