Les ruelles étaient noyées dans la pénombre. L'éclairage public avait été coupé, et aucun lampadaire ne scintillait de cræft. Les seules lueurs qui perçaient la nuit étaient celles des feux disséminés çà et là. Il y avait des barricades en flammes et des fiacres renversés, des projectiles enflammés qui volaient dans une rue adjacente. Les détonations étaient assourdissantes. Lizzie s'accrochait avec désespoir à Ambroise, et Jan était solidement arrimé à elle. Mais surtout, entre les hommes et les femmes qui se pressaient dans la rue, leurs vêtements déchirés et maculés par les combats qui faisaient rage depuis le crépuscule, se trouvait les uniformes de la garde Fort-Rijkdom. Noirs comme ils l'avaient toujours été, mais Lizzie aurait juré, par intermittence, apercevoir le bleu de l'Ardrasie noué autour des bras.
Ils passèrent une rue, puis une autre, s'enfoncèrent dans une venelle. La ville était agitée dans le lointain, et Ambroise les avait faits depuis longtemps bifurquer vers l'est de la ville, soucieux d'éviter le chaos.
Alors qu'ils débouchaient sur une place, Ambroise retint fermement Lizzie par le bras. Lizzie eut à peine le temps d'apercevoir la marée noire et bleue qui l'envahissait, une foule de soldats armés jusqu'aux dents, les mousquets brillants à la lueur des flammes. Dans le vacarme qui résonnait autour d'eux, le martèlement des dizaines de bottes sur le pavé était à peine audible.
Le chaos était pire que ce que Lizzie avait imaginé.
Et surtout... Face à eux s'étendait la place qui se trouvait en amont de la porte est. Au sommet de la tour qui marquait l'entrée de Fort-Rijkdom, une cloche retentit, lançant ses trilles graves dans l'air nocturne.
— Que faisons-nous ici ?
— C'est évident, nous essayons de sortir de Fort-Rijkdom, répondit Ambroise sur le même ton. Je dirai que j'ai reçu l'ordre de t'évacuer, et...
— Non ! Clervie, Hammond, Adélaïde...
— Nous n'avons pas le temps d'aller les chercher.
— Je ne les abandonnerai pas ici !
— Élisabeth.
La voix d'Ambroise, aussi glacée que la nuit, la figea un instant.
— Élisabeth, ce n'est pas prudent, s'interposa-t-il en ardrasien.
— Je ne quitte pas Fort-Rijkdom sans eux, répondit-elle en wallend.
Et il ne quitterait pas Fort-Rijkdom sans elle.
— De toute façon, nous ne pourrons pas sortir, opposa Jan. L'Ardrasie contrôle tous les accès.
— Peut-être pas tous, rétorqua Lizzie. Ils ne peuvent pas être partout, n'est-ce pas ?
— Le port est indéniablement surveillé, répondit Jan, mais peut-être que la porte nord...
— Le fleuve passe à la porte nord. Ils monteront la garde là-bas également.
— Alors nous devons gagner Gulden Stadsdeel, rétorqua Lizzie.
— C'est précisément là qu'ils te chercheront. Avec les indépendantistes.
— Vous vouliez quitter Fort-Rijkdom. C'est la seule issue.
— Je suppose que rien de ce que je pourrais dire ne te fera changer d'avis.
Lizzie le fixa sans répondre. Un instant, un instant seulement, elle fut tentée de détourner le regard. Mais elle n'était plus une enfant. Elle ne plierait pas. Elle avait choisi.
Ce fut Ambroise qui rompit leur contact visuel. Il poussa un soupir.
— Soit. Tentons par l'ouest. L'aube sera bientôt là, hâtons-nous.
![](https://img.wattpad.com/cover/288118531-288-k44525.jpg)
VOUS LISEZ
La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en Haut
Fantasy[Tome 2] Au Pays d'en Haut, la guerre menace. Lizzie, affaiblie par la colère du dieu sombre, a quitté Fort-Rijkdom. Elle ne pourra échapper éternellement au sort qui l'attend, comme à ceux qui la poursuivent. Le temps est compté, et chaque seconde...