Précipice

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Depuis que Harry avait quitté la pièce, Drago n'avait pas bougé. Il était toujours devant la fenêtre, mais il ne regardait plus les statues intrigantes du petit cimetière.

Il avait les yeux dans le vague, perdu dans ses pensées.

Comme toujours, Potter arrivait dans sa vie, et chamboulait tout. Il détruisait les illusions qu'il s'était acharné à bâtir, le laissant tremblant au bord du précipice...

Il ne pouvait pas lui en vouloir, pas alors qu'il lui tendait la main pour l'aider... pour l'empêcher de tomber. Quoi qu'il arrive, Potter était toujours là pour le rattraper. Le jour du feudeymon, au moment de son procès, lorsqu'il avait transplané à demi mort, arrivant sans savoir comment devant chez Pansy.

Il se doutait bien que son esprit avait associé l'appartement de sa meilleure amie à Potter, et il avait inconsciemment tenté de le rejoindre. Parce qu'alors que les coups pleuvaient sans pitié, il ne pensait qu'à lui...

Avec un soupir, Drago ferma les yeux et posa son front sur la vitre glacée, essayant de chasser Potter et ses yeux verts de son esprit. Potter et sa façon de le regarder, Potter et sa volonté de tous les sauver.

C'était difficile de ne pas penser à lui quand il sentait sa magie, attirant sa propre magie, picotant sa peau en une caresse qui lui laissait les nerfs à vif.

La puissance du petit brun était presque intoxicante, et surtout fascinante à ses yeux. Mais ça avait toujours été comme ça avec Potter. Ils se battaient, mais étaient incapables de s'ignorer. Ils finissaient toujours par se retrouver, poussés l'un vers l'autre.

Revoir le brun aux yeux verts lui avait causé un choc. Il avait brûlé de jalousie lorsqu'il avait cru que Pansy vivait réellement avec lui. Même en sachant que ce n'était qu'une comédie, la pensée des baisers qu'ils avaient échangés le rendait fou de rage.

Il jalousait aussi son amie pour la complicité qu'elle avait créée avec Potter. Tout le monde semblait pouvoir l'approcher sauf lui. Tous les deux, ils n'avaient jamais réussi à avoir une relation apaisée, tout était bien trop électrique entre eux.

Le seul moment de paix qu'il y avait eu avait été pendant qu'ils s'embrassaient. Même s'il se répétait que c'était une monstrueuse farce, un rôle à jouer devant la gazette, Drago ne pouvait pas nier qu'il s'était totalement abandonné à cet instant. Il avait baissé toutes ses défenses, alors qu'il s'agrippait à Potter — à Harry — de toutes ses forces.

Ils avaient transplané, mais Drago avait été incapable de mettre fin au baiser. Il avait continué à embrasser le brun, et ce dernier avait répondu avec enthousiasme, comme si lui aussi appréciait le moment.

L'arrivée de Pansy, le « crac » bruyant de son transplanage avait brisé l'instant, et ils s'étaient séparés sans un mot.

Depuis, Potter semblait différent. Drago n'arrivait pas à comprendre ce qui se passait, parce que le brun ne cherchait plus l'affrontement comme avant. Il n'y avait plus ces regards pleins de méfiance, cette façon de l'épier en permanence.

Drago n'avait pas encore déterminé si c'était un point positif ou non. Il avait l'impression que tant qu'ils s'affrontaient, Potter ne pouvait pas l'oublier, ou juste le rayer de sa vie.

Conscient de la tournure qu'avaient prise ses pensées — avouant sans détour qu'il voulait garder l'ancien Gryffondor insupportable dans sa vie — Drago grogna et secoua la tête.

Il allait jouer la comédie qu'on attendait de lui, et laisser Potter secourir les anciens Serpentard. Pansy et ses amis méritaient après tout une vie sereine. Eux n'avaient jamais eu la marque, et ils ne s'étaient pas impliqués dans la guerre comme lui avait eu la stupidité de le faire... Ensuite, une fois cette histoire terminée, il retournerait se terrer dans le manoir de ses parents qui était devenu presque un tombeau.

Après le passage de Voldemort et de ses Mangemorts, beaucoup de pièces avaient été saccagées. En rentrant de son procès, en apprenant que son époux ne rentrerait pas, sa mère les avait simplement fermées en les laissant en l'état.

Désormais, le manoir de son enfance dont il avait été si fier était sombre et angoissant. Même sa chambre — autrefois son refuge — n'arrivait plus à repousser les cauchemars. Il lui arrivait parfois d'entendre encore le rire fou de sa tante et les hurlements des prisonniers qu'elle torturait...

S'il ne laissait personne entrer dans le Manoir Malefoy, ce n'était pas à cause de sa mère uniquement. Il avait honte de l'état de décrépitude de la bâtisse.

Il était quelque part soulagé que sa mère se soit enfoncée dans une sorte d'hébétude, ne semblant se rendre compte de rien autour d'elle. La fière aristocrate qu'elle avait été n'était plus, elle semblait elle aussi avoir été touchée par la folie Black qui avait transformé Bellatrix en cette machine à tuer sans pitié...

Narcissa, elle ressemblait à une marionnette dont on aurait coupé les fils, perdue dans une rêverie permanente.

Drago aimait imaginer que c'était la perte de son époux qui l'avait touchée à ce point, mais il n'était pas convaincu. Ses parents ne lui avaient jamais caché que leur union avait été arrangée et qu'il n'y avait pas d'amour entre eux.

Un instant, il se demanda ce qui se passerait si sa mère était consciente de la une de la Gazette. En frissonnant, il se refusa à imaginer ses réactions, préférant garder en mémoire la mère aimante qui le prenait autrefois dans ses bras.

Cette femme qu'il adorait était morte le jour où Lucius avait été condamné, le laissant virtuellement orphelin. Drago n'était pas stupide et savait qu'il ne reverrait jamais son père — personne ne sortait d'Azkaban — et que sa mère ne redeviendrait jamais celle qu'elle avait été, restant jusqu'à son dernier souffle dans cet état de catatonie déprimant.

À une époque, il aurait accusé Harry Potter d'être le responsable de ses malheurs. Après tout, en gagnant la guerre, il avait réduit sa famille à néant.

Mais il avait grandi, il avait ouvert les yeux et compris que son père avait fait de terribles erreurs.

Les yeux fixés sur les anges pleureurs du cimetière d'en face, Drago se redressa, et chassa toutes ces pensées de son esprit, s'obligeant à repousser toute idée d'amitié avec Harry Potter. Le sauveur méritait mieux qu'un apprenti Mangemort raté après tout. Cette décision lui fit mal, mais il était déterminé.

Protection rapprochéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant