La peur déferla sur Lizzie avec la violence d'un coup de tonnerre, et elle se sentit pâlir.
La seconde d'après, elle heurtait le sol, le corps d'Ambroise au-dessus d'elle.
— Malcræft, l'entendit-elle jurer par-dessus les pulsations effrénées de son cœur.
Et en un instant, ce fut le chaos.
Une salve répondit à la précédente – en provenance des soldats ardrasiens.
Une autre, venant de l'autre côté de la forêt.
Et des cris.
Le vacarme résonna dans la moindre parcelle du corps de Lizzie, faisant bourdonner ses tympans et frémir tous son corps. Chaque détonation vrillait ses entrailles et accélérait l'affolement de son cœur.
C'était le son de la guerre. De plus en plus proche.
Lizzie ferma les yeux.
Elle savait ce qu'elle devait faire. C'était ce qu'elle avait toujours fait. Maintenir la peur à distance.
Elle l'avait fait tant et tant de fois. Lorsqu'elle se tenait dans le réfectoire de la Pension. Face aux réprimandes de madame Constance et d'Ambroise. Et à chacun de ses meurtres.
Là, dans l'obscurité rougie de ses paupières, Lizzie se concentra sur sa respiration. Sur les battements de son cœur. Elle devait maintenir la peur à distance. Affûter son esprit. Oublier la peur, la laisser couler sur elle sans l'atteindre ; rien qu'un écho dans un recoin de sa conscience.
Dans ses veines, l'adrénaline remplaça la terreur. Et malgré les détonations qui fusaient, son cœur retrouva, sinon son calme, au moins la régularité qui lui faisait défaut.
Lorsque Lizzie rouvrit les yeux, Ambroise se tenait toujours au-dessus d'elle. Il ne la regardait pas. Elle pria pour qu'il n'eût pas vu l'angoisse qui l'avait submergée ; elle aurait aimé qu'il vît comment elle se dressait à présent contre sa propre peur.
Lizzie tourna la tête. Le bras droit d'Ambroise se trouvait replié à quelques centimètres de ses yeux – une protection vaine, si un tir venait à se perdre dans leur direction. Il n'avait pas dégainé son arme. Ce détail si incongru troubla Lizzie. Pourquoi ? Réfléchis, s'admonesta-t-elle. Il n'en avait pas besoin, car les troupes n'avaient pas encore connaissance de leur présence. Cela signifiait qu'ils étaient encore en relative sécurité, le seul danger représenté par une balle perdue. Non. Réfléchis.
Le Nærmark d'un côté ; l'Ardrasie de l'autre.
Les armées allaient les prendre en tenaille.
La peur s'engouffra à nouveau dans les interstices de son esprit. Inspirer. Expirer. Rien qu'un écho dans un coin de sa conscience. Ne faire qu'un avec le vacarme qui les environnaient.
Les armées allaient les prendre en tenaille. C'était pour cela qu'Ambroise ne tirait pas ; parce que tirer serait inutile. Parce que, d'une façon ou d'une autre, ils allaient se trouver entre les deux feux. Et mourir.
Lizzie considéra la silhouette d'Ambroise au-dessus d'elle. Il avait baissé la tête et elle sentait son souffle sur son front. Ses cheveux blonds tombaient sur ses sourcils froncés, et derrière lui, les cimes et le ciel bleu ; et ses yeux du même azur que le ciel étaient figés dans le vague – il écoutait les salves qui faisaient vibrer l'air autour d'eux. Lizzie tourna la tête vers le bras d'Ambroise qui reposait à même le sol, juste à côté de son crâne. Elle prit soudain conscience de la position de son autre main, qui clouait son épaule au sol. De son genou enfoncé dans sa cuisse pour la maintenir à terre. Et de la façon dont tout le corps d'Ambroise, si grand par rapport au sien, était ployé au-dessus d'elle, protégeant la moindre parcelle de son corps. Un rempart.
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La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en Haut
Fantasía[Tome 2] Au Pays d'en Haut, la guerre menace. Lizzie, affaiblie par la colère du dieu sombre, a quitté Fort-Rijkdom. Elle ne pourra échapper éternellement au sort qui l'attend, comme à ceux qui la poursuivent. Le temps est compté, et chaque seconde...