De blancs flocons de neige commençaient à voltiger et à tourbillonner autour des trois félins. Ils devennaient plus nombreux, plus pressés ; une légère couche de blancheur s'étendait sur le sol. Il neigeait, lentement, silencieusement, car le vent était apaisé. Les branches des arbres ployaient sous le poids de la neige, et quelques fois, la charge venait brusquement s'écraser sur le tapis blanc.
Les geais, les pies glapissaient aigrement en volant d'un arbre à un autre. Le gibier se cachait, cherchant un abri contre les étoiles glacées qui tombaient sur leur fourrure.- L'hiver s'est déjà installé, fit remarquer Éclat d'Opale, je ne vois presque plus mes pattes.
- Cette saison est à ton avantage, tu te fonds dans le décor. Continua Pétale d'Or, un sourire amusé.
- Certes, mais quand il n'y a rien à chasser... . fit constater Âme Songeur, avant de reprendre plus enthousiaste, au combat par contre, c'est excellent pour surprendre un ennemi.
Le matou gris-bleuté ralentissa la cadence à la fin de sa phrase pour s'immobiliser au pied d'un arbre. Éclat d'Opale et Pétale d'Or imitaient le matou. Une forte odeur d'urine vint déranger leurs museaux, faisant hérisser leurs pelages.
- Ton camouflage pourrait bien nous servir cet hiver, déclara solennelement le félin gris, museau froncé. Ils se sont encore incrusté dans nos terres, et plus profondément cette fois.
- Ils n'ont aucun scrupule à laisser leur marque en plein territoire ennemi, dit-elle avant de confier, ces solitaires me donnent des frissons.
- Ils commencent même à piquer notre gibier, dit Âme Songeur en dépoussièrant un cadavre de souris d'une fine couche de neige.
La panique se saisissa rapidement de la féline crème, elle tourna les talons.
- Il faut immédiatement mettre au courant le meneur !
- Calme-toi Pétale d'Or, dit Éclat d'Opale, avec tous les rapports qu'il a eu, il doit bien s'en douter.
- C'est récent, poursuivit Âme Songeur, ne trainons pas ici. Il se pourrait que les responsables de ce marquage soient encore dans le coin, restons prudent. préconisa le félin, avant de reprendre plus fermement à cause du grommellement d'Éclat d'Opale. Nous ne sommes pas prêt pour prendre de tels risques, rentrons. ordonna-t-il, craintif.
*
La neige tombait toujours, le retour semblait plus long que l'allée. Le regard d'Éclat d'Opale se perdait dans la blancheur du paysage, et pour la première depuis le départ de Pelage de Jais, il semblait apaisé.
Il avait l'impression que son âme s'était vidé de toutes ses impuretés ; la paix. Cette couleur si douce, si pur, évadait son esprit de l'angoisse qui les pesait.Mais... la neige, cette couverture éclatante... elle n'était plus blanche. Ses pattes trempaient dans une substance rougeâtre, un frisson d'horreur parcourut son corps. Les flocons s'estompaient puis un vacarme assourdissant fit crier le matou. La surprise le frappa de nouveau, mêlé à de la peur face au spectacle qui s'offrait à lui. Éclat d'Opale se trouvait - soudainement - au bord d'un ravin, le bruit provenait de ses profondeurs ; des eaux, elle semblait folle de rage... les vagues s'écrasaient brutalement contre les parois de ce passage étroit. La rivière était anormalement sombre, elle était noire. Opaque. Le plus troublant n'était pas ces vagues déferlantes, ce qui se trouvait en face de lui, gîsant sur le sol, était bien plus traumatisant.
Des corps, des corps inertes jonchaient le sol... . Le liquide qui trempaient ses pattes provenait de cette marre de sang. Ces corps froids se vidaient peu à peu de leurs sangs, qui venait directement s'écouler dans la rivière obscure tel un affluent.
Les yeux écarquillés, il resta paralysé devant ces cadavres méconnaissables.C'est à ce moment que le félin blanc le remarqua, debout, au centre de l'horreur. Cette posture, ce regard perçant, la noirceur de son pelage... rien avait changé, mise à part cette étrange hostilité nouvelle. Pelage de Jais se mit à avancer aisément, une patte devant l'autre, toujours trempée par ces flaques rougeâtres. Rien ne semblait pouvoir le perturber. Contrairement à ses pattes, sa fourrure était impeccablement soignée.
Le coeur d'Éclat d'Opale battait à tout rompre, et de plus en plus vite à la progression du mâle. Il ne le reconnaissaît pas, ce n'était pas lui. Son regard éteint figeait le matou blanc de peur. Il n'était plus qu'à une queue de lui, il s'arrêta. Pelage de Jais ne dit rien, son expression se détendit face à lui.Derrière Éclat d'Opale, les eaux semblèrent hurler la mort, prêt à engloutir quiconque viendrait à eux. Les corps avaient disparu, avalé par leur propre sang. Puis, silence. Le vent, si doux, si frai, son souffle vint caresser le corp du guerrier blanc. L'apaisant, le calmant face à son ami (?).
Pelage de Jais n'avait pas quitté le félin du regard, il était immobile, comme un arbre.- Pelage de J... .
Son expression avait soudainement changé, elle était devenue... inquiétante. Éclat d'Opale plissa les yeux, interloqué... avant d'être frappé par la peur. Son sourire... il avait le même sourire. Les même yeux. La même expression venimeuse de ses rêves, un regard hargneux. Il ria brusquement, faisant sursauter Éclat d'Opale. Un ricanement malsain, celui de ses cauchemars.
Le mâle sombre bomba le poitrail, toujours avec ce même sourire mauvais. Tous les muscles de son corps se tendirent et d'un vif mouvement de pattes, il percuta son rival. Sous un cri de surprise, Éclat d'Opale tomba du précipice... des rire infâmes se firent entendre du haut de la falaise et... il crut voir plusieurs ombres se redresser au bord, près de Pelage de Jais. Il plongea et s'engouffra dans la rivière déchaînée. Les vagues dévastatrices l'emportèrent et l'engloutissèrent dans leurs profondeurs, entraînant le guerrier dans les ténèbres.
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La guerre des clans
Fiksi PenggemarPetit Opale est un chaton rejeté par le Clan de la Foudre. Pour échapper aux regards méprisants, il se cache au fond de la pouponnière, loin des autres. Alors que la solitude le ronge et que sa haine envers le clan grandit chaque jour, Patte de Jais...