60. La Générale

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Lorsqu'elle glisse ses mains dans celles de son partenaire, Matsumoto se rappelle des premiers pas qu'elle a appris. Et avec qui. Ces prémisses de la danse, qui se résumaient à des pas chassés, des pirouettes, et des orteils écrasés par d'autres, sur une musique qui ne correspondait pas à ce qu'elles faisaient. Mais qu'elles remettaient en boucle. Encore et encore, le temps de perfectionner des mouvements maladroits.

Cette forme de constance dans l'apprentissage de quelque chose d'aussi compliqué fascinait la petite fille. Elle la fascine moins, aujourd'hui. C'est plus une forme d'envie, qui a pris le pas sur tout le reste. Ce qui l'a longuement dérangée... avant qu'elle ne se rende compte qu'elle a toujours été envieuse.

Malgré cette pensée, Matsumoto est arrivée en cours aussi lumineuse qu'un tournesol un lendemain de pluie. Elle a distribué des sourires comme elle ne l'avait pas fait depuis longtemps, et a rapidement retrouvé Tadanori à la fin des cours.

- Bonjour !

Il lui a rendu son sourire, plus intimidé :

- Bonjour. Tu as l'air de bonne humeur.

Elle avait balancé presque ses affaires par terre, et retiré sa veste d'un mouvement, haussant les épaules en cours de route :

- J'ai réussi à passer une bonne nuit, alors que je me suis réveillée en plein milieu. J'ai aussi discuté avec mon cousin des cours que me donne Cho... je n'ai pas l'air, je suis de bonne humeur.

Le jeune danseur avait retiré ses chaussures d'intérieur, pour enfiler ses chaussures de danse. Elle est rarement aussi heureuse. Pour dire, il ne l'a jamais vue comme ça. Et cette nouveauté lui donne davantage envie de se rapprocher d'elle.

- Mais la danse, c'est censé être platonique. Je ne veux pas qu'elle ait l'impression que je profite de la situation.

Alors il s'est promis de lui en parler dès que le concours sera passé. Quand elle n'aura plus besoin de lui, et qu'elle n'aura pas à être embarrassée de lui refuser quelque chose qu'il voudrait lui proposer en d'autres termes que celles d'un partenaire de danse.

Parce que s'il y a bien quelque chose qu'il se refuse à faire, c'est la rendre mal à l'aise.

Il s'étirait en la regardant faire de même. Elle ne lui prêtait pas la même attention, et c'est bien normal. Ils sont amis. Et il a semblé à Tadanori qu'elle avait cruellement besoin d'un ami, lorsqu'ils se sont rencontrés.

Ça, c'était le minimum à offrir. Et il lui a offert. Il pourrait lui donner tout le reste, maintenant. Qu'elle n'en demande pas tant n'est pas un problème. L'ennui, maintenant, c'est de se retenir. Et un adolescent amoureux, ça se retient mal. Dans les regards, les attentions, les sourires...

- Tout va bien ?

Il se redresse tellement vite qu'il manque de lui donner un coup.

- Oh, désolé ! Ça va ? Je ne t'ai pas fait mal ?

- Non, non, t'inquiète.

Il secoue la tête et s'excuse à nouveau :

- Vraiment désolé, j'avais la tête ailleurs, et tu m'as fait peur.

D'un sourire compatissant, elle penche la tête sur le côté :

- C'est la compétition, qui te donne le trac ?

- Je devrais ? demande-t-il sans réfléchir.

Mais trop tard, l'excuse parfaite vient de s'envoler, et à la place, il va devoir en inventer une de toute pièce.

- Alors qu'est-ce-qui t'arrive, si ce n'est pas ça ?

Sauf qu'il a l'esprit totalement vide, et les lèvres résolument fermées. Comment trouver quelque chose ? Rapidement ?

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 17 ⏰

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