Chapitre 42 - Wiccecræft

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Le soleil se levait, faisant pâlir l'eau du canal plongée sous la brume. Les façades serrées des maisons aux fenêtres endormies commençaient à peine à se refléter sur les flots calmes. Lizzie sentait l'inquiétude de Jan monter à mesure que la nuit glissait vers sa fin et que le brouillard se dissipait, et elle-même finit, à contre cœur, par rabattre le voile fixé à son chapeau. Elle aurait tant aimé profiter des premiers rayons du soleil, et sentir sans barrière aucune leur douceur sur son visage.

Ils auraient pu emprunter un coche pour rentrer, lui avait expliqué Jan, si seulement le martèlement des sabots des montures n'aurait pas risqué d'attirer l'attention. Lizzie ne lui avait pas répondu. Elle n'avait pas décroché un mot depuis leur départ de la Compagnie du Commerce.

L'homme à la plume verte – Lars Maarten.

Grands dieux, elle aurait voulu qu'Ambroise soit ici avec elle. Et cette pensée était si douloureuse qu'elle faillit fondre en larmes.

— Je suis désolé, fit Jan.

— Désolé ?

— L'année dernière, vous m'avez parlé de cet homme. Si j'avais su que c'était lui, je puis vous jurer que je vous en aurais informé avant que vous ne le rencontriez.

— Ce n'est pas grave. Vous ne pouviez pas savoir.

Jan crispa ses mains sur les rames.

— J'aurais dû me renseigner. J'aurais dû...

— Vous aviez d'autres choses à penser, Jan. Et puis, cela ne fait rien. Nous sommes dans le même camp, désormais.

— Allez-vous vraiment accepter son aide ?

— Oui.

Elle aurait pu trouver une solution pour se glisser discrètement jusqu'à la réception. Mais il lui semblait plus judicieux de faire profil bas. De se montrer conciliante et d'accepter l'aide que Belvild voulait bien lui offrir, afin d'endormir au mieux sa vigilance. Cela, cependant, elle ne pouvait le partager avec Jan.

— Le connaissez-vous bien ? demanda-t-elle. Lars Maarten ?

— Mon père le fréquente régulièrement à la chambre du Commerce.

— Et au sein de votre... camp ? Est-ce l'homme à tout faire de Belvild ?

— Plutôt son bras droit, en vérité.

Lizzie se redressa malgré elle.

— Son bras droit ?

— Je ne peux pas vous en dire plus.

— Parce que vous ne le pouvez pas ?

— Parce que je l'ignore. Vous savez, Élisabeth, que Belvild conserve précieusement ses secrets.

Lizzie resta silencieuse un moment. Non, elle ne l'ignorait pas. Mais une chose, cependant, l'intriguait.

— Je ne comprends pas. Si Maarten est son second, pourquoi risquer de le sacrifier ?

— Le sacrifier ?

— Cette nuit-là, à Caelian.

— Détrompez-vous. Je ne crois pas que Maarten ait seulement été en danger ce soir-là. Il passe pour maître dans son domaine.

Son domaine. Le meurtre.

Et Ambroise le lui avait fait affronter ? Non, se rappela-t-elle. Ambroise ignorait tout de cette facette de l'homme à la plume verte. Il avait beau avoir été un professeur exigeant, il ne l'aurait jamais jetée ainsi dans la gueule du loup. Si Maarten avait réussi à la mettre hors d'état de nuire et à échapper à Ambroise, c'était en effet qu'il devait être un assassin hors-pairs.

La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en HautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant