08 : Regarde-moi

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REGARDE-MOI

✧ REGARDE-MOI ✧

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Étrangement, j'avais bien dormi. Mes démons ne s'étaient pas manifestés cette nuit, comme s'ils connaissaient mes limites, et ne préféraient pas me pousser dans mes retranchements. Me pousser à me suicider. Ce qui était une bonne chose.

Vêtue de mon pyjama, soit un débardeur blanc et un short noir, je me dirigeai vers la cuisine, les yeux rivés sur l'écran de mon téléphone, je répondais à Vee, une fille avec qui j'avais couché à maintes reprises au début de l'été. Je ne pouvais pas me vanter de recevoir des tas de messages, ce n'était évidemment pas le cas. Je n'aimais pas parler. Mais, cette fille savait captiver mon attention.

Des jupes plissées, un rouge à lèvres qui contrastait parfaitement avec sa peau mate, une silhouette fine et gracieuse, des cheveux bruns qui tombaient en cascade sur ses petits seins fermes qui tenaient parfaitement dans les paumes de mes mains. Elle était mon type de femme. Tant qu'elle ouvrait les cuisses lorsque je le lui demandais, elle l'était. Je n'étais pas difficile.

Finalement, je verrouillai l'écran de mon téléphone afin d'attraper une pomme rouge qui traînait sur la grande table. Sans attendre, je croquai le fruit et me dirigeai vers le salon de jardin afin de jouir de la vue qu'offrait la propriété de mes parents.

Eleena et Nathan s'y trouvaient déjà, ma sœur sur les genoux de son amant. J'affichai un sourire et m'assieds sur le canapé en face du leur.

— Salut, dis-je doucement sans leur jeter de regard.

Je ne voulais pas m'attarder sur Nathan ou sur l'entaille qu'il avait par ma faute. Je ne voulais pas afficher mon mépris envers sa personne. Et je souhaitais préserver l'ignorance de ma sœur au sujet de son copain et moi. Par conséquent, je fixais un point devant moi.

— Salut. Tu vas bien ?

En général, j'aurais répondu un simple oui. Mais pas aujourd'hui.

— Oui, super. Et toi ?

Dire que j'étais de bonne humeur serait exagéré, mais j'étais plus disposée à converser avec ma famille que les jours précédents.

— Comme sur des roulettes, répondit ma sœur en baillant.

Finalement, j'osai un regard vers eux ; le carré blond de ma sœur était parfaitement lissé, le soleil reflétait sur sa peau blanche, sa main était posée sur le torse nu de Nathan. Ce dernier, lui, me regardait, toujours impassible. Les cheveux ébouriffés, les yeux légèrement rougies, il ne devait pas être levé depuis longtemps.

Sur le papier, ils étaient parfaits. Néanmoins, j'imaginais que Nathan jouait autant avec elle qu'avec moi.

Que faisait une femme au cœur pur avec un homme pareil ? Avec un trompeur. Un menteur. Un manipulateur.

Pourquoi ma sœur ne pouvait-elle pas aimer quelqu'un de bon pour elle ? Pourquoi se compliquait-elle la tâche ? Et pourquoi ne pouvais-je pas être honnête avec elle ?

Tant de questions sans réponses.

— Nathan et moi comptons se promener en centre-ville, tu souhaites te joindre à nous ? Questionna Eleena soudainement en plongeant son regard dans le mien.

Je savais pertinemment qu'elle me proposait de venir avec eux seulement pour ne pas se sentir coupable de ne pas passer de temps avec moi. Pour ne pas se sentir coupable de ne pas désirer me voir plus souvent. De ne pas m'appeler.

Nathan, une lueur joueuse dans le regard, posa sa main sur la cuisse de ma sœur, volant son entière attention. Elle oublia soudainement ma présence, hypnotisée par celui qu'elle aimait. Elle n'attendait même plus de réponse de ma part, sa considération ne m'était plus vouée. Le pouvoir qu'il détenait sur elle était indéniable.

— Non, ça ira, murmurai-je sans que ma sœur entende la réponse à sa question.

Alors que je pensais que la situation ne pouvait pas devenir plus gênante, elle colla ses lèvres à celles de Nathan, oubliant complètement que je me tenais devant eux.

Curieusement, Nathan ne ferma pas ses yeux, bien au contraire, il planta son regard dans le mien, me donnant le tournis. Il embrassait ma sœur. Pourtant, c'était moi qu'il fixait. Tout le monde l'avait toujours regardé, elle. Mais, il me regardait, moi.

Imaginait-il que j'étais à sa place ? Que c'était moi qui l'embrassais ?

C'était un moyen de me provoquer, de me déstabiliser. Toutefois, j'étais inapte à détourner le regard, à échapper à l'intensité de ses yeux. Comme l'autre soir.

Une partie irrationnelle de moi, une partie malsaine, souhaitait, malgré moi, qu'il me désire comme je le désirais. Et je le détestais encore plus pour ça.

Nos regards restaient accrochés, j'étais scotchée sur mon siège. Pensait-il, lui aussi, à la nuit que nous avions partagée ?

Parce qu'à cet instant, j'étais dans l'incapacité de penser à autre chose.

Nathan m'observait comme s'il me voulait, mais qu'à la fois, il n'avait pas décidé si j'étais assez appétissante pour lui servir de repas. C'était déconcertant.

Ma respiration était saccadée, mon cœur battait anormalement vite. Je sentais la pression de ses lèvres sur les miennes, sa langue chaude contre la mienne. Je sentais même ses mains rugueuses sur mon corps. Son souffle chaud sur mon ventre, son odeur sur mes draps. Je sentais encore ses mains se resserrer sur mes poignets lorsque j'essayais de le toucher. Je me souvenais de tout. Comment pouvais-je oublier ?

J'avais honte d'agir comme une putain de voyeuse. De désirer le petit copain de ma grande sœur. D'avoir couché avec lui. Et de ne pas pouvoir oublier.

J'avais honte d'aimer être son petit secret.

Si j'étais Lilith, pourquoi avais-je envie de mordre dans le fruit défendu ?

Elle passa ses mains dans ses cheveux ébène, les ébouriffants encore plus.

Continue de me regarder. Ne t'arrête pas, s'il te plaît, avais-je envie de l'intimer. Et c'est ce qu'il fit. Il ne cessa pas, me donnant l'impression que pour la première fois de ma vie, j'existais. J'étais importante.

Eleena, les lèvres gonflées et à bout de souffle, finit par rompre leur baiser, gardant les yeux clos. Elle appuya son front contre le sien, profitant pleinement de leur proximité. Nathan se concentra finalement sur elle, brisant le sort qu'il m'avait jeté plus tôt.

Qu'est-ce qui clochait chez moi ? Ne pouvais-je pas agir normalement ? Éviter Nathan ? Tout raconter à Eleena ? Pourquoi en étais-je incapable ?

Perdue dans mes pensées, seule la sonnerie du téléphone de ma soeur sut me sortir de cet état second. Me ramener sur Terre.

Eleena ne me regardait toujours pas. Elle fronça des sourcils avant de décrocher.

— Jordyn ? demanda t-elle avant de s'éloigner dans le jardin, me laissant seule avec son petit ami.

VenimeuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant