✧ DISPUTE ✧
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Au téléphone avec Vee, la brune me racontait sa journée tandis que moi, je feignais de lui porter de l'intérêt tout en peignant. Elle me parlait de ses parents, de son chien et du temps de New York, comme si j'en avais quelque chose à foutre. Mais je l'écoutais tout de même, ne pas être seule m'évitait de replonger dans mes travers.
Sans réfléchir, je traçais des traits sur mon cahier au crayon à papier, le résultat final en tête. Les mouvements de mon poignet étaient souples et contrôlés. Ma technique était quasiment parfaite, mes notes pouvaient le confirmer. Si enfant, je prenais des heures à acquérir ces méthodes, désormais, elles étaient encrées en moi. C'était un jeu d'enfant.
Ce qui me demandait tant d'effort, gosse, était devenu mon moyen de décompresser et oublier.
Je dessinais des yeux aussi noirs que les abysses des enfers et aussi profonds que les océans du monde entier. Je savais que je dessinais ses yeux, mais je voulais prétendre qu'ils appartenaient à un inconnu, qu'ils étaient quelconques. Ainsi, je n'aurais pas à me sentir coupable de me rappeler des moindres détails de son visage et de sa façon de me regarder.
Je jetai un rapide coup d'œil au dessin que j'avais fait plus tôt, celui qui représentait les miens. Mes yeux bleus. J'avais accroché la feuille au mur, au-dessus de mon bureau, avec mes autres dessins afin de combler un vide.
— Ma mère était si heureuse de me voir porter cette robe, s'esclaffa la jeune femme. T'aurais dû voir sa tête.
Je ne répondis pas, mais cela ne sembla pas la déranger. Elle continua son monologue sur sa robe et sa mère.
Je retenais un souffle de désespération, elle ne s'arrêtait plus de parler. Et je ne voulais surtout pas qu'elle pense que nous étions plus que deux filles qui baisent occasionnellement ensemble. Je l'écoutais par gentillesse comme j'avais accepté ce rencard avec Billy pour la même raison.
— Je suis sûre que tu l'adorerais.
Peut-être. Mais je ne la rencontrerais jamais de mon vivant.
— Ma mère, précisa-t-elle, pleine d'espoir, voyant que je ne répondais pas.
Merde.
Elle pensait réellement que nous avions une chance de devenir plus que ce que nous étions déjà. Or, ce n'était pas le cas. Cependant, elle n'avait jamais osé l'aborder ouvertement.
— Écoute Vee, les couples ce n'est pas mon truc, répondis-je le plus sincèrement possible.
Être sincère n'avait jamais été mon truc, bien au contraire. Je mentais et manipulais impunément pour ne pas m'encombrer d'autres problèmes. Ma famille était des marionnettes que je tenais dans mes mains, Vee l'était aussi. Parce que je ne pouvais me résoudre à assumer les conséquences de mes actes et le mensonge était si facile. Et tellement moins douloureux. C'était la solution des lâches.
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Venimeuse
RomanceÂgée de dix-neuf ans, Emris Stewart est une artiste torturée qui sombre peu à peu dans la folie. Encore plus venimeuse que ses démons, elle se prête à des jeux malsains dans l'espoir de se sentir en vie. Malheureuse, cette dernière enchaîne les coup...