Chapitre 3

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Croulé au fond de la pouponnière, Petit Opale était seul. Ses anciens compagnons de tanière, son frère et sa sœur, étaient partis. Ils n'avaient jamais été de bons camarades ; au contraire, ils se moquaient constamment de lui et le traitaient comme un paria. Mais, maintenant, Petit Opale se demandait si leur présence n'était pas finalement préférable à cette solitude écrasante.

Quelques rayons de soleil filtraient à travers la brèche, illuminant la pouponnière d'une lueur dorée qui dansait sur le sol. Il voyait l'image de son clan à travers ses pensées : des sourires échangés, des chamailleries, des rires qui résonnaient dans le camp, et parfois des pleurs. Tous les autres avaient des jolis souvenirs partagés, tandis que lui n'avait que des regards froids et des murmures de mépris.

Souffle Pur était la seule lueur dans cette obscurité. Si ce vieux guérisseur n'avait pas été là, Petit Opale aurait probablement été envahi par la haine et le désespoir. Souffle Pur avait su offrir un réconfort précieux à Petit Opale, un petit répit dans la dureté du monde qui l'entourait. Sans lui, il se serait peut-être laissé submerger par les ténèbres de la rancœur et l'indifférence des autres.

Il s'assit, les yeux perdus dans les rayons qui se faufilaient dans la pouponnière, se murmurant à lui-même.

- Mon frère et ma sœur auront une lune d'avance sur moi... mais c'est une chance. Un défi à relever. Je les dépasserai !

Il retrouva un sourire, se redressa avec une nouvelle détermination, et bondit hors de la pouponnière. À l'extérieur, il aperçut tout de suite Étoile Cendrée, le meneur, en train de donner des ordres aux guerriers. Son visage trahissait son anxiété.

- Œil du Tigre, Papillon de Nuit, la patrouille de l'aube n'est pas encore rentrée. Je compte sur vous pour les retrouver !

Les deux guerriers hochèrent la tête et se dirigèrent vers le tunnel d'ajonc. Bien que le tunnel soit assez bas pour que les félins doivent se courber pour passer, il était suffisamment large pour permettre à deux chats de circuler côte à côte. Papillon de Nuit et Œil du Tigre s'apprêtaient à sortir quand des bruits de feuillage en mouvement les arrêtèrent net. Une troupe de matous se trouvait déjà dans le tunnel : la patrouille de l'aube rentrait enfin.

Perle de Lait, Aube Matinale, Yeux du Hibou et un étranger faisaient leur entrée dans le camp. Perle de Lait était furieuse.

- Je n'arrive pas à croire que vous ayez ramené cet étranger dans notre camp ! Étoile Cendrée va être furieux. Il va le condamner, lança-t-elle, les yeux pleins de colère.

- Calme-toi, intervint Aube Matinale d'une voix douce, bien plus apaisante. Il n'a que six lunes. Il est trop jeune pour nous nuire.

- Non, Aube Matinale, notre naïveté nous a déjà causé du tort par le passé ! Je ne laisserai pas cette erreur se répéter, répondit Perle de Lait avec une détermination glaciale.

Yeux du Hibou se tenait près du jeune étranger, gardant une attitude solennelle. Étoile Cendrée, ayant observé la scène, se précipita vers eux, le regard fixé sur le petit inconnu. Avant même qu'il ait eu le temps de parler, Yeux du Hibou lança :

- Étoile Cendrée, il faut que je te parle, annonça-t-il d'un ton sérieux.

- Allons dans mon repaire, répondit directement le meneur, en se dirigeant vers le promontoire.

Petit Opale, les yeux écarquillés, regardait le spectacle se dérouler. Un jeune chaton, au pelage noir comme la nuit, venait de provoquer une onde de choc parmi les membres du clan. Des murmures, des feulements et des regards méfiants se faisaient de plus en plus nombreux. Aube Matinale se dressa entre l'étranger et les murmures croissants.

-  Vous vous laissez intimider par un chaton de six lunes ? J'aurais honte à votre place. Étoile Cendrée s'occupera de ce problème, alors retournez à vos tâches.

Quelques murmures désapprobateurs s'élevèrent, puis commencèrent à diminuer jusqu'à s'éteindre lentement. Perle de Lait, toujours en colère, lança une dernière remarque avant de se détourner et de regagner le repaire des guerriers.

- Je ne suis pas d'accord, s'indigna-t-elle. On fonce droit dans le l'arbre encore une fois.

La curiosité envahit Petit Opale. Il aurait aimé s'approcher d'Aube Matinale ou même la rejoindre carrément. Mais il hésitait, craintif de recevoir le même accueil froid et les mêmes regards méprisants qui lui étaient habituellement réservés. Soudain, il sentit le regard du chaton noir se poser sur lui. Leurs yeux bleus se rencontrèrent et un intense échange visuel s'installa entre eux. On pouvait y lire innocence, chagrin et souffrance. Petit Opale voyait son propre reflet dans le regard de l'autre chaton et sentit qu'ils partageaient les mêmes sentiments.

Le matou noir finit par détourner le regard, tourna le dos au jeune félin blanc et l'ignora avec un air dédaigneux. D'un air hautain, il leva la tête et balaya le sol de sa queue noire.

Surpris par ce comportement, Petit Opale fronça les sourcils. Envahi par une vague de colère, il tourna sèchement les talons et s'engouffra dans la pouponnière, indigné.

Une fois à l'abri, Petit Opale ne put s'empêcher de sourire légèrement. Le nouveau venu avait peut-être agi ainsi par fierté, mais il avait aussi quelque chose en lui qui le rapprochait de Petit Opale. Malgré tout, Petit Opale savait que l'arrivée de ce chaton allait sûrement semer beaucoup de tensions dans le clan. La journée était loin d'être terminée.

La guerre des clansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant