CHAPITRE 4

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  Le temps se rafraîchit, le sol se ramollit et nous trouvons le premier îlot d'arbres qui n'est pas complètement calciné par le soleil. Les bêtises de Louis nous auront au moins permis de quitter cet affreux désert. Bien que sans Louis, la poursuite de cette mission est inutile.

— Si Louis ne s'est pas fait boulotter, c'est moi qui l'achève, je préviens en serrant les dents.

— Ne dis pas ça.

Nous traversons la forêt, toujours aux aguets de ce qui pourrait nous attendre au coin d'un arbre. Les traces de pas sont désormais indissociables. Signe que nous nous rapprochons à grand pas du territoire des Ogres. Nous redoublons donc de vigilance.

Soudain, Alphonse me tire par la anse de mon sac à dos et nous colle contre l'arbre le plus proche, la main posée sur ma bouche.

Je l'interroge du regard et il me désigne de la tête le sentier principal qu'on s'était résigné à ne pas emprunter pour ne pas nous faire repérer.

En tournant la tête, j'ouvre de grands yeux. Des hommes de grandes tailles marchent lascivement en direction du village. A vue d'oeil, ils doivent mesurer au moins deux mètres cinquante, ce qui est plus petit que ce que j'avais en tête, mais toutefois plus grand que ce qu'on pourrait croiser sur Terre. Une autre chose me perturbe. Je n'aurai jamais imaginé les Ogres aussi attrayant. Non, je ne déconne pas.

Les trois mâles ne semblent pas nous avoir remarqué. Le dernier tient deux gros sangliers sous les bras, comme s'il soulevait des sacs de pomme de terre. Il est plus petit que les deux autres, mais arbore toutefois un corps ciselé par les entraînements, et un visage aux lèvres joliment charnues. Juste devant lui, un grand type au crâne rasé. Des tatouages tribaux ornent l'arrière de sa tête. Lui aussi est plutôt séduisant, en son genre. Enfin, celui en tête de cortège, tient une lance dans sa main droite. Ses cheveux sont d'un noir intense, tressé finement sur le devant de son crâne, lui donnant davantage l'air d'un guerrier que les deux autres. Il a l'air...plus puissant. La démone en moi frétille d'excitation un bref instant, jusqu'à ce que mes yeux tombent sur le court pagne, protégeant leurs attributs sexuels des yeux d'autruis. Enfin...gauche, droite, gauche, droite. Mes yeux s'accordent aux mouvements de la pendule...De leur marche, je veux dire. Lorsque je me rends enfin compte de ce que j'ai sous les yeux, je les écarquille.

En attendant Alphonse glousser silencieusement, je suis certaine qu'il sait où mon regard s'est arrêté avec étonnement et curiosité.

Une fois les Ogres assez loin, Alphonse retire sa main de ma bouche.

— Pourquoi sont-ils aussi beaux et bien montés ? Je n'ai pas appris ça à l'école !

— Les humains détestent les démons. Je ne vois pas pourquoi ils ne se seraient pas gêné pour nous représenter de façon repoussante et cruelle. Bon, je crois que j'ai un plan.

— Quel plan ? On fonce, j'use de mes pouvoirs, tu délivres Louis et basta.

— Non, il faut être tactique. Tu es à Velanium. Ici, tout le monde connaît la prêtresse. Si tu uses de tes pouvoirs tout de suite, tu risques de donner l'alerte à Kros, s'il s'est vraiment réveillé. Commençons déjà par vérifier si Louis est toujours en vie, ensuite, je te ferai part de mon plan.

Rien que d'entendre son nom me fait frémir. J'étais tellement obnubilé par notre mission, que j'ai oublié ce fâcheux détail. Je suis sur le territoire de Kros. A la Diamond School, j'étais en sécurité, mais ici...je suis complètement à découvert.

En prenant toujours garde à ne pas nous faire repérer, nous nous faufilons d'arbres en arbres, jusqu'à arriver au village. Pas de barrière, pas de garde. Les Ogres n'ont donc aucun prédateur sur leurs terres ?

Cachés derrière ce qui ressemble à une maison, Alphonse me fait la courte échelle pour jeter un œil à travers la fenêtre. Une fois le nez devant, je constate que ce n'est pas un foyer, mais plutôt un entrepôt où de nombreux barils sont superposés les uns sur les autres, et le gibier suspendu aux poutres massives. A quelques mètres de la viande, les bras accrochés derrière le dos sur une colonne de bois, se trouve Louis.

Il est ici ! En vie !

— Il est là ! Allons-y maintenant, personne ne garde l'entrée, ce sera un jeu d'enfant !

— Les Ogres sont bêtes, mais ce sont de bons chasseurs. Ils auront tôt fait de constater l'absence de Louis et de partir à notre poursuite.

Je soupire de lamentation.

— Alors c'est quoi ton plan ?

— Il n'existe pas d'Ogresse.

— Comment ça il n'existe pas d'Ogresse ? Comment se reproduisent-ils ?

— Des humaines ou des démones de grandes tailles font généralement l'affaire. Elles donnent ensuite naissances à des Ogres, mais jamais d'Ogresses. Jadis c'était possible, mais quelque chose à dû changer dans leur génétique qui empêche le génome X de prendre le dessus sur l'Y. En tout cas, je n'ai vu aucun gamin. Je pense que ça fait longtemps qu'ils n'ont rien trouvé de fiable.

— Tu ne vas quand même pas me demander de coucher avec eux ? je m'offusque. Et puis de toute façon, ça ne rentrerait pas !

— Nous n'aurons pas besoin d'en arriver là. Normalement.

Je plisse les yeux, peu convaincue du plan qu'il va me proposer.

— Dépêche-toi de me raconter ce que tu as en tête.

Il sourit. 

DIAMOND SCHOOL TOME 3Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon