— Bonsoir, Lizzie.Ambroise.
Peut-être aurait-elle préféré affronter un fantôme.
Il l'écrasait, immobilisant ses jambes sous son poids.
Lizzie réalisa que ses mains étaient épinglées au-dessus de sa tête, serrées dans l'étau de sa poigne. Et la peur résonna à nouveau comme un coup de tonnerre dans ses veines.
Elle considéra son visage, éclairé par la lueur des braises mourantes, dans l'âtre tout proche. Il lui semblait qu'elle le voyait pour la toute première fois. Ses cheveux blonds qui dégringolaient en douces ondulations sur ses joues — ils avaient poussés, tout comme la barbe qui mangeait à présent ses traits —, ses yeux du bleu du ciel de Caelian, le tracé de sa mâchoire, les fines ridules au coin de ses yeux, les cernes qui y fleurissaient.
Il paraissait différent de ses souvenirs. Plus présent. Peut-être parce qu'il était là où il n'aurait jamais dû être. Peut-être parce que ses traits avaient commencé à s'effacer de son esprit.
— Je vais ôter ma main, dit-il. Je vais vous poser des questions. Et vous allez répondre. Est-ce clair ?
Il la vouvoyait. Bien sûr qu'il la vouvoyait. Elle lui avait tiré dessus ; elle l'avait trahi. De la confiance qui avait jadis été tissée entre eux, il n'y avait plus rien que des ruines.
Lizzie hocha la tête.
Il libéra ses lèvres. Les invectives qu'elle voulait lui lancer y moururent. L'insulter ne servirait à rien. Elle n'était pas en mesure de se défendre : sa prise la rendait incapable de se mouvoir. Et puis, elle n'avait pas de force ; elle n'en avait plus assez.
Amère, elle nota qu'Ambroise n'avait même pas pris la peine de la menacer d'une arme. Il n'en avait pas besoin.
— Comment allez-vous ? fit-il.
Lizzie cilla. Elle ne s'était pas attendue à cette question. Au ton presque inquiet de sa voix.
— Fort bien, rétorqua-t-elle. Et vous ?
Il pencha la tête, ses yeux rivés sur les siens. Une lueur dangereuse y brillait, et Lizzie sentit son souffle se suspende dans sa poitrine.
— Laissez-moi réfléchir. Je vous traque depuis des semaines, et croyez-moi, cela n'a pas été une expérience particulièrement plaisante. Je devrais être de retour à Caelian couvert d'honneurs, et je me retrouve à errer dans ce pays pour le moins inhospitalier, en priant les dieux pour vous retrouver avant que vous ne rejoignez le royaume sombre. Je suis par ailleurs heureux de constater que vous êtes encore de ce monde. Bien que vous m'ayez laissé un souvenir... douloureux en partant.
Lizzie posa les yeux sur son bras, tâchant de discerner toute trace de sa blessure à travers les couches de tissu. Vu la force avec laquelle il retenait ses poignets, son tir n'avait pas touché de muscle. Mais elle pouvait...
— J'ajouterais que j'ai trouvé des médecins compétents pour arranger mon bras, n'espérez pas exploiter cette possible faiblesse contre moi. Vous voyez ? Je réponds à la question. Pas vous.
Lizzie le foudroya du regard. Il était toujours penché sur elle.
— Soit, fit-elle. Je ne peux pas prétendre aller bien. Mais vous vous en doutez déjà.
Elle n'avait pas envie d'en dire davantage. Elle ne pouvait pas.
Ambroise le comprit, et, à son grand étonnement, il eut la grâce de ne pas insister.
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La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en Haut
Fantasía[Tome 2] Au Pays d'en Haut, la guerre menace. Lizzie, affaiblie par la colère du dieu sombre, a quitté Fort-Rijkdom. Elle ne pourra échapper éternellement au sort qui l'attend, comme à ceux qui la poursuivent. Le temps est compté, et chaque seconde...