24 : Rendez-vous

6.9K 381 256
                                    

RENDEZ-VOUS

✧ RENDEZ-VOUS ✧

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

— Je suis heureux que tu aies accepté mon invitation, déclara Billy.

Je ne lui offris aucune réponse, ne voyant pas l'intérêt de sa remarque.

Le pauvre garçon m'avait presque supplié de lui accorder ce rendez-vous sur Instagram, et j'avais pour but d'oublier Nathan. Mais je commençais déjà à regretter mon choix.

— Je pensais que tu allais refuser.

Je n'aimais pas Billy. Aucune profondeur n'émanait de lui, il était inintéressant. Et ça, depuis le lycée.

— Je suis pleine de surprise, chantonnai-je doucement, essayant de ne pas paraître sarcastique.

Nous nous étions assis sur un banc à côté de son lieu de travail, boissons en mains.

Billy m'observa un moment. Je l'imitai, détaillant son visage, à la recherche du moindre changement, en vain.

Cette lueur dans ses yeux verts, qui me mettait toujours mal à l'aise à l'époque, brillait toujours, ses cheveux blonds étaient encore minutieusement rasés.

Billy n'avait pas maigri, mais n'avait pas grossi non plus, comme s'il était resté au lycée. En tout cas, c'était l'impression qu'il me donnait.

Assise à ses côtés, je demeurais la Emris de dix-sept ans, et non celle de dix-neuf ans.

— Tu n'as pas changé, fit doucement Billy.

J'affichai un sourire mesquin.

Ouais, je suis toujours une salope qui ouvre les cuisses facilement, c'est ça ? N'est-ce pas ce que tu m'avais dit à cette fête étudiante ? Que personne ne m'appréciait pour ma personne parce que je n'étais qu'une chatte à baiser ?

— Est-ce un compliment ?

Je le testai, et il le savait.

Comme s'il se rappelait les derniers mots qu'il m'avait crachés à la figure lors de cette fameuse soirée, comme s'il lisait dans mes pensées, il se raidit. Je le vis tenter de ne rien laisser paraître, de donner l'impression qu'il était détendu, mais ce n'était pas le cas.

Billy était un looser incapable de contrôler ses paroles lorsqu'il était alcoolisé. Comme son père. Sauf que ce dernier ne se faisait pas rattraper par ses mots, il était beaucoup trop terrifiant pour qu'on ose le lui rappeler.

— C'est un compliment, je t'ai toujours trouvé superbe, Emris.

Nathan n'aurait jamais dit ça, ne pus-je m'empêcher de penser.

De plus, je n'aimais pas comment mon prénom sonnait dans la bouche de Billy. Peut-être parce qu'il n'était pas Nathan.

— C'est vrai, continua le blond, loin d'imaginer que je pensais à un autre que lui, tu n'as jamais été une fille facile à vivre, mais je te voyais.

Je n'étais pas une fille facile ? Il ne me connaissait pas, il ne savait rien des démons qui m'habitaient, de ma lutte contre eux.

Néanmoins, il ne s'arrêta pas là.

— Je te voyais te réfugier dans la salle d'arts plastiques et passer tes pauses à peindre comme si ta vie en dépendait, je te voyais ignorer madame Espinoza lorsqu'elle devait fermer la salle.

Madame Espinoza avait été ma professeure d'art, elle avait été la seule qui ne m'avait pas collé une étiquette sur le front, qui avait essayé de me voir.

Je lui en serais éternellement reconnaissante pour ça. Elle m'avait vu quand la majorité des professeurs ne voulaient pas perdre leurs temps avec moi.

— Je te voyais te réfugier dans tes bouquins fantastiques pendant les cours de mathématiques et lever les yeux au ciel quand Eleena était dans les parages.

Désormais, je le regardais vraiment. Comme je ne l'avais jamais fait auparavant.

— Je t'ai toujours vu, Emris. Et je suis désolé d'avoir dit ce que je t'ai dit à la fête de Lina.

J'étais dans l'incapacité de détourner mon regard du sien, j'étais subjuguée.

— J'étais un connard qui ne savait pas comment t'approcher.

Toute ma vie, j'avais demandé à ce qu'on me voie, mais je n'avais jamais rendu la pareille aux personnes qui le faisaient, qui me voyaient.

Je n'avais pas rendu la pareille à Billy ni à Vee. Seulement à Nathan. Et je ne savais pas pourquoi.

Je pensais que Billy était celui qui était superficiel ici, mais en réalité, je l'étais.

— Toi, tu as changé, répondis-je. Et c'est un compliment.

Il afficha un sourire, visiblement touché et je plaquai mes lèvres contre les siennes, ayant besoin de ce contact physique.

Le sexe était le seul moyen que j'avais trouvé pour me sentir vivante, mais aussi pour montrer à une personne que je l'appréciais.

Quelque chose était cassé chez moi.

Néanmoins, je n'arrivais pas à chasser l'image de Nathan dans ma tête alors que j'embrassais Billy.

Je ne pouvais m'empêcher de penser à ses mains douces sur ma joue qui n'étaient pas les mains rugueuses de Nathan ou au fait que ce baiser n'avait rien de pressant, de colérique.

Au contraire, il était patient et doux. Ce n'était pas moi, ce que je méritais.

Je n'arrivais pas à ressentir le quart de ce que Nathan avait réussi à faire naître en moi alors je fermai les yeux un peu plus forts comme si ça allait changer quelque chose, comme si le petit copain de ma sœur ne m'avait pas cassé.

Il mit court au baiser et colla son front au mien, je n'ouvris tout de même pas les yeux, honteuse de toujours penser à Nathan après ce que Billy venait de me dire.

— Je suis désolée, mais...

Comme si le blond lisait dans mes pensées, il compléta ce que j'étais incapable d'avouer à voix haute :

— Tu penses à un autre.

Je distinguai aucune amertume, aucune colère dans sa voix, seulement du regret.

— Je suis désolée, Billy.

— Pas autant que moi.

Honteuse, je me levai, prête à prendre la fuite comme tous ces matins ou je fuyais les lits de mes partenaires. Comme une lâche.

Cependant, Billy attrapa ma main, je me tournai vers lui.

— Je t'ai attendu trois ans, Emris. Je t'attendrai encore.

Une douleur s'empara de mon cœur parce que j'aurais tellement aimé qu'il trouve le courage de me le dire au lycée.

— Ne m'attends pas, Billy.

Je ne te mérite pas.

Et puis je partis sans regarder en arrière, me promettant de le bloquer par la suite.

Je voulais à la fois qu'on me voie et demeurer transparente par peur. Parce que si on me voyait, je ne pourrais plus me cacher derrière ma carapace, et ça, ça me terrifiait.

VenimeuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant