Chapitre 58

669 75 21
                                    

Éclat d'Opale rejoignit Oeil du Tigre à l'entrée du tunnel d'ajonc, les deux mâles se firent face.

- Tu devras déposer toutes les heures environs un galet au pied du tunnel d'ajonc, je les vérifierai chaque fois.

Le guerrier observa le sol quelques secondes sans rien dire, il releva le regard.

- Pour être averti de leur présence au cas où ils m'attraperaient, dit le guerrier en ayant comprit le stratagème du lieutenant, tu ne laisses rien au hasard.

Éclat d'Opale ne sût quoi répondre, la culpabilité commençait à le prendre en tenaille. Son estomac se serrait et son coeur commençait à battre de plus en plus vite se rendant compte des risques qu'il allait lui faire encourir. Cependant, le lieutenant gardait la tête froide.

- Sois vigilant, Oeil du Tigre.

Le guerrier se tourna face au tunnel d'ajonc, prêt à l'emprunter, mais Oeil du Tigre pivota légèrement le museau sur le côté. Il fixa son lieutenant, toujours à ses arrières. De son seul oeil visible, le guerrier lui susurra les oreilles baissées.

- Je suis désolé... pour tout.

Le félin disparut dans le tunnel.

Éclat d'Opale restait en retrait, fixant le tunnel d'ajonc désormais inoccupé. Oeil du Tigre était parti. Le félin commençait à serrer les crocs, il éprouvait du remord, il regrettait de faire prendre des risques au clan. Éclat d'Opale espérait de tout coeur que le guerrier s'en sorte vivant, le lieutenant se sentait déjà responsable de leur vie.

***

Éclat d'Opale était dans la tanière des guerriers, il avait décidé de se reposer un peu avant d'entamer les autres préparatifs. La guerre était proche, il le savait. Une douleur désagréable le tenait dans son ventre, une sensation qui le faisait presque vomir. Le félin appréhendait, non pas l'issue du combat mais la présence de Pelage de Jais. Un mur s'était construit entre les deux félins, un mur qui allait bientôt s'écrouler sous le combat qui les opposait. Éclat d'Opale pensait à son père, cet être infâme qui n'avait pas hésité à engager un combat qui ne connaîtra qu'une seule fin : la mort.
Éclat d'Opale haïssait Carnassier, mais il ne cessait de penser aux révélations de son guérisseur. Jusque là, il ne pensait qu'à une seule chose, ramener Pelage de Jais à la raison et le faire revenir au clan. Mais comment faire quand on doit se méfier de celui-ci ? Les paroles du guérisseurs ne cessaient de résonner en lui.

" Quelque chose prendra fin pour toi et Pelage de Jais en sera la cause. "

Il ne pouvait songer une seule seconde que son camarade d'enfance, son rival, son ami... allait être le responsable d'une immense douleur ou pire, de sa propre mort.

Un bruit survint derrière lui. Un félin rentrait dans le repère, il restait silencieux et vint seulement s'installer sur un tas de mousse, à l'opposé du lieutenant. Éclat d'Opale ne regarda pas tout de suite le félin qui venait d'occuper la pièce, il chassa ses pensées afin de retrouver une expression digne d'un dirigeant. Il ne voulait pas montrer ses craintes afin de ne pas affoler le clan.

Éclat d'Opale se redressa et tourna le museau vers celui qui était entré. Il était allongé, la tête posée sur ses pattes avant, il fixait le lieutenant de son regard ambré. Le lieutenant ne prêta pas attention à celui-ci, il détourna le regard vers l'entrée de la tanière et se dirigeait vers celle-ci. Le mâle continuait de le scruter, Griffe d'Onyx le méprisait.

- Tu resteras pour moi le fils d'un traître.

A ces mots, Éclat d'Opale s'arrêta. Il voulait avancer et ignorer les réflexions du félin mais ses pattes refusaient d'obéir. Il fixa le guerrier.

- Au fond, on se ressemble.

Griffe d'Onyx grommela, il fronça le museau et commençait à se redresser pour lui répondre mais Éclat d'Opale poursuivit avant qu'il n'en ait eu le temps.

- On souffre tous les deux, ta soeur était ma mère et on manque tous les deux de sa présence. Mais toi tu t'accroches au passé et à ce que tu as perdu sans prendre le temps de regarder ce qu'il te reste.

- Qu'est-ce que tu dis ? Comment oses-tu me juger ! S'énerva le félin en fronçant le museau. Tu ne peux pas comprendre alors boucle-la.

- Oui, c'est vrai. Mais est-ce que toi tu peux me comprendre ?

Le félin ne répondit pas et se contenta de grommeler.

- Déteste moi si ça peut te soulager, haïs-moi, insulte-moi. Mets-y toutes tes forces et toute ton énergie, mais ça  ne changera pas le passé.

- Rien ne pourra changer et tu n'as pas souffert comme nous. Tu ne pourras jamais guider un peuple dont tu n'as pas vécu les séquelles du passé.

- Ma vie n'a été qu'un combat que je mène jusqu'à ce jour, il ne cessera que lorsque vous connaîtrez la paix.

Griffe d'Onyx fixait le regard du lieutenant, un regard sincère, serein et plein de conviction. Le guerrier l'observa longuement dans les yeux, il ne disait rien. Le félin se contenta de se tourner dos au lieutenant et s'allongea sur son flanc.

Éclat d'Opale resta quelques secondes en le regardant, il détourna le regard vers l'entrée et quitta le repère.

Dans le camp, les guerriers et novices se regroupaient. Les chatons et anciens avait été nourri, tout était prêt. Il ne manquait plus que le meneur mais Éclat d'Opale savait bien que son état n'allait pas lui permettre de les accompagner.

Le lieutenant se dirigeait vers l'entrée du tunnel d'ajonc pour la sixième fois aujourd'hui, il traversa le petit passage et fixa son regard directement sur le petit tas de caillou. Il y avait 5 pierres, la sixième n'avait pas été placé. Il était arrivé quelque chose à Oeil du Tigre.

La guerre des clansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant