Pas à vendre

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Alors qu'il se sentait sombrer dans l'inconscience, Harry se laissa porter par son esprit, retournant dans ses souvenirs.

C'était Hermione qui avait proposé qu'ils se rendent tous sur le Chemin de Traverse, en groupe, pour prouver qu'ils soutenaient Harry et son choix de compagnon.

Harry s'était noyé dans le regard acier, alors qu'il demandait son avis à Drago. Probablement parce qu'il le connaissait si bien, il avait lu la gratitude infinie, en sachant qu'il aurait juste pu imposer sa décision sans tenir compte des envies de l'ancien Serpentard.

Sauf que le jeune homme voulait une relation d'égal à égal. Il voulait que Drago soit lui-même et ne se sente pas obligé de quoi que ce soit, par reconnaissance ou par idée d'expier ses fautes.

Conscient d'avoir réellement le choix, Drago était resté silencieux quelques instants, plongeant dans le regard émeraude. Puis il avait offert un de ses rares sourires spontanés, et il avait accepté, confiant.

Ils s'étaient tous préparés tranquillement, avant de transplaner en direction du chemin commerçant sorcier.

Visiblement, les sorciers de la rue pouvaient fermer les yeux en voyant Harry Potter fricoter avec Drago Malefoy : il leur suffisait de penser que leur cher Sauveur était sous l'influence d'un quelconque sort de Magie Noire ou d'une potion.

Cependant, la présence de ses deux meilleurs amis, Hermione Granger et Ron Weasley avec la Serpentard Pansy Parkinson changeait la donne.

Voir Hermione Granger, née-de-moldue, discuter sereinement avec Drago Malefoy — Mangemort notoire — même s'il avait été blanchi pendant son procès — déclencha une vague d'indignation chez certains.

Il y eut des insultes, des paroles lancées sur leur passage que le groupe d'amis ignora avec brio. Cependant, Harry notait soigneusement ceux qui osaient élever la voix, avec la ferme intention de le leur faire regretter un jour.

Ils arrivaient près de la boutique des jumeaux, et Harry avait pour projet de passer saluer Georges. Cependant, aucun d'entre eux ne s'attendait à se trouver face à Ginny.

Loin d'être la petite sœur de Ron, douce et timide, elle prenait plutôt des airs de harpie alors qu'elle s'approchait à grands pas rageurs.

Immédiatement, Harry se plaça devant Drago. Dans le même mouvement, Hermione et Ron firent en sorte de protéger discrètement Pansy.

La cadette Weasley se mit à hurler, sans aucune retenue. Harry ne comprit pas toutes ses paroles, mais l'essentiel était clair : Harry lui appartenait à elle et non pas à un Mangemort minable. Elle devait être la prochaine épouse Potter, aussi rousse que Lily l'était.

À la mention de sa mère, Harry vit rouge et fit un pas en avant, tout en prenant garde à faire écran de son corps pour que Drago ne puisse pas être blessé par un sort. Il se méfiait de Ginny comme la peste, il savait que la jeune femme pouvait parfois avoir la baguette leste.

— Je ne suis pas à vendre Ginny ! Il me semble que j'ai encore le droit de décider qui je fréquente !

Sa voix avait claqué, plus forte qu'il ne l'avait prévu. Suffisamment pour résonner dans la rue bondée et attirer l'attention sur l'altercation en cours. Suffisamment pour que ceux qui avaient crié des insultes à leur passage ne se rapprochent un peu trop, attendant la moindre faille, comme une meute de loups.

Hermione avait lancé un regard inquiet en direction de Harry, et ce dernier avait cherché machinalement la main de Drago pour entrelacer leurs doigts.

Ça avait été la curée.

Harry avait pensé que Ginny pourrait leur jeter un sort sous la colère. Un de ses chauve-furie dont elle avait le secret peut-être. Mais la jeune fille s'était contentée de hurler sa rancœur à l'encontre de Harry, jouant l'amoureuse éconduite.

Ron avait fait un mouvement vers sa sœur pour la calmer, quand un sort venant de la foule avait fusé.

Ça avait été le déclencheur. Les amis s'étaient regroupés pour se protéger mutuellement, baguettes en main, prêts à se défendre. Effarée de se rendre compte de ce qu'elle avait provoqué, Ginny avait fui, sans un regard en arrière, et Ron avait pesté, maudissant sa petite sœur et jurant de lui faire regretter sa lâcheté.

Enhardis par l'effet de foule, les sorts avaient commencé à pleuvoir sur eux, assortis de cris de rage.

Harry laissa la colère l'envahir alors qu'il découvrait qu'il n'était qu'un objet à leurs yeux. Leur Sauveur, corvéable à loisir. Malléable selon leurs souhaits.

Mais il s'était battu, il avait survécu. Et il avait gagné le droit de vivre librement, comme il l'entendait.

Sa magie lui échappa, ramenant le silence un court instant. Il y eut des chuchotements inquiets, et d'un coup le Sauveur devenait le prochain Mage Noir. Mais Harry se moquait bien de tout ça. Il voulait juste pouvoir vivre sans être en permanence harcelé et sollicité. Il espéra que ses collègues Auror interviennent rapidement, avant que la foule ne sombre dans la folie et que toute cette histoire se termine dans un bain de sang.

Il s'était laissé distraire un bref instant, le temps de s'assurer que Drago allait bien. Le blond se tenait fièrement, droit et impassible, mais ses yeux reflétaient son agitation.

Ce court échange avait suffi et un sort avait fusé. Un sort inconnu de Harry, mais Drago avait semblé terrifié en le voyant venir droit sur lui. Sans réfléchir, Harry s'était projeté contre Drago, lui offrant un sourire plein de tendresse, amoureux, avant d'être frappé dans le dos et de s'effondrer contre lui.

Il s'était senti suffoquer, abruti par la douleur, mais il n'avait pas quitté les yeux de Drago, les yeux qu'il aimait tant, jusqu'à ce qu'il soit au sol, à lutter pour rester conscient, des taches noires obscurcissant sa vue.

Maintenant qu'il se souvenait, les sons parvenaient à ses oreilles. Il entendait des cris, un chaos indescriptible en arrière-plan. La voix furieuse de Hermione enflait parfois, avant de se briser dans un sanglot, pour reprendre une diatribe passionnée, sans qu'il ne puisse discerner les mots précisément.

Plus proche, beaucoup plus proche, il y avait la voix de Drago, qui le suppliait de rester près de lui, de ne pas l'abandonner. Il se concentra sur sa voix, uniquement sur lui, et il se rendit compte qu'il était dans ses bras, tout contre lui. Il reconnaissait son odeur, sa chaleur. Il sentait ses mains le maintenant à bras le corps.

Il ouvrit la bouche, autant pour chercher de l'air que pour le rassurer, impuissant. Il n'aimait définitivement pas l'inquiétude et la peur dans le ton de Drago, ce désespoir contenu dans les paroles de réconfort qu'il prononçait comme une litanie.

Il luttait contre son corps, mais il savait qu'il avait perdu la bataille et l'obscurité l'engloutit alors que sa prise sur les doigts de Drago se desserrait brusquement.



Rendez-vous demain pour l'ultime chapitre, l'épilogue... Bonne lecture !

Protection rapprochéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant