Beauté sombre

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Face à la déclaration de Harry, et surtout face à son ton sérieux, Kingsley Shakelbot laissa échapper un petit gloussement moqueur, décidé à dédramatiser la situation.

— Oh, le grand Harry Potter se serait laissé séduire par la beauté sombre de miss Parkinson ?

Loin de se détendre ou de rire, Harry se tendit un peu plus, et grogna.

— Pas de ça avec moi, Kings. Tu sais parfaitement que j'agirais de la même façon avec n'importe qui, Serpentard ou non. C'est une question de justice.

— Harry...

Cependant, le jeune homme continuait, les poings crispés.

— Mes parents sont morts, puis mon parrain. Rémus. Severus Rogue. Fred Weasley. Cédric Diggory. Et toute la longue liste des victimes de la guerre. Tous ceux qui... qui se sont trouvé mêlé à ce foutoir. Depuis que je suis en âge de comprendre, je pensais que lorsque tout prendrait fin, le monde magique vivrait en paix, en harmonie.

Kingsley se leva et s'approcha du jeune homme, pour lui poser une main sur l'épaule.

— Harry, tu es un garçon extraordinaire, n'en doute jamais...

L'Auror l'interrompit brusquement.

— Mais trop idéaliste, non ?

Le ministre lui pressa l'épaule avec un léger rire.

— Passionné plutôt ?

Harry se détendit légèrement et grimaça.

— Désolé. Je me suis emballé, mais cette situation me rend dingue. Pansy... Pansy estime mériter ça. Elle était en plein milieu de ce merdier, ce n'était qu'une enfant...

— Comme toi.

Les yeux verts se fixèrent sur le ministre, prêts à s'enflammer.

— Et comme moi, elle n'a pas choisi son camp. C'est ce que tout le monde a tendance à oublier, Kings. Je ne suis pas venu au secours du monde magique. Je me suis juste débattu dans une situation pourrie en essayant de survivre.

Il y eut un léger silence, puis Harry prit une grande inspiration.

— Comme je le lui ai dit, je suis convaincu que la majorité des menaces qu'elle reçoit viennent de gens qui sont restés cachés pendant la guerre, bien à l'écart de la bataille de Poudlard. Des gens qui n'ont pas vu leurs proches mourir sous leurs yeux, qui n'ont pas eu à tuer pour survivre. Peut-être que tu devrais rappeler ça, dans ton prochain discours, Kings. Que nous, enfants de l'époque, nous n'avons pas eu le choix. Nous avons été placés dans le camp de nos parents, et nous avons dû nous débrouiller.

Il y eut un long silence, puis le ministre soupira lourdement.

— J'oublie parfois que tu n'étais qu'un gosse. Et que tu n'as aucun talent de politicien. Écoute, Harry. Fais de ton mieux pour la protéger, et... nous ferons en sorte d'arrêter ceux qui s'en prennent à elle. Je ne peux pas vraiment... faire plus.

— Pourquoi pas ?

Kingsley haussa les épaules.

— Parce que, même si tes arguments sont les bons, même si je suis d'accord avec toi, il y a le monde magique qui est loin d'être prêt à entendre ça.

Harry se frotta le visage et le ministre se fit la réflexion qu'il était encore un enfant, finalement. Il avait dû grandir trop vite, et il avait gardé son innocence malgré les horreurs qu'il avait subies. C'était un gosse idéaliste, devant lui, furieux de ne pouvoir protéger tout le monde, se rebellant devant les injustices.

Le jeune homme finit par hausser les épaules et détourna les yeux, refusant de croiser le regard de l'homme.

— Bien. Je vais chercher les dossiers et rentrer, je ne veux pas laisser Pansy trop longtemps seule. Elle a encore reçu un courrier de menaces, hier.

— C'est pour ça que tu prends cette affaire à cœur ?

Harry leva la tête, la main sur la poignée de la porte, pour lui jeter un coup d'œil indéchiffrable.

— Non. Je prends cette affaire à cœur parce que c'est mon travail, cher Ministre. J'ai voulu être Auror pour protéger les innocents et arrêter les coupables. Même si je commence à douter de tout ça...

Il sortit doucement, et Kingsley regarda la porte se refermer. Il secoua la tête doucement, plein d'affection pour le gamin, regrettant qu'il n'y ait pas plus de sorciers comme lui, prêts à tourner la page sur le passé.

*

Lorsque Harry débarqua au service des archives, ce qu'il était venu chercher était déjà prêt, en un tas bien ordonné.

Le jeune homme pinça les lèvres en prenant la pile, retenant une remarque acide sur le manque de motivation certain de ses collègues, compte tenu du peu d'éléments. Il se força à remercier le jeune stagiaire qui lui avait remis le dossier, et tourna les talons avant de repartir d'un pas raide.

Si initialement il avait prévu de s'arrêter au bureau des Aurors pour saluer ses collègues, il n'était pas certain de vouloir les rencontrer dans ces conditions. Il risquait de se montrer particulièrement désagréable, et risquer de mettre en péril sa couverture.

Aussi, il quitta le ministère, sans un regard en arrière, les sourcils froncés, perdu dans ses pensées.

S'il avait été plus attentif, il aurait remarqué le regard gourmand de Rita Skeeter sur sa personne — qui une fois de plus traînait dans l'atrium du Ministère pour espérer y surprendre des ragots croustillants. La journaliste venait de noter l'air agité du survivant et elle pressentait un scoop à venir, particulièrement alléchant pour elle — et les ventes de la gazette. Aussi, elle lui emboîta le pas, essayant de lire le moindre mot sur la pile de dossiers qu'il tenait — sans succès pour son plus grand désappointement.

Elle s'apprêtait à le héler, quand il transplana brusquement, disparaissant de sa portée.

Cependant, elle ne s'avouait pas vaincue. Elle allait fouiner encore et encore, jusqu'à trouver ce qui se passait dans la vie du Survivant. Après tout, depuis que le gamin était arrivé dans le monde magique, chaque article qu'elle avait écrit à son sujet avait été couronné de succès — qu'il s'agisse de l'encenser ou de le mettre plus bas que terre.

Et même après la fin de la guerre, le Sauveur continuait de faire recette. Le sorcier de la rue était avide d'en savoir plus sur son héros, sans se préoccuper de la véracité des faits.

Elle n'avait donc qu'à enquêter soigneusement, et à écrire un magnifique article pour proposer une histoire attrayante. Il serait toujours temps de publier un correctif ou une nouvelle histoire. Ça ne ferait qu'augmenter son nombre de lecteurs et chacun — surtout elle — y trouverait son compte.

Protection rapprochéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant