Pull & Push [sope]

Chapitre 26 : Le chat aime l'Art

J'avais mis du temps à me décider mais j'avais fini par venir.

Lorsque j'étais entré dans le gymnase, l'odeur de synthétique et de transpiration m'avait pris au nez et j'avais bien cru faire demi-tour immédiatement.

Je n'étais pas le seul spectateur présent. D'autres personnes étaient là et ça m'arrangeait bien puisque je pouvais me cacher derrière eux. Je m'étais glissé derrière deux mecs pour ne pas avoir à écouter les piaillements des filles qui étaient venues se rincer l'œil. Les garçons, eux, parlaient de la soirée qui les attendait après et à quel point leur ami aurait besoin de décompresser vu les remarques que le prof lui faisait. C'était là que j'avais compris qu'il parlaient de Hyunjin. Le blond était en train de danser avec un groupe d'autres étudiants alors que tous les autres étaient comme des cons assis par terre à les regarder et pour le moment, c'était lui qui se faisait pourrir par l'enseignant. Cela semblait assez barbare comme méthode.

Je cherchais Hobi des yeux parmi les personnes assises, passant de tête en tête, de silhouette en silhouette sans réussir à l'identifier. Ils étaient tous collés les uns aux autres, tournés vers les danseurs et m'offraient à peine leurs profils à observer, m'empêchant de le repérer. Jusqu'à ce qu'un garçon se lève et attire mon regard lors du changement de groupe. Il avait les cheveux sombres et ses lignes semblaient dessiner le corps d'Hobi mais je n'en étais pas absolument certain à cette distance. Ils étaient tous athlétiques et se ressemblaient énormément vus d'en haut. Il s'installa au milieu de l'espace de danse pour prendre la place des précédents et sa démarche me sembla familière. J'étais presque sûr qu'il s'agissait de lui. Mais lorsqu'il jeta sa nuque en arrière pour l'étirer, m'octroyant alors une vue dégagée sur son visage et particulièrement sa mâchoire, je le reconnus immédiatement, même à cette distance. Il avait un air affreusement sérieux et concentré que je ne lui connaissais pas mais cela n'enlevait rien à son charme, bien au contraire. Ça le rendait intimidant et par la même occasion particulièrement attirant, me rendant presque jaloux de ceux qui partageaient son cours.

Puis il dansa.

Et je n'eus plus du tout envie de me moquer de leur filière de décérébrés ni de la façon déplorable qu'avait leur prof d'enseigner qui frôlait franchement la torture psychologique.

Tout ce que je pouvais faire c'était l'observer et sentir mon corps tressaillir en réponse au sien, qui se mouvait en parfaite synchronisation avec la musique. La détermination qu'il dégageait était bluffante et même captivante. Chaque partie de lui semblait autonome dans les gestes qu'elle effectuait et en même temps, elles se rassemblaient toutes sous une même ligne directive, le même rythme, la même harmonie. Peu importe le nombre de pauses que le professeur demandait pour corriger certains élèves, il restait parfaitement immobile, sans jamais être disgracieux ou inélégant. Je ne pensais pas pouvoir être autant perturbé simplement en contemplant quelqu'un danser. Mais c'était le cas.

C'était donc ce que Jungkook appelait « ressentir l'Art ». Il n'arrêtait pas d'en parler en ce moment. Depuis que Taehyung lui avait montré ses peintures et ses croquis. Je m'étais moqué de lui, disant que sa vision était biaisée par ses sentiments. Mais maintenant je comprenais ce qu'il avait voulu dire parce que pour rien au monde je ne me détacherais de ce spectacle. Je l'avais déjà vaguement ressenti plus jeune, mais jamais à ce point.

La musique se coupa mais je ne réussis pas à reprendre mes esprits tout de suite. J'étais encore complètement immergé dans sa danse, revoyant sa silhouette tournoyer derrière mes paupières, ancrée sur ma rétine. Lorsqu'il  repartit s'asseoir en essuyant son front, il m'aperçut. Ses yeux s'étaient instinctivement dirigés vers moi et je me figeais, le cœur battant à tout rompre, de nouveau dans le monde réel, dans ce gymnase qui puait. J'eus alors la sensation qu'il avait dansé pour moi, même s'il ne savait pas encore que j'étais là. Je m'en pinçais les lèvres et la chaleur monta sur mes joues.