Chapitre 23 - L'écho du passé

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Lizzie restait fermement accrochée à la manche d'Ambroise.

Une dense foule de dockers, de commerçants et d'habitants se pressait sur les quais. Les maisons de bois étaient perchées au bord de l'eau, et les jetées s'élançaient sur les flots. L'onde ondulait sous les passages des chaloupes qui remontaient ou redescendaient le courant en un ballet incessant. Cela n'avait toutefois rien de comparable à l'agitation ordonnée du port de Caelian. Ici, le chaos régnait en maître.

Ströndwic était une ville tournée vers le commerce, et avait l'avantage de se trouver à quelques jours de navigation de Fort-Rijkdom. Y transitaient toutes les marchandises qui allaient ensuite abreuver les terres plus au nord des denrées dont elles étaient dépourvues.

Lizzie avait le vertige de tant de vacarme. Elle et Ambroise avaient dû opérer un détour considérable pour atteindre la cité fluviale, et la jeune femme commençait à se demander si cela avait été un choix judicieux de leur part. Non pas qu'Ambroise lui eût laissé la moindre place dans la décision, songea-t-elle avec amertume. Il avait décrété qu'ils rejoindraient Fort-Rijkdom en bateau.

Dans les ombres de la nuit dans laquelle ils étaient arrivés à Ströndwic, son visage dissimulée par la lumière tamisée de l'auberge où ils s'étaient enfermés ces derniers jours, Lizzie avait ressenti une certaine sérénité.

Mais ici ? En plein jour ?

Chaque regard qui l'effleurait la faisait tressaillir. On allait la reconnaître, tôt ou tard. Alors Lizzie s'efforçait de marcher le plus possible dans l'ombre des bâtiments, la tête baissée, collée à Ambroise comme si sa stature pouvait la dissimuler aux yeux de tous.

— Calme-toi. Tu vas finir par attirer l'attention.

— Je ne peux pas me calmer, marmonna-t-elle.

— Tu n'as aucune raison d'être inquiète.

— Aucune raison d'être inquiète ? Cet endroit est surpeuplé et vous ne m'expliquez rien !

— Je ne t'explique rien ? Ce que nous faisons ici m'a l'air parfaitement clair, dit-il en désignant les quais où se dressaient des barges et des navires.

Lizzie poussa un soupir.

— Un jour, nous avons émis l'hypothèse, avec Jan van Stoker, que l'Ardrasie essayait de contrôler les accès à Fort-Rijkdom.

— Vous avez vu juste. Et ?

— Et ne pensez-vous pas que la garde doit inspecter les bateaux qui rentrent dans la cité ?

— Si. Mais tu ne crains rien.

— Je ne crains rien ? Ils...

— Tu sais jouer un rôle, et moi aussi.

— Mais si on nous arrête...

— Tu te défendras. Quoi qu'il faudrait sérieusement songer à t'entraîner.

— Ce n'est pas parce que je ne parviens pas à vous battre vous que je ne sais plus me défendre !

— Si tu ne parviens pas à me toucher lors d'un combat, il n'y a aucune raison que tu y parviennes contre quelqu'un d'autre.

Lizzie cilla.

— C'est différent ! Vous... vous n'êtes pas comme les autres.

— Pas comme les autres ?

— Vous êtes... plus fort.

— C'est faux.

— Mais vous me connaissez, vous m'avez appris à me défendre. Vous savez ce dont je suis capable. Les autres me sous-estimes. Une rose dont on oublie les épines, vous souvenez-vous ?

La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en HautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant