Protection rapprochée

Chaque respiration

Harry avait l'impression que chaque respiration lui brûlait la poitrine et il luttait pour aspirer un peu d'air et pour ne pas perdre conscience. Il lui semblait particulièrement vital de ne pas perdre conscience, sans qu'il ne parvienne à se souvenir pourquoi exactement.

Ses oreilles sifflaient, l'empêchant de deviner ce qui se passait autour de lui, et il voyait des taches noires alors que la douleur l'engloutissait.

Dans un effort qui lui parut surhumain, Harry essaya de se redresser, mais une main se posa sur sa poitrine, ferme, mais bienveillante. Il cessa de lutter et se laissa aller, sentant des bras l'encercler. Il entendait une voix familière également, sans pour autant comprendre ce qu'elle lui disait.

Perdu, au bord de la panique, il s'obligea à se souvenir.

*

Il se souvint qu'il avait été avec Malefoy sur le chemin de Traverse. Ils avaient passé un moment merveilleux, et Harry ne s'était jamais senti aussi vivant qu'à ses côtés. Il avait pris conscience qu'il ne voulait pas le voir à nouveau sortir de sa vie, et il avait profité de leur balade pour l'embrasser à chaque occasion, ravi de voir que Drago — il avait du mal à l'appeler encore par son nom de famille désormais — ne protestait pas et répondait même avec un enthousiasme égal au sien.

Lorsque Skeeter était arrivée, Harry n'avait pas voulu lui faire face. La journaliste avait le don de toujours lui gâcher ses moments les plus précieux, et il était hors de question qu'il la laisse déverser son fiel.

Ils avaient transplané, et alors qu'ils étaient collés l'un à l'autre, à l'abri du square Grimmaud, Harry l'avait embrassé. Ou Drago avait initié le baiser, il ne savait plus trop. Toujours était-il qu'ils avaient échangé un baiser, loin des regards curieux d'inconnus, Harry se détendant totalement dans l'étreinte.

Ron les avait interrompus, en criant, apparemment gêné d'avoir été le spectateur involontaire de leur étreinte. Ils s'étaient séparés à contrecœur, encore haletants, peinant à détourner le regard de l'autre.

Même s'il avait été gêné d'être surpris par ses amis, il ne regrettait rien, et il ne voulait surtout pas laisser une occasion à Drago de fuir. Il l'avait agrippé et serré contre lui, défiant quiconque de faire la moindre réflexion.

Drago s'était tendu lorsqu'il avait commencé à évoquer Skeeter et que Ron avait ironisé sur les raisons de leur baiser. Harry avait plaisanté, mais n'avait pas cherché à nier l'attirance qu'il avait pour Drago. Loin de là. Puis il avait entraîné le blond avec lui, refusant de le lâcher ou de lui laisser l'occasion de s'éloigner de lui.

Il se souvenait parfaitement qu'il n'avait pas laissé la moindre chance à Drago de fuir. Il lui avait clairement dit qu'il n'avait pas honte d'être vu avec lui. Et qu'il avait passé un moment agréable.

Les yeux gris avaient brillé d'émotion, et le masque toujours impassible de Drago s'était fissuré. Ils étaient restés l'un avec l'autre, tout le reste de la journée. Au repas, personne n'avait fait la moindre remarque, mais Harry avait noté que Ron faisait un effort pour inclure Drago dans les conversations et il avait été submergé par une vague de reconnaissance envers ses amis.

Au moment d'aller se coucher, Harry avait hésité un bref instant. Quand la porte de la chambre de Drago s'était refermée sur lui, il s'était décidé brusquement et était entré à sa suite. Ils n'avaient pas eu à discuter, il s'était simplement installé près de lui, et l'avait pris dans ses bras.

Ils avaient dormi ensemble enlacés, profitant de la présence de l'autre. Et sans surprise, ils avaient dormi plus longtemps qu'à leur habitude, sans cauchemars.

Cette fois, Harry s'était réveillé dans les bras de Drago et il avait soupiré d'aise. C'était encore mieux que ce qu'il avait imaginé, et il était resté tranquillement à sa place jusqu'au réveil de Drago.

Il n'y avait pas eu de grand discours au réveil non plus. Pas de déclaration enflammée ou de grande promesse. Juste des regards intenses, qui leur apprenaient tout ce qu'il y avait à savoir.

Ils étaient sortis de la chambre ensemble, et avaient croisé Ron qui avait pris une teinte aubergine soutenue avant de les ignorer comme s'il n'avait rien vu.

Face à l'instant d'hésitation de Drago, Harry lui avait souri, confiant.

Hermione et Pansy les avaient accueillis d'un large sourire, sans la moindre réflexion et d'un « Bien dormi les garçons ? » joyeux. À ce moment, Harry avait pensé que la journée s'annonçait excellente. Il s'en souvenait parfaitement, alors qu'il était assis épaule contre épaule avec Drago, prenant son petit déjeuner en discutant gaiement avec ses amis.

Ensuite... Ensuite, la Gazette était arrivée, puis le Chicaneur. Sans surprises, Luna avait publié fidèlement l'article qui lui avait été confié, en première page.

Il n'y avait plus qu'à attendre les effets sur le monde magique.

La une de la Gazette... et bien visiblement, leur balade de la veille avait été décortiquée. Du chaudron Baveur à leur départ face à Skeeter, il y avait des photos, retraçant leur balade.

En voyant les images, Harry avait senti une douce chaleur se propager dans sa poitrine, et il n'avait pas pu s'empêcher de sourire. Il se souvenait avoir enlacé ses doigts à ceux de Drago, comme pour se rassurer.

L'article était bien moins flatteur que celui du Chicaneur, mais bien moins hostile que le précédent. C'était probablement dû au fait que Skeeter avait interrogé l'aubergiste du Chaudron Baveur et que le brave homme avait visiblement assuré que les deux jeunes hommes semblaient parfaitement complices et qu'aucun des deux n'était sous la contrainte de l'autre. Rien que pour ces mots, il méritait la gratitude éternelle de Harry.

Le jeune homme fut ramené au présent par la douleur qui se propageait dans son corps. Haletant, il se sentait étouffer, et il commença à se débattre, au bord de la panique.

Il ne comprenait toujours pas ce qui s'était produit, pourquoi il était si mal en point.

Il murmura le prénom de Drago, priant pour qu'il aille bien, pour qu'il soit en sécurité.

Quelqu'un le maintint fermement, probablement pour l'empêcher de se blesser davantage, mais Harry n'arrivait plus à se montrer logique ou raisonnable. S'il était blessé et si mal en point, alors Drago était en danger... Sa magie s'agita furieusement le laissant épuisé et au bord de l'inconscience...