Âgée de dix-neuf ans, Emris Stewart est une artiste torturée qui sombre peu à peu dans la folie. Encore plus venimeuse que ses démons, elle se prête à des jeux malsains dans l'espoir de se sentir en vie. Malheureuse, cette dernière enchaîne les coup...
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Tranquillement assise sur le sable chaud de Carpinteria, un crayon dans une main et mon carnet dans l'autre, je dessinais une silhouette masculine qui m'était, jusqu'à présent, inconnue.
C'était un exercice qui me détendait : ne pas réfléchir, seulement dessiner. Il me permettait de vider mon esprit, d'oublier.
Et aujourd'hui, j'avais besoin de penser à autre chose qu'au petit copain de ma sœur. Ce soir, il était prévu de nous rendre dans une boîte de nuit, mais je n'arrêtais pas de penser à la lingerie noire, négligemment posée sur mon lit, celle que je porterais ce soir. Je ne pouvais pas y aller dans cet état, j'étais dans la merde.
Je laissais le vent balayer mes mèches blondes sur mon visage sans prêter attention à la mer face à moi, obnubilée par mon dessin.
Plus tôt dans la matinée, Vee m'avait confessé attendre mon retour à New York avec impatience, et je ne pouvais pas être plus en accord avec elle. Plus vite je partais d'ici, plus vite je pouvais tirer un trait sur Nathan et toute cette histoire. Pourtant, je craignais de succomber à la tentation avant mon retour dans la ville qui ne dort jamais.
Eleena méritait mieux. Une meilleure sœur, un meilleur copain et même une meilleure amie que Jordyn.
Ma mère finit par venir s'installer à mes côtés, je fermai brusquement mon carnet, elle ne s'offusqua pas. Elle savait à quel point ce carnet était personnel, et mes parents mettaient un point d'honneur à respecter ma vie privée.
Mon art ne les regardait pas. Il était à moi. Seulement à moi. J'étais la seule à pouvoir décider quand je serais prête à le partager avec le monde entier.
Et je n'étais définitivement pas prête.
Les mèches rebelles de son chignon fouettaient légèrement son visage, mais elle semblait s'en ficher, concentrée sur le spectacle que lui offraient les vagues californiennes. Ainsi, elle paraissait en paix. Ma mère était si belle. Je capturai ce moment dans ma tête afin de ne jamais l'oublier.
Finalement, elle reporta son attention sur mon visage et un sourire tendre apparut sur ses lèvres.
— Nous n'avons pas eu le temps de beaucoup nous parler depuis ton arrivée, déclara maman, légèrement mélancolique.
J'acquiesçai. Elle n'avait pas tort. J'étais la majorité du temps enfermée dans ma chambre à dessiner en écoutant de la musique, et lorsque je sortais, je tombais sur Nathan. Et ce mec accaparait toute ma putain d'attention.
Il était pire qu'un enfant sans père qui réclamait l'attention que son géniteur n'avait jamais voulu lui donner !
— C'est vrai...
— Alors comment se passe tes vacances ? Tu t'amuses ?
— Comme une folle, fis-je avec ironie, un sourire moqueur aux lèvres.
— Je suis sérieuse, Emris.
Je haussai les sourcils.
— Je te jure que moi aussi !
Je laissais le petit ami de ma sœur me mater dans une cabine d'essayage, comment pouvais-je ne pas m'amuser ?
Et je l'avais entaillé. Juste parce que j'en étais capable.
Elle ne sembla pas convaincue.
— Tu sors avec Eleena et Nathan ce soir, n'est-ce pas ?
— C'est prévu, oui. Pourquoi ?
Ses lèvres pincées, elle cherchait ses mots. Elle faisait cette tête lorsqu'elle avait appris que j'avais fait ma première fois avec un garçon ou lorsqu'elle avait appris que j'étais bisexuelle. Ce n'était pas bon signe.
Savait-elle pour Nathan et moi ? Savait-elle que nous avions couché ensemble ?
Non. Impossible.
— Eleena et moi avons parlé...
Huh ?
Mal à l'aise, elle se tortillait légèrement dans le sable. Quant à moi, la panique s'emparait de mon corps, mais je luttais pour ne pas l'exprimer sur mon visage.
Elle ne savait pas. Elle ne savait pas. Elle ne savait pas. Je tentais de me rassurer.
— Elle ne te trouve pas très chaleureuse avec Nathan, continua ma mère.
J'eus presque l'envie d'échapper un soupir de soulagement.
Elle ne savait pas.
— Et je suis de son avis.
Oh, si tu savais à quel point je suis chaleureuse avec lui, tu me déshériterais sûrement, maman. Si tu savais à quel point je suis une vilaine fille avec ton gendre, tu me tuerais. Si seulement tu savais...
— C'est un jeune homme délicieux.
Tu n'as pas idée, maman.
Je n'arrivais pas à contenir le sourire moqueur qui ornait mes lèvres, j'étais si soulagée qu'elle ne sache pas. Qu'elle ne me soupçonne pas de coucher avec le petit ami de ma sœur.
Peut-être que le masque que je m'étais créé durant des années avait fonctionné, après tout. Peut-être que mes parents pensaient réellement que j'étais la fille qu'ils voulaient que je sois. Que j'étais presque à la hauteur d'Eleena.
— Ne fait pas cette tête, Emris. Je suis sérieuse.
— Moi aussi, maman.
J'aimais ma mère, mais je détestais qu'elle se décide à m'adresser la parole juste pour me parler de ma sœur. De l'ainée Stewart. De sa fille parfaite.
Lorsque j'osais l'oublier, tout le monde s'amusait à me rappelais que j'étais faite de boue, et Eleena d'or.
Je détestais ça. Mais ce que je détestais le plus était d'être jalouse de ma sœur.
— Je sais que tu n'apprécies pas les copains de ta sœur généralement, mais fait un effort. Il la rend heureuse, et c'est tout ce que nous voulons, ton père et moi.
Et moi ? Qui se souciait de mon bonheur ? Ne me voyait-elle pas ? Se fichait-d'elle du bébé qu'elle avait tenu dans ses bras à la maternité, lui jurant de toujours le protéger ? Pourquoi abandonnait-elle l'adolescente pommée que j'étais ?
J'avais envie de lui crier dessus, de lui montrer les cicatrices qui pesait sur mon cœur.
Pourquoi étaient-ils tous occupés à voir Eleena pour voir ma propre tristesse ?
Pourtant, aucunes larmes ne montèrent. J'étais dans l'incapacité d'exprimer ce que je ressentais. Je l'avais toujours été.
Je transformais toutes mes émotions en colère, et cette colère, en démons qui hantaient mes nuits.
— Essaye d'être plus accueillante avec lui, Emris. Il en vaut la peine.
Sur ces mots, elle me laissa. Seule. Comme tout le monde auparavant.
Cette voix dans ma tête, dans un infime murmure, n'arrêtait pas de me demander si elle rejoignait Eleena.
Foutue jalousie !
Ne t'inquiète pas maman, je serais accueillante avec Nathan ce soir... Si accueillante et chaleureuse qu'il en perdra la tête.
