La guerre des clans

Chapitre 65

Son corps était étendu sur un lit de mousse, endormi. Le bout de sa queue commençait à légèrement bouger, sa respiration  plus intense, il revint à lui. Ses sourcils se froncèrent, il ouvrit lentement les yeux. Tout était flou, il ne reconnaissait pas l'endroit où il se trouvait. Il cligna des yeux plusieurs fois et redressa maladroitement la tête. Doucement, sa vue devint plus nette. Il s'agissait de la tanière du guérisseur.

- Carnassier, se souvint-il brusquement.

Le félin se releva soudainement mais la fatigue vint lui brouiller une nouvelle fois la vue. Il trébucha et se retint contre la paroi de la tanière.

- Doucement Éclat d'Opale, tu n'as pas totalement récupéré, dit une voix calme et familière.

- Souffle Pur ?

- Je suis heureux que tu te sois enfin rêveillé, mon petit.

Souffle Pur était assis au fond de la tanière, il avait veillé sur le lieutenant tout ce temps. Il se redressa et s'approcha de lui. Il donna un coup de museau sur son épaule et lui déposa un regard bienveillant.

- Comment tu te sens ?

- Où sont les autres Souffle Pur ? Carnassier ? Le clan ?

- Doucement Eclat d'Opale, calme-toi, commença par dire d'une petite voix le guérisseur, c'est fini, nous avons gagné.

Eclat d'Opale fixa Souffle Pur dans les yeux, le guérisseur lui esquissa un léger sourire, comme pour confirmer ce qu'il venait de dire. Le lieutenant souffla profondément à cet instant, tous ses muscles se détendirent. Il appuya sa tête contre la paroi de la tanière et ferma les yeux quelques secondes, il reprit lentement son souffle. Quelques douleurs commençaient à apparaître, ses pattes arrières tremblaient, il n'avait plus la force de soutenir son poids. Malgré la nouvelle qui le soulageait, un sentiment désagréable refusait de le quitter. Un sentiment qui le prenait directement au cœur et le compressait. 

L'image de son ami réapparut soudainement, il revoyait cet instant où Pelage de Jais tombait de la falaise. Il redressa brusquement la tête, les yeux écarquillés. Sa respiration s'accéléra de nouveau, il pivota la tête vers le guérisseur et, comme si il avait deviné à quoi il pensait, Souffle Pur baissa simplement le regard d'un air désolé. Eclat d'Opale aurait voulu que tout ceci ne soit que le fruit de son imagination, qu'il ne s'agisse que d'un rêve. Il comprit. Pelage de Jais était mort.

Il serra les crocs et lacéra de ses griffes le sol terreux de la tanière. Il cria, la colère et le chagrin l'envahit. 

- Non...  sanglota le lieutenant, les yeux larmoyants.

- Eclat d'Opale... 

- Il m'a sauvé la vie ! hurla le lieutenant en jetant un regard plein de chagrin à son guérisseur, il s'est sacrifié pour moi... il s'est sacrifié pour nous.

Le guérisseur resta silencieux, il ferma les yeux et retroussa ses babines. Eclat d'Opale étouffa ses pleurs, les crocs serrés.

- Malgré la haine qui le rongeait, Pelage de Jais n'a jamais pu se résoudre à briser le lien qui vous unissait. Il n'a pas non plus pu se résigner à laisser quelqu'un d'autre le détruire.

Eclat d'Opale redressa la tête vers le guérisseur, ils se soutinrent longuement du regard. Le lieutenant ferma les yeux, le museau baissé. Il resta ainsi immobile quelques instants, plongé dans ses souvenirs. Il se redressa, son corps qui était encore affaibli, ne tremblait plus. Le regard plein de peine, il hocha la tête pour remercier le guérisseur. Le lieutenant pivota faiblement, boitant d'une de ses pattes arrières. Il avança jusqu'à l'entrée de la tanière, il trébucha sous la douleur de sa cuisse mais le guérisseur vint rapidement s'appuyer contre lui, l'aidant à se redresser. Ils avancèrent ensemble jusqu'à la sortie.

Plusieurs félins occupaient le camp, quand ils virent les deux mâles sortirent de la tanière, tous se retournèrent sur eux. Les quelques guerriers allongés se levèrent, un léger silence s'installa dans la clairière.

- C'est notre lieutenant ! s'enthousiasma un des guerriers en brisant le silence.

Soudain, tous les félins acclamèrent le mâle. Des sourires, des cris de joie, ils s'approchèrent tous de lui, le couvrant d'affection et de reconnaissance. 

Eclat d'Opale était confus, il regardait tous ses félins le remercier. Leur regard était rempli d'admiration et de gratitude.

- Doucement ! s'écria Souffle Pur en battant sa queue, il n'est pas rétabli, ne le brusquez pas.

Eclat d'Opale observait tous ses visages rayonnant de bonheur, les félins lui posèrent mille questions, certains le remerciaient et d'autres se contentaient de lui sourire. 

- C'est grâce à toi que nous sommes toujours là, au sein du clan. Nous te devons tout, lieutenant.

Cette voix était si familière, ses paroles lui semblaient tellement invraisemblable, si irréel. Eclat d'Opale tourna la tête, cherchant la provenance de cette voix, son regard resta figé sur le félin. Griffe d'Onyx était à l'arrière, il observa le lieutenant un petit instant avant de s'avancer vers lui. 

- Merci, merci pour tout. 

Le mâle s'inclina face à son lieutenant, un court silence s'installa et tout à coup, tous les félins se prosternèrent devant Eclat d'Opale. 

Ses yeux s'écarquillèrent, il recula d'un pas, étonné par leur geste. Il sentait les larmes monter, il serra les crocs. Son corps tremblotait de nouveau, entre deux sanglots, il dit.

- Relevez-vous. 

Les félins restèrent ainsi, incliné.

- Relevez-vous, je vous en prie, répéta de nouveau le mâle sur un ton plus élevé. Je ne suis pas votre héros, c'est Pelage de Jais qu'il faut remercier. 

Les guerriers se redressèrent et observèrent le lieutenant en silence.

- Il a donné sa vie pour le clan, il nous a protégé. Je n'ai pas réussi à le sauver... .

Le lieutenant continua à sangloter, les yeux fermés et les crocs serrés, il ne parla plus, ses dernières paroles lui ont couté le peu d'énergie qui lui restait. 

- Ils le savent, intervint une nouvelle voix. 

Le lieutenant leva la tête vers elle, il s'agissait d'Etoile Cendrée. 

- Et nous l'honorerons.

Eclat d'Opale détacha ses yeux du chef, il balaya rapidement la foule du regard avant de remarquer une chose. Tous avaient les yeux fermés, les oreilles baissées. Ils avaient tous la tête légèrement incliné en avant, lui faisant ainsi hommage. Souffle Pur faisait la même chose et maintenant, Etoile Cendrée, après avoir parlé, fit pareil. 

Eclat d'Opale en sanglot, fut ému. Il s'assit, toujours face aux autres et inclina la tête en avant, rendant ainsi hommage à son ami défunt.