DIAMOND SCHOOL TOME 3

CHAPITRE 61

Fier de son petit numéro, Saphir retourne dans le coin auprès d'Emelia, qui le dévisage avec mépris.

— Tu m'as menti, j'accuse l'Incube.

Il pose son doig sur mes lèvres pour me faire taire.

— Chut, écoute.

Je tend l'oreille. De façon presque imperceptible, je perçois des hurlements de femmes et d'hommes, des grognements animaux. Ajoutée à ça, une subtile odeur de sang...et de sexe. Ça a commencé.

— Tu es un monstre !

— Toi aussi ma belle. Steeven, occupe-toi du corps de l'homme poisson.

Un feufolet apparaît et se jette sur James, ou du moins ce qu'il en reste. L'eau de son corps s'évapore, son corps se ratatine, ses cheveux bleus partent en fumée.

— Je me demandais ce que pouvait sentir une Sirène lorsqu'on la brûle, lance de façon enjouée le nouveau roi de ce monde. Du saumon grillé, s'en est presque appétissant.

— Voulez vous que je conserve le corps avant qu'il ne soit complètement calciné ? demande Saphir.

— Certainement pas. Jetez moi ça dehors dès qu'il aura arrêté de brûler.

Kros se lève et va faire je ne sais quoi dans la pièce d'à côté. Je suis sous grande surveillance malgré que les démons soient postés au quatre coin de l'énorme suite. J'observe le corps de James brûlé jusqu'à ce qu'il ne reste plus que des cendres. Maman sera ravagée. J'espère qu'elle a trouvé un endroit où rester en sécurité avec le reste de la famille.

Je surprends Saphir a faire des petits bruits de réjouissances à chaque fois qu'un nouveau hurlement traverse la pièce. Ceux des humains qui sont en train d'être mis en pièce. L'armée a beau avoir fait des progrès, elle ne vaut rien à côté de ces monstres qu'on ne peut même plus appeler démon. Je comprends pourquoi les humains ont voulu les rayer de leurs livres d'histoires. Ce n'était pas par honte comme l'ont si souvent souligné James et Alphonse. Mais par peur de se souvenir.

Kros revient, un peu agacé et demande à Emelia de le rejoindre. Je la suis du regard alors qu'elle passe à côté de moi. Mes yeux s'attardent sur le foureau dans lequel elle à l'habitude d'y fourrer sa dague shamanique.Je tente le tout pour le tout, attrape la dague et me la fout sous la gorge. Maladroite comme je suis, je me blesse et ressent une douleur légère dans la nuque. L'odeur de mon sang met tout le monde en alerte dans la pièce. Le filet chaud et humide a déjà atteint mes clavicules. A quel point me suis-je ouverte ? Assez pour pouvoir admirer le regard terrorisé de Kros.

— Ne fait pas ça ! s'égosille-t-il, son regard doré rempli de fureur.

— James m'a demandé ce que j'étais prête à sacrifier pour sauver ce monde. Pour sauver ce que j'aime. J'ai eu le temps d'y réfléchir, parce que je suis trop égoiste pour simplement sacrifier la première personne chère à mes yeux. Je ne voulais pas qu'on me prennent mes amis, ni mes amants. Je ne voulais pas m'ôter la vie. Mais si le monde devient ce que tu as prévu pour lui, alors ma vie n'a plus aucune importance.

— Ne l'écoute pas, Kros, elle ne le fera pas, ricane Sahir.

— Crois-tu ? je le défis en enfonçant un peu plus la lame dans ma gorge.

Le sang coule, et c'est comme si le pouvoir s'évadait de ma plaie pour remplir l'air autour de nous. Je peux le faire. Je peux diviser à nouveau la Terre et Velanium, je n'ai qu'à suivre mon coeur. Je n'ai qu'à suivre Mist. J'appuie encore plus fort sur la lame, le pouvoir gronde et mon corps irradie de lumière. Sans m'en rendre compte, les paroles jadis prononcé me viennent en tête, et je les récire silencieusement. Le vent se lève autour de nous, faisant voler les petits objets et tomber les tableaux. Le feu de Steeven disparaît, et Kros se met soudainement à hurler des ordres autour de lui.

— Empechez-là !

L'un des gardes m'arrache le couteau des mains, mais est vite projeté en arrière lorsqu'il tente de poser la main sur moi.

— Arianne, tu vas disparaître si tu fais ça, comme Mist ! Le cercle se répétera sans cesse, peu importe le nombre d'incantations qui s'échapperont de tes lèvres !

Je ne réponds pas. Je prononce les mots un à un, limpide comme de la roche, comme si je les avais connus toute ma vie. Ma sœur est tétanisée, à l'autre bout de la pièce. Saphir observe la scène avec mépris. Kros essaye de traverser le cercle mais est bloqué par la puissance du vent. 

Saphir décide de prendre les choses en main et à peine s'approche-t-il de moi que la force des élements autour de moi décroît. J'ai l'impression que l'incantation m'échappe, que les mots se brouillent et que je perds de ma puissance. Il essaye de m'arrêter ! Je redouble d'intensité. Il en fait de même. A ce rythme là, je vais échouer. Je vais mourir, c'est certain. Mais je serai morte pour rien.

Un instant plus tard, la porte et le mur qui l'encadrait explose et est propulsé sur les gardes, Kros l'évite de justesse. Les soldats d'Amanda se déploient tout autour, armés. Et armés jusqu'aux dents.

— Butez-les ! lance-t-elle en flinguant la première brochette de démon en face d'elle avec sa mitraillette.

Les coups pleuvent.

Au moins je ne mourrais pas seule.