Chapitre 33 - Ce qui se joue dans l'ombre

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À travers la fenêtre du salon, le soleil d'été se déversait en grands flots dorés. Les rayons fourmillaient de poussière, figurant à Lizzie les bulles du champagne qu'elle buvait autrefois – il y a si longtemps, lorsqu'elle portait des robes de soie et des colliers de perles et qu'elle dansait jusqu'à l'aube aux côtés d'Ambroise dans la galerie des Miroirs. Elle se souvenait de la façon dont le liquide pétillait sur sa langue et brûlait doucement sa gorge. La nostalgie l'envahit.

Et sans qu'elle ne sache trop pourquoi, une émotion toute similaire noua ses entrailles lorsqu'elle avisa Jan, assis dans un fauteuil. Lizzie contempla le tissu immaculé de sa chemise, ses cheveux nettement coiffés. Du Nord, il avait conservé ses cheveux plus longs qu'ils ne l'étaient à Fort-Rijkdom. Hormis cela, il paraissait être toujours le même. Mais Lizzie apercevait l'ombre qui s'agitait derrière ses prunelles, lorsqu'il croyait que personne ne le regardait. Elle aussi avait été hantée par le souvenirs de lieux qu'elle ne pouvait plus atteindre. Par les regrets et par les remords.

Elle faillit battre en retraite pour le laisser à ses pensées. Mais Ambroise était parti de la maison – les dieux seuls savaient où – en compagnie de Clervie, l'un et l'autre prétextant des affaires urgentes en ville.

Lizzie avait ravalé les émotions qui serraient sa gorge – jalousie, envie, déception. Elle avait besoin de réponses de la part de Jan, et elle ne pourrait les obtenir que maintenant.

— Pourquoi ? demanda-t-elle.

Jan tressaillit. Elle n'avait plus son cræft, mais elle marchait toujours aussi silencieusement.

— Vous daignez enfin m'adresser la parole, Élisabeth ?

Elle avait donné le change en présence d'Ambroise. Mais elle avait évité, autant que possible, de s'adresser directement à Jan.

— Uniquement pour que vous répondiez à ma question. Ambroise n'est pas là, vous pouvez parler librement.

— Et où est-il ?

Elle haussa les épaules.

— Avec Clervie.

Elle songea avec amertume à ses aveux, au fait qu'Ambroise avait demandé à la jeune femme de garder un oeil sur les agissements de Belvild pour lui. C'était puéril, bien sûr. Mais le fait qu'il pût se reposer sur quiconque d'autre qu'elle lui était insupportable. Et Lizzie songea encore une fois à ce jour où Ambroise était apparu dans le réfectoire de la Pension Royale. Elle pouvait se souvenir de Clervie qui s'avançait vers lui. L'idée qu'il aurait pu la choisir elle lui donna le vertige.

Oui, nul doute qu'il passait du temps en sa compagnie afin qu'elle lui divulgue des informations. Et cela la rendait folle. De rage.

Cela aurait dû être elle. C'était sa tâche.

Elle chassa les pensées de son esprit.

— Pourquoi soutenez-vous encore Belvild ? Après ce qu'il a fait au Burgsæl ?

— Qu'a-t-il fait, Élisabeth ?

— Attaquer tous ces gens.

— Je vous l'ai dit. Je ne savais pas ce qu'il...

— Mais vous êtes resté de son côté.

— Et qu'aurais-je pu, qu'aurais-je faire d'autre ?

— Il aurait pu vous tuer, ce soir-là, au Burgsæl. Il a failli vous arrêter avec moi. Et vous le savez.

— Il ne s'agit pas que de moi.

— Pas que de vous ?

— L'Ardrasie veut Fort-Rijkdom pour elle seule. Il est devenu bien plus difficile pour les ressortissants d'autres nations d'y faire commerce. Mais je suppose, que l'on ne vous a jamais instruite sur les conséquences économiques de vos actions, n'est-ce pas ?

La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en HautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant