Lizzie promena ses doigts sur les ouvrages reliés qui s'alignaient sur les étagères. La nuit était tombée et il faisait trop sombre dans la bibliothèque pour qu'elle pût seulement en lire les titres. Autrefois, avec son cræft... Non. Elle devait cesser de résonner ainsi.
— Je ne m'attendais pas à te trouver ici.
Lizzie sursauta. Elle n'avait pas entendu Ambroise arriver. Elle garda les yeux rivés sur les rayonnages. Elle avait peur, à chaque instant, de se trahir.
— Pourquoi ? J'aimais les livres, quand j'étais enfant.
C'était vrai. Dès qu'elle avait appris à lire, elle avait dévoré les ouvrages de la Pension. Lors de ses premières années. Ensuite, Ambroise était arrivé dans sa vie, et la lecture était devenue une occupation marginale, pour elle qui peinait déjà à grappiller quelques minutes de sommeil supplémentaire.
Lizzie avait particulièrement été friande de livres d'histoire. Et désormais, elle priait pour que son nom n'y figure pas. Élisabeth Prudence. Meurtrière. Sorcière. Sa gorge se noua.
— Vous l'ignoriez, n'est-ce pas ? jeta-t-elle.
— Non, répondit Ambroise en se rapprochant. Je ne l'ignore pas.
— Oh.
Ce fut tout ce qu'elle trouva à dire. Elle se sentait stupide de l'avoir attaqué ainsi. Parfois, elle se disait qu'Ambroise ne méritait pas la moitié des reproches dont elle l'assaillait depuis leurs retrouvailles. Et à d'autres moments, Lizzie était si folle de colère et de désespoir qu'elle éprouvait le désir brutal de le blesser.
Il était si près d'elle, désormais, qu'elle sentit son souffle dans ses cheveux.
— Tu aimais l'histoire. Tu me l'as dit lors de notre rencontre.
Lizzie eut un rictus. Naïve qu'elle était alors. Leur rencontre. Le réfectoire et ses mains tremblantes qu'elle dissimulait dans les plis de sa robe. Ces mêmes mains qui, à présent, tremblaient sur les dos de cuir. Elle laissa ses bras retomber le long de son corps.
Et sans savoir pourquoi, elle eut tout à coup besoin de lui partager la pensée qui lui avait traversé l'esprit.
— Croyez-vous que l'on se souviendra de moi ? Que mon nom figurera dans des livres ? Élisabeth Prudence, la Lame des Bas-Royaumes.
— Sans nul doute.
Bien évidemment. Qu'avait-elle cru ? Qu'il la rassurerait ?
— Ce n'était pas ainsi que cela devait se passer, rétorqua-t-elle. Je devais rester dans l'ombre.
Elle pivota doucement vers lui. Son regard bleu fit dévaler un frisson dans son dos.
— Non, admit-il, ce n'était pas ainsi que cela devait se passer. Mais nous ne pouvons plus rien n'y faire. Si ce n'est de tenter de redorer ton nom, au moins aux yeux des Ardrasiens.
— Et comment parviendrions-nous à cet exploit ?
Faire d'elle une personne dont l'on louerait les actions – aussi immorales soient-elles –, à l'instar de toutes ces grandes figures qui peuplaient les ouvrages qu'elle avait étudié à la Pension. Faire d'elle une héroïne plutôt qu'une traîtresse.
Ambroise se pencha vers elle, et le cœur de Lizzie bondit dans sa poitrine.
— C'est simple, chuchota-t-il tout contre son oreille. Belvild sortira de sa cachette cette nuit.
— Cette nuit ?
— Il viendra ici.
— Comment pouvez voir le savoir ?
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La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en Haut
Fantasy[Tome 2] Au Pays d'en Haut, la guerre menace. Lizzie, affaiblie par la colère du dieu sombre, a quitté Fort-Rijkdom. Elle ne pourra échapper éternellement au sort qui l'attend, comme à ceux qui la poursuivent. Le temps est compté, et chaque seconde...